ITW - Chaouat : "Sarcelles n'est pas qu'un chèque"

 

Vidéo - Les finales des Interclubs en LIVE

Président de l'AAS Sarcelles, Jonathan Chaouat a contacté Tennis Actu pour clarifier les choses concernant son club. Il nous explique que contrairement à ce que pensent certains, Sarcelles n'est pas une machine financière et qu'avant tout, l'accent est mis sur la cohésion d'équipe et l'humain. Comme Nicolas Devilder, il regrette que les Interclubs soient sous-médiatisés alors que son équipe s'est une nouvelle fois hissée en demi-finales.

 

Jonathan, l’objectif "minimal" est atteint pour Sarcelles avec cette qualification pour les demi-finales...

Je peux enfin dormir depuis mercredi soir (sourire). On organise les phases finales, et ce pendant au moins deux ans. C'est donc un soulagement que l'on soit présent en demies, par rapport à l'investissement des bénévoles, au soutien de la Ligue etc.

 

Le match de samedi contre le TCP, avec la première place de la poule A comme objectif, apparaît comme un test idéal pour la suite de la compétition...

Cela va être un test incroyable mais le test le plus important sera samedi d'après (le 6 décembre). Cela fait trois ans que l'on est en première division, qu'on a la chance de connaître les phases finales mais à chaque fois, cela s'arrête en demies. Le chemin est long, et cela sera encore plus compliqué chez nous à domicile. Maintenant, on ne sait pas encore qui nous allons affronter. Sinon, le TCP est la meilleure équipe de France. Je serais le président le plus heureux du monde si on avait le quart de leur palmarès. Se jauger au TCP, c'est magnifique mais il faut surtout faire attention à l'état physique des joueurs à une semaine de la phase finale.

 

Vous avez contacté TennisActu car selon vous, on juge bien trop vite Sarcelles. Pouvez-vous nous expliquer en détails le message que vous voulez faire passer ?

On juge Sarcelles sur un budget. Sarcelles, ce n'est pas cela. On doit actuellement posséder l'un des plus petits budgets. Il est de l'ordre d'à peu près 400 000 euros. J'aimerai bien connaître le budget des autres clubs tout confondu. Il est vrai qu'on associe Sarcelles à des joueurs de très haut niveau et j'en suis ravi. Mais il faut surtout comprendre qu'ils sont là (les joueurs) car on a de superbes installations, un staff de très haut niveau et des alchimies qui se créent entre tout le monde. Les joueurs, ce sont des copains qui viennent pour jouer avec d'autres copains. Ce qui m'a gêné, c'est qu'à chaque fois, on nous dit : "de toutes les manières, on n'a pas le budget de Sarcelles."

 

Vous voulez donc montrer que Sarcelles mérite une autre image...

Le budget de Sarcelles ne veut rien dire. Jo-Wilfried Tsonga et Gaël Monfils utilisent nos structures mais ne sont pas payés pour prendre une licence chez nous. Ils ne vont pas disputer les Interclubs. L'an dernier, Monfils a pris une licence car son petit frère (Daryl) lui a dit beaucoup de bien de notre club et qu'il connaît très bien notre directeur sportif, Gérald Brémond. Il est venu s'entraîner pendant dix jours pour préparer le premier tournoi de l'année et derrière, il fait finale à Doha contre Rafael Nadal. Sincèrement, j'avais tout gagné sur le coup. Et ça, ce n'était pas une opération financière.

Un joueur comme Roberto Bautista Agut, 15e joueur mondial, qui joue pour Quimperlé, coûte par exemple plus cher que tous nos joueurs. J'ai la chance d'avoir une très bonne équipe mais ce n'est pas seulement lié au prix mais surtout à une structure. Un joueur comme Jarkko Nieminen est chez nous depuis deux semaines et il profite de nos installations pour se préparer au maximum. Ce vendredi soir, tous les joueurs de l'équipe une vont faire jouer les enfants du club et les adhérents lambdas dont moi. L'image de Sarcelles, ce n'est pas uniquement un chèque sinon les joueurs iraient tout simplement ailleurs. La plupart des clubs vont vous dire à peu près la même chose mais on met vraiment l'accent sur ce que l'on offre aux joueurs. Et si on avait un gros budget, cela ferait longtemps qu'on serait champion de France.

 

En toute franchise, combien cela coûte de faire venir un Jarkko Nieminen ?

