Tennis. ITW - Constance Sibille, de joueuse de tennis à hypnothérapeute...
Par Alexandre HERCHEUX le 24/12/2020 à 15:20
Une carrière tennistique n'est qu'un chapitre d'une vie et cela, Constance Sibille l'a bien compris. A 29 ans, la Lorraine a décidé en mars dernier de tirer un trait sur sa carrière de joueuse de tennis professionnelle. Ce n'est pas le Covid-19 qui l'a poussée à prendre cette décision mais son corps, "fatigué et abîmé", et plus précisément son épaule droite. Montée jusqu'au 265e rang mondial en 2014, la Tricolore a remporté 5 tournois dans sa carrière et vécu de très beaux moments à Roland-Garros en 2014 et 2015.
Vidéo - Constance Sibille au micro de Tennis Actu
Gênée par les blessures à de nombreuses reprises, Constance Sibille aurait sans doute pu craquer le top 200, voire peut-être titiller le top 100, mais finalement, elle est heureuse de tout le parcours accompli depuis ses débuts en juillet 2006. Et la nouvelle vie de Constance Sibille ne s'annonce pas moins palpitante que celle de joueuse. Ayant ouvert son propre cabinet, Constance va désormais pratiquer l'hypnothérapie. Une technique découverte durant sa carrière et qui se révèle être une véritable passion. Mais ce n'est pas tout puisque la jeune femme devenue maman en cette fin d'année. L'après-carrière s'annonce radieuse !
"Mon corps était fatigué et abîmé"
Comment allez-vous et comment avez-vous appréhendé cette période si particulière ?
Ça va très bien, c’était un peu compliqué pendant le confinement. Concernant la transition et ma décision d’arrêter ma carrière professionnelle, ça va aussi. Cette décision a été mûrement réfléchie et je suis très contente. J’avais préparé mon après-carrière et j’ai commencé à travailler.
Fin mars, vous annonciez la fin de votre carrière. Pourquoi avoir pris cette décision ?
Pour plusieurs raisons. La première, c’est que mon corps était fatigué et abîmé. Mon épaule droite me gêne depuis longtemps. Je jouais avec des douleurs parfois insupportables et malgré tout, j’ai continué parce que je suis extrêmement passionnée par le tennis et au fond de moi, j’avais l’espoir de guérir et aller mieux. A côté de ça j’ai été diplômée en psychothérapie pour être hypnothérapeute. C’est pour ça que j’ai arrêté maintenant. Je continuerai tout de même les tournois français et les matches par équipe.
Sept blessures de plus de six mois d’indisponibilité, une trentaine de plus de deux semaines, comment expliquez-vous cela ? Par la fatalité, ou vous pensez avoir trop forcé ?
C’est une question que je me pose depuis des années et je n’ai toujours pas la réponse. Je pense que c’est un concours de circonstances, un ensemble de raisons qui a fait que je me blesse souvent. J’ai commencé à m’entraîner sérieusement assez tard, à l’âge de 15 ans, est-ce que c’est pour ça ? Je ne sais pas. Avant, je jouais en loisir et pas beaucoup donc peut-être qu’avoir augmenté la charge de travail de manière intense a joué. J’ai aussi beaucoup tiré sur la corde. Je voulais rattraper mon retard, j’étais motivée avec mon entraîneur de l’époque et on était capable de s’entrainer 6/7 heures par jour. L’enchaînement des tournois aussi. Il aurait peut-être fallu prendre plus de repos. Ça peut être mes choix ou simplement un corps trop fragile à la base. Honnêtement, c’est dur de savoir. C’est peut-être aussi un manque de moyens puisque jusqu’à mes 22 ans, je m’entraînais solo, avec un coach tennis qui s’occupait aussi de ma condition physique. On faisait avec les moyens du bord. La préparation physique n’était peut-être pas toujours adaptée.
Est-ce que ça vous laisse un goût amer ?
Pendant une période oui, j’avais toujours cette sensation de ne pas être allée au bout de ce que je pouvais faire. Avec le temps, je me dis que ça fait peut-être partie du jeu de se blesser. J’ai fini par l’accepter et j’ai profité pendant ces années. J’ai pu savourer, voyager, jouer de supers tournois. Les 4 dernières années à fond sur le circuit, de 2013 à 2017, j’ai eu mon meilleur classement, 260emondiale, et j’ai joué maximum 6 mois durant une saison. J’arrivais à me stabiliser autour de la 260e place en ne jouant que 6 mois donc ça pouvait me laisser penser que j’aurais pu mieux faire avec une année complète et aller me frotter au top 100. Avec des « si », on refait le monde… C’était quand même bien et je suis heureuse de cette carrière.
"Je suis contente de ce que j’ai accompli"
Racontez-nous un peu votre histoire, comment être vous venue au tennis ?
J’ai découvert le tennis jeune parce que ma tante était une passionnée. On jouait sur le terrain à côté de chez moi et c’est devenu une passion. J’étais à Sarreguemines jusqu’à mes 13 ans et j’ai déménagé à Metz pour le travail de mon père. Un coach a trouvé que je jouais bien là-bas. Je suis allée à l’école classique jusqu’à 15 ans et j’ai démarré ensuite les cours par correspondance pour jouer plus au tennis. J’ai commencé à m’entraîner 5 heures par jour et j’ai fait que ça pendant pas mal de temps.
