Luca Van Assche : "La politique commence à devenir intéressante"
InterviewL'actualité finit toujours par nous rattraper. Luca Van Assche, qui soufflait un mois plus tôt sa 20e bougie, a réservé une partie de son temps de récupération d'après-match (en 8es de finale du challenger de Lyon) pour répondre aux questions de Tennis Actu. Sur un vélo d'appartement, le Parisien n'a évité aucun sujet, même les plus chauds. Sa double casquette étudiant-joueur, son début de saison en demi-teinte, le tennis français mais également l'actualité politique en France... L'Entretien Tennis Actu, à retrouver ci-dessous.
L'Entretien Tennis Actu avec Luca Van Assche à Lyon
Retrouvez ici le tableau du challenger de Lyon
Perturbé par une pubalgie quelques jours avant Roland-Garros, vous avez tout de même tenu à participer au Grand Chelem parisien, qui se déroule à quelques centaines de mètres de chez vous. Quel bilan tirez-vous après cette défaite contre Denis Shapovalov (6-3, 6-4, 6-4) au premier tour ?
Je retiens pas mal de choses de positifs quand même. J'avais dû m'arrêter quelque temps après une petite blessure donc je suis très content d'avoir pu jouer. Physiquement, c'était un peu juste pour la reprise. Mais ça me tenait à coeur de pouvoir jouer Roland-Garros, un Grand Chelem, sans doute le tournoi le plus important pour moi. J'habite juste à côté, il y avait toute ma famille, mes proches donc j'étais forcément déçu d'avoir perdu. Mais ce n'était pas garanti que je joue le simple donc ça reste positif et une expérience en plus.
"C'est rare de gagner des Grands Chelems à 20 ans"
Comment ressentez-vous la pression mise sur les jeunes Français, notamment à Roland-Garros ?
Je ne pense pas qu'il y en ait trop. On a tous (les jeunes Français) des parcours un peu différents, on essaie de faire le maximum. Le public aimerait qu'on gagne tout, tout de suite, c'est normal. Mais ça prend du temps pour tout le monde. Avec Arthur (Fils), on n'a que 20 ans donc on est encore très jeunes, Giovanni (Mpetshi Perricard) en a 21. C'est rare de gagner des Grands Chelems à 20 ans (sourire) donc chacun trace sa route, chacun fait son maximum. De mon côté, la pression, je ne la ressens pas forcément. Je joue vraiment pour moi, pour me faire plaisir, gagner plein de matchs. Mais il faudrait plutôt poser la question à Arthur (Fils), qui a été très mis en avant et qui l'a peut-être ressenti différemment. Mais moi, même l'année dernière, quand j'ai un peu pris la lumière, j'ai toujours joué pour moi, pour me faire plaisir et faire plaisir à mon équipe, à mes proches.
"Je m'entends très bien avec tout le monde. Bien sûr, il y a une émulation"
Arthur Fils, Arthur Cazaux, Térence Atmane, Harold Mayot et Luca Van Assche. Vous êtes cinq Français, âgés de 20 à 22 ans, entre la 38e et 127e place mondiale (cette semaine). Quelles relations entretenez-vous les uns avec les autres ?
Personnellement, je m'entends très bien avec tout le monde. Après, je suis plus proche avec certains qu'avec d'autres forcément. Par exemple avec Arthur (Fils), qui est de mon année (2004). Je le connais depuis qu'on est tout petits, on a traversé les étapes ensemble, on a fait beaucoup de tournois ensemble, en juniors et même plus petits... Même Giovanni (Mpetshi Perricard), j'ai été champion d'Europe avec lui par équipes donc ce sont les années d'âge que je connais le mieux. Harold aussi, avec qui je m'entraîne à Paris. Térence, je le vois rarement mais c'est aussi une personne avec qui je m'entends très bien. Comme avec tous les joueurs français donc c'est cool. Bien sûr, il y a une émulation, c'est normal je pense. Un peu comme on le voit avec le tennis italien en ce moment, quand des joueurs jouent bien les autres veulent faire pareil. Donc j'espère que ça va pousser encore plus de Français et encore les plus petits (sourire).
"Vincenzo Santapadre (son entraîneur depuis quatre mois) apporte beaucoup de positivité dans le groupe"
Vous comptez aujourd'hui sur les services de Yannick Queré, votre entraîneur historique, et Vincenzo Santopadre, qui vous accompagne également sur certains tournois depuis février. Comment se passent ces collaborations ?
