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Aravane Rezaï : "J'ai fait le deuil de la joueuse que j'ai été"

Interview
Mis à jour le par Timothée THOMAS-COLLIGNON & Emmanuel POTIRON

À 37 ans, Aravane Rezaï, qui a atteint la 15e place mondiale en octobre 2010, se lance un "pari fou" : relancer sa carrière tennistique à partir de zéro, ou presque. Tennis Actu a eu l'opportunité de la rencontrer au All In Country Club de Décines, où elle s'entraîne depuis six mois aux côtés de Simon Blanc, qui l'accompagne dans cette tentative de retour. Avec quatre titres WTA à son actif, dont le prestigieux WTA 1000 de Madrid en 2010, elle se livre sur ce nouveau chapitre de sa vie sportive. Ce lundi, elle a rallié le tableau final du 50 000 $ de Calvi en balayant la Polonaise Natalia Kowalczyk. Elle attend de connaître son adversaire dans le grand tableau. L'Entretien Aravane Rezaï.

L'Entretien Aravane Rezai sur Tennis Actu

 

"Je n'ai pas envie de parler d'un come-back ou de dire que je reviens car j'ai fait le deuil de la joueuse que j'ai été"

Aravane Rezaï n'en est pas à son premier retour sur le circuit WTA. L'athlète franco-iranienne, victorieuse de son premier match à Roland-Garros à seulement 18 ans, a dû surmonter divers obstacles tout au long de sa carrière. Entre des épreuves familiales, avec son père notamment, et des blessures qui l'ont éloignées des courts, le parcours de la Stéphanoise, qui se déplaçait à l'origine avec le camping-car familial sur les tournois, a été jalonné de pauses forcées. Cependant, l'appel du défi humain et la volonté de dépasser ses propres limites l'ont constamment ramenée sur les courts, animée par la conviction que "tout est possible".

Éloignée du circuit professionnel depuis novembre 2021, Aravane Rezaï a surmonté une fois de plus les obstacles et deux blessures importantes pour revenir, une fois de plus, amorçant son retour sur les tournois Futures. Son ambition demeure inchangée : accumuler des victoires et des points afin de gravir les échelons du classement mondial, avec en ligne de mire le rêve de retrouver les terres battues de Roland-Garros, "son tournoi préféré". Loin des médias depuis un certain temps, Aravane Rezaï nous a offert de son temps, quelques heures avant de s'envoler pour la Corse et un tournoi Futures 50.000$ à Calvi, pour se confier.

 

"Être dans la kiffance totale"

Tennis Actu : À 37 ans, vous espérez retrouver votre tennis d'antan en passant par le circuit secondaire. Racontez-nous, quel souhait vous anime ?

Aravane Rezaï : C'est un pari un peu fou... Je ne parlerais pas d'un comeback, je ne veux pas dire que je reviens, mais c'est plutôt le processus qui m'intéresse, le cheminement, ce challenge-là. J'ai envie de revenir au niveau que je peux. J'ai déjà fait le deuil de la joueuse que j'ai été. J'ai juste envie de prendre du plaisir dans ce que je fais. Je n'ai rien à prouver, ce n'est que du bonus, que du plaisir.

 

Quel est votre moteur, quelles sont vos motivations pour venir vous entraîner chaque jour, alors que vous n'avez plus rien à prouver justement ?

Ma motivation, c'est le temps que je passe avec les personnes ici. Mon coach, Simon Blanc, mais aussi toute mon équipe, le staff médical... Ce travail-là, que nous mettons en place, me motive tous les jours à revenir et prendre du plaisir. Le mot clé c'est vraiment le plaisir, être dans la "kiffance" totale.

 

"Avec mon père, tout se passe bien depuis plusieurs années maintenant"

Votre famille vous soutient dans cette envie de revivre une "deuxième carrière" ?

Oui, j'ai toujours des parents motivés comme jamais (sourires). Ils ont fait leur temps, mon papa est retraité, ma maman bientôt aussi, mais je peux compter sur leur soutien à 100%. Et j'ai un grand frère qui joue un rôle important dans ma vie et ma carrière. Sa présence est très importante pour moi.

 

Quelle relation entretenez-vous avec votre père ?

Tout se passe bien depuis pas mal d'années déjà. La période Covid nous a permis de nous rapprocher, parce qu'on a passé ce temps ensemble. Les conflits, il y en a et il y en aura toujours mais tout le monde a mis de l'eau dans son vin. Le temps passe. Aujourd'hui, on essaie de profiter au maximum de notre famille. On ne sait pas ce qui peut arriver demain, donc on profite du peu de temps qu'il nous reste pour profiter en famille.

 

"J'ai été alittée pendant des mois avec un corset. On m'avait diagnostiqué que je n'arriverai pas à remarcher"

Vous vous étiez arrêtée en novembre 2021, deux mois après votre reprise, en septembre... Pourquoi ?