En 2014, vous êtes montée au 264e rang mondial, vous avez participé aux qualifs de Roland en simple et joué le tableau principal en double. C’est votre meilleure saison ? Celle avec le plus de plaisir ?
Oui je pense parce que j’ai joué les plus gros tournois. L’année d’après a été très bonne aussi. J’étais allée en demies du tournoi de Contrexéville, 75 000$ à l’époque.
Quel est le ou les meilleurs souvenirs de votre carrière ?
En 2013, j’avais fait un 75 000$ en Angleterre, je faisais les qualifs et je suis allée jusqu’en demies en battant 2 joueuses du top 100. Roland-Garros aussi était incroyable. Je me souviens encore de chaque moment avant d’entrer sur le court. J’avais quand même affronté Kontaveit. Elle était 60 à la WTA mais dans les qualifs car elle avait gagné un tournoi juste avant Roland et donc son classement n’avait pas été pris en compte. C’était un super match, très intense. Je garde aussi un beau souvenir du tournoi de Strasbourg puisque j’étais allée en demies en double et au 2e tour en simple. J’avais perdu sur le Central contre Lepchenko, top 35.
Et le moment le plus difficile ?
Les périodes avec les blessures. En 2015, je jouais bien, j’étais bien classée et je me suis blessée gravement à l’épaule. Le chirurgien m’avait dit d’arrêter sinon je ne pourrais plus jouer au tennis. J’ai dû faire une pause de 9 mois. Je ne pensais pas que mon épaule était dans cet état.
Comment avez-vous fait pour surmonter cette épreuve ?
Je me suis beaucoup occupée. J’ai décidé de passer mon diplôme d’état d‘entraîneur et j’ai commencé mes études pour être hypnothérapeute. Ça m’a beaucoup aidée !
On parle beaucoup des difficultés financières des joueurs. Est-ce que vous aussi vous avez dû lutter face à ce problème durant votre carrière ?
Non ça aurait pu, mais j’ai eu de la chance d’avoir un entraîneur passionné et qui ne me demandait quasiment rien pour m’entraîner. Avec mon classement, je pouvais jouer les CNGT, je faisais des ITF et si je perdais en semaine j’allais sur le CNGT. Je gagnais largement assez pour m’en sortir. Je faisais aussi les matches par équipe en Allemagne, au Luxembourg et en France. Mes tournées de tournois n’étaient pas trop loin également, je faisais beaucoup de tournois en Europe et quand j’allais loin, c’était pour des WTA, donc il y a plus de garanties et d’argent. Je n’ai pas trop eu de problèmes de ce côté-là, j’ai même pu mettre de l’argent de côté. Je n’ai pas à me plaindre. Ça m’aurait stressée de me dire que je n’avais pas de sous pour payer l’hôtel etc… J’ai toujours voulu prendre le tennis avec un peu de légèreté. Je n’aurais pas pu jouer sous cette pression.
Quel bilan tirez-vous de votre carrière ?
Je suis contente de ce que j’ai accompli. Pendant longtemps j’ai été frustrée mais quand on s’arrête et qu’on regarde derrière, on se dit que ce n’est pas si mal. J’ai fait plein de choses, je pense que c’est une chance pour moi. J’ai pu faire ce que je voulais.
"L'hypnothérapie : quelque chose de très concret, très scientifique"
Votre après-carrière est déjà bien préparée. Expliquez-nous en quoi va consister la suite ?
J’ai commencé à travailler en tant qu’hypnothérapeute. Ça rejoint un peu la sophrologie. C’est mettre une personne en état de conscience modifiée pour accéder à sa partie inconsciente. Ça permet de débloquer des choses, aider les gens à arrêter de fumer, perdre du poids, gérer des angoisses… J’ai de la demande chez les joueurs de tennis mais aussi hors du sport. Je joue encore à côté, et je donne des cours aussi. J’avais envie de choses un peu plus cérébrales on va dire. A la base, c’était vraiment dans l’optique d’une préparation mentale de sportifs et finalement ça m’a tellement passionnée que j’ai étendu ça à tout le monde.
Qu’est ce qui vous a attiré dans l’hypnothérapie ?
Pendant des années, le métier de sportif de haut-niveau tourne autour de soi, c’est très individuel. J’avais envie de rendre un peu ce qu’on m’avait donné. J’avais testé l’hypnose dans ma carrière lorsque j’avais eu un gros blocage avec ma seconde balle. J’ai tout essayé, préparateurs mentaux, spécialistes biomécaniques et j’ai testé l’hypnose. En une séance, le problème a été résolu. J’ai trouvé ça incroyable surtout que je n’y croyais pas trop au début. C’est quelque chose de très concret, très scientifique. Quand, on sait que ça n’a rien de magique, c’est très intéressant.
Et coach, c’est une volonté de transmettre votre expérience ?
Quand j’ai passé mon DE, je n’étais pas passionnée par ça, c’était pour m’occuper durant mes blessures. Finalement, j’y ai pris goût et j’ai apprécié le fait de pouvoir transmettre. Je vais continuer à aider dans les clubs.
Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?
On peut me souhaiter d’apprécier tout ce que je fais et que le cabinet fonctionne toujours aussi bien ! (rires)