Ça se passe très bien. J'ai fait des semaines avec lui (Vincenzo Santopadre) mais je fais principalement des semaines avec Yannick. Mais aussi des semaines en commun, avec Yannick et Vincenzo. Il (Santopadre) m'apporte son expérience du haut niveau, il a entraîné un joueur qui a fait une finale en Grand Chelem (Matteo Berrettini, finaliste de Wimbledon en 2021) et il a passé beaucoup d'étapes avec lui. Mais la manière d'entraîner Berrettini est différente de la manière de m'entraîner moi. C'est quelqu'un qui est très positif, qui travaille beaucoup. Il s'entend très bien avec Yannick (Queré) ce qui est très important, peut-être le plus important sinon c'est compliqué (sourire). Il apporte beaucoup de positivité dans le groupe donc c'est quelque chose qui est très bien. Mais ce n'est que le début, quatre-cinq mois, donc j'espère que ce n'est que le début d'une longue collaboration.
Je m'entraîne toujours avec Yannick, qui est mon entraîneur principal, et Vincenzo m'entraîne aussi mais ni l'un ni l'autre peuvent faire 50 semaines sur 52. Donc forcément il faut se partager. Je pense que c'est bien d'avoir une conversation un peu différente de temps en temps même si le but est le même. Je ne sais pas exactement combien de semaine Vincenzo va faire dans l'année mais peut-être une vingtaine, voire un peu plus.
"Sur le circuit, on ne parle pas du tout de politique"
La France vit une période politique historique... Est-ce un sujet, pour vous et dans le vestiaire ?
Non franchement, sur le circuit, en tout cas entre Français, on ne parle pas du tout de politique. Après ça peut arriver sur des dîners ou quoi. Mais j'avoue que je n'ai parlé de politique avec personne. Déjà parce que moi je ne m'y connais pas beaucoup, d'ailleurs je vais commencer à suivre un peu parce que ça commence à devenir intéressant. Mais je ne m'y connais pas beaucoup et j'en ai parlé avec aucun joueur. On parle de plein de choses entre nous mais de politique, ça ne nous est pas trop arrivé et je pense que ce n'est pas le plus important. Quand je passe des moments avec les autres joueurs... La politique ça peut être cool, mais moi je suis là pour passer des bons moments et il y a d'autres sujets.
Parce qu'en dehors du tennis, quelles sont vos activités, vos passions, vos passe-temps ?
J'étudie toujours à l'université, qu'est-ce que je fais d'autres... Quand je suis à Paris, étant donné que je suis très rarement chez moi, j'en profite pour voir ma famille, ma copine, mes amis... Donc ça me permet aussi de faire autre chose que du tennis. Après j'aime bien sortir avec des amis, aller au restaurant, des choses assez basiques de la vie de tous les jours mais qu'on a peu l'occasion de faire en tournois. Et quand je suis en tournois, ça m'arrive de visiter un peu les villes mais sinon je suis vraiment dans mon projet tennis.
"Mes examens tombent souvent pendant des semaines de Grands Chelems"
Vous êtes peu nombreux à étudier en étant joueur de tennis professionnel aux portes du Top 100... Comment concilier les deux ?
Ce sont des cours à distance, je suis à l'Université Paris Dauphine-PSL, je fais des maths. Donc comment ça se passe, je travaille quand je peux. Parfois en tournoi, c'est un peu compliqué, tu fais des matchs tard. J'essaie de travailler le plus possible quand je suis à Paris, dans des périodes d'entraînement, surtout quand j'ai envie. Il ne faut pas que ce soit trop contraignant par rapport au tennis, qui reste ma priorité. Normalement, je devrai passer des examens fin-juillet, mais c'est un peu compliqué parce que cela tombe souvent pendant les Grands Chelems (sourire). Donc il faut voir quand je peux les passer.
Est-ce que cela vous apporte quelque chose dans votre tennis ?
Non je ne pense pas, même si ça peut peut-être m'apporter une intelligence de jeu plus facilement. Je pense que depuis que je suis tout petit, même avant d'entrer à l'Université, j'étais assez intelligent sur le court donc ça c'était bien. Après ça peut aussi m'apporter de faire quelque chose en dehors du tennis, me "libérer l'esprit." Et peut-être enlever aussi un peu de pression, en sachant qu'après ma carrière de tennis, je peux m'ouvrir plus de portes si j'ai envie de faire autre chose.
Vous êtes actuellement 102e mondial au live ranking, quels sont les objectifs cette année, peut-être assurer le Top 100 pour des questions financières d'abord ?
Non, pour le moment je ne joue pas au tennis pour l'argent, même si évidemment ça aide. Pour cette année, quand je me suis posé avec mes entraîneurs, l'objectif était de faire une deuxième semaine en Grand Chelem. Je n'étais pas loin en Australie en faisant troisième tour (NDLR: battu par Stefanos Tsitsipas en trois manches). L'objectif était de gagner un tournoi ATP, j'aurais aimé que le début de saison soit meilleur mais ça fait peut-être partie de l'expérience aussi. C'est difficile de garder une ligne toujours continue, il faut passer par des tournois challengers, pour gagner des matchs, de la confiance et après, se donner le plus de chance pour gagner des tournois ATP et atteindre une deuxième semaine en Grand Chelem.
Publié le par Timothée THOMAS-COLLIGNON