Tennis. ITW - Bartoli : "On est dans un creux générationnel"
Par Tennis Actu le 20/01/2014 à 16:04
En marge de cet Open d'Australie que Marion Bartoli commente sur les antennes d'Eurosport et parce que le tennis féminin français semble plus que jamais orphelin depuis sa retraite, il était intéressant d'avoir le petit avis de la dernière Tricolore à avoir remporté un Grand Chelem, le tournoi de Wimbledon en juillet dernrier. Car le constat est simple. Aucune Française en deuxième semaine à Melbourne. Exceptée Alizé Cornet, peu d'entre-elles semblent pouvoir y parvenir en Grand Chelem et ce, dans un futur proche. Bref, le tennis féminin français nagerait-il en plein marasme ? La réponse de Marion Bartoli. Entretien.
Marion, à l'US Open, quelques semaines après l'annonce de votre retraite, vous aviez ouvert la porte à la Fédération Française de Tennis qui semblait prête à vous recevoir pour profiter de votre savoir-faire, de votre expérience... qu'en est-il ?
Bah, en fait, non. On ne m'a pas contacté. On ne m'a pas demandé de venir. Mais ce serait un énorme travail, un travail à plein temps. Il faudrait que je me dégage pendant 3 à 5 mois pour ne faire que ça, pour m'occuper des filles. C'est un énorme boulot. Est-ce que j'ai envie de cela aujourd'hui ? Ce n'est peut-être pas forcément le cas. En tout cas, si on me demande des conseils, si on me demande une aide pour une certaine période, bien sûr que je le ferai volontiers. Est-ce que cela marcherait ? Je suis loin de penser que j'ai les clés de tout. Mais j'essaierais d'apporter ce que j'ai moi appris au fur et à mesure des années. Oui, et comme Amélie est en train de le faire. Donc on serait peut-être deux et peut-être que le discours serait plus fort à deux. Je ne sais pas. Mais il faut que cela vienne aussi des filles. Le tennis, c'est un projet très personnel. Le très haut niveau, quand on veut être dans le top 10, quand on veut remporter un tournoi du Grand Chelem, cela part de soi. C'est toi qui t'impose ta discipline, tes entrainements au quotidien. C'est à toi d'aller chercher les solutions pour atteindre son objectif à soi. Cela part du joueur. Si le joueur n'a pas envie de ça, c'est compliqué d'intervenir.
Vous avez l'impression qu'elles manquent d'ambitions les Françaises ?
Je ne suis pas dans leur tête. Je ne veux pas répondre à cela et je ne peux pas. En tout cas, elles sont très motviées. Quand j'étais en Fed Cup avec elles, que ce soit Alizé (Cornet), Kristina (Mladenovic), Caroline (Garcia), elles sont toutes très motivées sur leur tennis. Mais faire les bons choix au bon moment, ce n'est pas facile. Cela parait facile quand on est extérieur mais quand on est dedans, il faut savoir bien gérer. Au quotidien, il faut trouver des bons entraineurs de libre. J'ai eu la chance d'avoir mon père qui avait une implication totale. Si j'avais dû trouver un entraineur autre que mon père, cela aurait été très compliqué. C'est aussi un gros investissement financier. Donc cela ne se trouve pas comme ça au coin de la rue. Il faut trouver tout et le bon assemblage. Ce n'est pas évident de s'intégrer dans une structure rapidement et de s'y retrouver.
Est-ce qu'à votre avis, on a négligé le tennis féminin ces 7-8 dernières années ?
Négliger, je ne pense pas. Mais force est de constater que nous n'avons pas eu les résultats escomptés. Après, il y a eu Tatiana Golovin qui était un grand espoir mais qui malheureusement s'est blessée. Si Tatiana avait pu jouer toute sa carrière, on ne se poserait pas toutes ces questions-là car Tatiana avait tout pour être dans le Top 10 et pour gagner un Grand Chelem. Ell est plus jeune que moi donc certainement qu'elle serait régulièrement en tournoi du Grand Chelem. Voilà, Tatiana a arrêté très tôt. Moi, j'ai arrêté aujourd'hui. C'est vrai qu'il y a eu des années où il y avait du potentiel mais les filles n'ont pas réussi à percer et on se retrouve dans un creux générationnel. C'est à dire que je suis née en 1984 et depuis on n'a pas sorti de joueuses. Donc ça manque et quand pendant des années entières, vous ne sortez pas une seule joueuse, c'est compliqué.
Et tout ça, cela ne vous donne pas un petit regret d'avoir arrêté votre carrière si vite ?
Non, pas du tout. J'ai arrêté pour les raisons que j'ai pu vous expliquer en long en large et en travers. On ne va peut-être pas me mettre la faute sur moi sur le fait de ne pas savoir pourquoi il n' y a pas filles en deuxième semaines en Grand Chelem. C'était ma vie, c'était mo, choix. Et je l'assume totalement.
Vous avez envie de vous investir au sein de la Fédération Française de Tennis ou avec une joueuse ?
Je ne sais pas si je serais la bonne personne pour m'investir avec une seule joueuse. Parce qu'être entraineur, c'est un vrai travail. Je pense que mon père serait mieux placé que moi pour faire ce travail. Avec moi, il a suivi toutes les étapes. Moi, je pense que je pourrais aider une joueuse en tant que joueuse c'est à dire en lui donnant mes conseils que j'ai pu avoir besoin et connaitre dans ma carrière. Sur le boulot pur d'entrainement et de préparation physique, ce serait mon père qui serait beaucoup plus à même de le faire. Il serait plus capable de le faire que moi pour faire progresser une joueuse.
Et avec la Fédération, vous voulez travailler ?
Bien sûr, je n'ai aucun problème. Mais encore une fois, je ne pense pas pouvoir aujourd'hui apporter de réelles compétences c'est à dire faire un boulot d'entraîneur. Je suis encore jeune. J'ai moins de 30 ans. Je peux apporter un soutien psychologique. Je peux apporter la rigueur qu'il faut pour être une joueuse du circuit professionnel et pour être une Top 10 car je l'ai été et je sais de quoi je parle. Le reste, non mais mon père oui.
Vous irez les soutenir pour le 1er tour de la Fed Cup ?
Bien sûr que j'irais. Même en dehors de la Fed Cup ou de tout ce qui brille, je suis là pour les soutenir et quand certaines perdent au premier tour. Je suis sans arrêt en contact avec elles et elles savent qu'elles peuvent m'appeler quand elles veulent et à n'importe quelle heure. Je suis là pour répondre à leurs questions si elles en ont besoin. Il faut être là dans les bons comme dans les mauvais moments. C'est comme dans les amis, il ne faut pas être là que lorsque tout va bien. Là, il ne faut pas être là qu'en Fed Cup au bord du court pour les encourager parce que c'est là que ça brille. Moi, je suis là aussi quand on n'est pas au mieux pendant l'hiver où vous vous posez des questions sur votre préparation physique et si cela va payer. Etre là quand ça brille, tout le monde peut le faire.
Propos recueillis par la Rédaction de Tennis Actu