J'ai déjà envie de vous dire qu'un Nieminen nous rapporte plus qu'il nous coûte pour la simple et bonne raison qu'il ne vient pas pour l'argent. Pour un premier tour à Roland-Garros, il prend environ 20 000 euros hors sponsors. Là, pour la période globale de tous les matches qu'il va faire, on arrivera même pas à cette somme-là. Il utilise nos infrastructures, nos entraîneurs, il est hébergé, nourri... Donc forcément la personne ne gagne pas 15000 euros pour jouer chez nous. On peut tout de même mettre une fourchette. Un joueur entre la 70e et la 100e place touche environ 2500-3000 euros par journée. Au-dessus de la 70e place, il gagne un peu plus mais cela dépend aussi de ce qu'il veut derrière. Quand un joueur a envie de matcher, c'est important pour lui d'affronter des adversaires de haut niveau et c'est parfois compliqué de trouver des partenaires.

 

On a refusé des joueurs qui demandaient des sommes astronomiques. Les Interclubs, ce n'est pas une question d'avoir la meilleure équipe possible. Sincèrement, l'équipe de Saint-Amand est venue chez nous la semaine dernière sans aucun joueur dans les 100 et on aurait pu faire match nul ou perdre. On a gagné 4-2 mais Saint Amand avait un superbe esprit d'équipe. C'est pareil pour Quimperlé. Je suis fan de leur état d'esprit. Un Maxime Authom, Quimperlé, est pour moi la définition même des Interclubs. Il est irréprochable sur et en dehors du terrain, il s'arrache comme un dingue, il est à fond avec ses collègues etc. Il coûte sûrement moins cher que Nieminen et si je pouvais avoir les deux, je serais très heureux. Ce que je veux surtout dire, ce que tout cela n'est pas une question d'argent. Les joueurs peuvent se faire dix fois plus en exhibition.

 

Vous comprenez donc que certains joueurs préfèrent se tourner vers les exhibitions fructueuses plutôt que de jouer les Interclubs...

Prenez l'exemple du Tunisien Malek Jaziri (76e). C'est un joueur qui est tout proche aujourd'hui de son meilleur classement (69e, en juillet 2012). Il joue chez nous depuis huit ans et il a amené l'équipe au plus haut niveau. C'est lui qui nous a fait monter en première dévision et l'équipe a grandi à travers lui. Quand il est venu me voir en me disant ce qu'il allait récupérer en jouant une exhibition (Ndlr : l'IPTL pour les UAE Royals) en Asie, je lui ai dit : "vas-y, fonce ! On ira juste au restaurant quand tu reviendrais car tu pourras m'en payer un excellent (sourire)." Son choix est très compréhensible, comme celui qu'un Nieminen qui se prépare à fond et qui joue deux joueurs du top 100 dans la même semaine dans le cadre des Interclubs. Lui est content et moi je suis ravi car derrière, il va aussi jouer avec les gamins du club. Les Interclubs relayent de très bonnes valeurs comme l'esprit d'équipe et l'amitié. Je ne veux pas que l'on parle de cette compétition seulement à cause de l'argent. Cela n'a aucun intérêt.

 

Nous avons récemment interviewé Nicolas Devilder, qui trouve que l'on passe à côté des Interclubs. Partagez-vous l'avis du président de Bressuire ?

Je suis complètement d'accord avec lui. On sous-estime et sous-médiatise les Interclubs. On a la chance d'avoir des affiches comme Karlovic-PHM, Herbert-Nieminen ou encore Brands-Kubot. Il y a des gens qui payeraient 100 euros à Roland-Garros pour voir ce genre de matches. Là, comme le dit bien Nicolas Devilder, les joueurs sont très accessibles. Ils ont par exemple mangé avec les adhérents du club ce vendredi. Cela n'existe pas sur le circuit. Dans les tournois, il y a des "castes" et c'est un accès ou la porte. Dans les Interclubs, tout le monde a accès à tout le monde. C'est génial ! A la fin des matches, les joueurs font par exemple des photos avec les arbitres.

 

C'est triste que les Interclubs soient si peu relayés. Effectivement, il y a une semaine, tout le monde était focalisé sur la Coupe Davis, moi le premier. Maintenant, on se dit juste qu'il reste une semaine avant la fin des championnats de France et la compétition est toujours peu médiatisée. Cela fait de la peine pour les joueurs alors que le niveau est incroyable. Prenez la poule B : à Lille il y a David Goffin, Edouard Roger-Vasselin est chez Lagardère alors que Marco Chiudinelli a gagné la Coupe Davis  avec le Suisse et mercredi, il était avec le TCP. Malgré tout cela, on n'en parle jamais dans les médias. C'est avant tout triste pour les joueurs, moins pour nous. Quand un Jérémy Chardy (licencié à Sarcelles) revient pour coacher une équipe alors qu'il a d'autres choses à faire, cela nous rend très fiers.

 

Propos recueillis par Bastien Rambert pour Tennis Actu