En 2021, j'ai vécu pas mal d'épreuves, avec deux grosses blessures, dont une hernie discale. J'ai été alittée pendant des mois avec un corset, j'ai dû réapprendre à marcher alors qu'on m'avait (plus tôt) diagnostiqué que je n'arriverai pas à remarcher. C'était vraiment un gros combat pour mois. Et après un an et demi de rééducation, je me suis fait une rupture du tendon d'achille quelques jours après avoir repris...

 

Envisagiez-vous un éventuel retour lorsque l'on vous diagnostiquait que vous ne remarcheriez plus ? Où aviez-vous tiré un trait sur votre carrière de sportive ?

Non non, à ce moment là, on relativise et on est juste triste. Mais ça a été pour moi le plus beau cadeau. On pense que tout est acquis mais non. Ces problèmes m'ont permis de comprendre que la santé est tellement importante... Moi j'avais de la chance, je n'avais qu'une hernie discale mais il y a tellement de monde qui ont des problèmes de santé. Cette blessure m'a permis de relativiser sur ma vie. Ces épreuves m'ont rendu encore plus forte.

Cette période en dehors des courts m'a fait changer, en tant que personne. J'ai évolué, en tant que femme. J'ai appris beaucoup de choses de la vie, de moi-même. Aujourd'hui, j'ai envie de partager beaucoup de bienveillance, beaucoup d'amour beaucoup d'affection et avec des personnes qui partagent cette passion.

 

Le corps est généralement mis à rude épreuve dans le sport de haut niveau. Vous envisagez un retour au plus haut niveau à 37 ans, quelles sont les sensations sur le court ?

J'ai encore le corps qui me permet de reprendre, et la volonté. Si j'avais 45 ans, je me poserais deux fois la question... Mais mon tennis aujourd'hui est encore présent, même si le haut niveau a évolué. Avant, il était possible de jouer en surpoids par exemple, ce qui est impossible maintenant. La dimension physique de notre sport a évolué. Mais je considère que ce que je fais aujourd'hui, je le fais bien, donc ce serait dommage de ne pas essayer (de reprendre). Et j'ai aussi cette envie de rendre fiers ma famille et mon équipe.

 

"Ces tournois (Futures) ont leur charme. C'est toute la difficulté de ce sport"

Votre carrière relancée, vous côtoyez à nouveau les tournois Futures, à l'extrême opposé de ce que vous avez pu connaître dans votre carrière, à Wimbledon contre Serena Williams ou en finale du WTA 1000 de Madrid contre Venus (Williams)...

On pense que c'est dur mais je trouve que ces tournois ont leur charme. C'est toute la difficulté de ce sport... Et quand on réflechi à toutes les épreuves que j'ai traversées, je me dis que c'est déjà une victoire. Marcher, être dans ces tournois là, jouer et pouvoir battre des joueuses qui sont 300e, 400e, 500e mondiale. On veut toujours plus, mais je ne pense pas à ce qu'il s'est passé avant mais plutôt ce qu'il va se passer plus tard. Les tournois de seconde zone font partie du jeu, et je suis prête pour ça.

 

Des tournois qui ont un charme particulier ?

Bien sûr, et je n'ai pas ce manque-là de jouer devant des gens. J'ai gagné des grands tournois, battu des numéro 1 mondiales... Ce n'est pas un peu de vent ou un terrain qui est cassé qui vont me perturber pour atteindre mes objectifs.

 

"Patrick (Mouratoglou) pas de nouvelles... et tant mieux"

Pendant vos pauses, avez-vous gardé contact avec des joueuses du circuit, ou Patrick Mouratoglou, avec qui vous avez longtemps collaboré, notamment lors de votre victoire à Madrid ?

Avec les joueuses non... Les filles quoi. Généralement elles ne sont pas très amicales (sourires). Enfin j'en ai eu quelques unes... Mais je n'avais pas besoin d'être dans le milieu du tennis pour avoir du contact, j'avais mes amis à côté. En revanche, j'étais plutôt en contact avec des joueurs, des garçons. Et non, Patrick pas de nouvelles... Et tant mieux (sourires).

 

Vous avez disputé trois tournois Futures depuis janvier... Quels sont vos objectifs pour la suite ?

Je vais disputer le tournoi Futures de Calvi (50.000$). L'idée est de rapidement atteindre la 500, 400e place mondiale avant Roland-Garros pour pouvoir faire ma demande de wild-card. Et si ce n'est pas Roland-Garros, ce sera Wimbledon, et si ce n'est pas Wimbledon, ce sera peut-être l'année prochaine... Je ne me mets pas une date précise pour atteindre un objectif particulier. J'avance en fonction de moi.

Publié le par Timothée THOMAS-COLLIGNON & Emmanuel POTIRON

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