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Simon & Arthur Salafa, champion U12 : "On n'a aucune obligation"

INTERVIEW
Mis à jour le par Timothée THOMAS-COLLIGNON

Un binôme père-fils qui réinvente les règles, très loin des sentiers battus. Ensemble, Simon, entraîneur de tennis et préparateur physique, et Arthur Salafa (4/6), jeune joueur de tennis tricolore très prometteur, bâtissent une trajectoire singulière où l’authenticité prime sur les standards des grandes académies comme Mouratoglou ou IMG. Dans leur cocon d’Occitanie, travail et passion s’entrelacent pour faire rayonner l’étoile montante des 11-12 ans, déjà habituée à écraser la concurrence avec son "jeu de gaucher". Simples, sincères et complices, les Salafa nous ont ouvert les portes de leur univers ce jeudi midi, après leur entraînement matinal, lors d’un entretien en visioconférence.

L'ENTRETIEN Tennis Actu avec Simon et Arthur Salafa

 

À une médaille d’argent aux championnats d’Europe par équipes s’ajoutent des victoires mémorables : le prestigieux Super 12 d’Auray, un premier sacre aux championnats de France (11-12 ans), et un triomphe au Masters U12. Comme pour souligner la précocité d’Arthur, qui compare son style de jeu à celui d'Alex De Minaur, un titre U14 en fin d’année est venu enrichir une saison 2024 déjà éclatante.

 

Arthur, quel bilan tires-tu de cette belle année 2024 ?

Arthur Salafa : Je trouve que c'est une très belle année. Du début à la fin, j'ai été constant sur tous les tournois, donc ça, c'est une belle progression. Et après, j'ai pris du plaisir aussi à jouer et à m'entraîner.

 

Simon, vous êtes le père d'Arthur mais également son entraîneur. Parlez-nous de votre organisation, comment se passe votre collaboration familiale ?

Simon Salafa : Ça se passe bien déjà (sourire). Effectivement, je suis son papa mais aussi son entraîneur. Moi, c'est mon métier, je suis entraîneur de tennis et préparateur physique. J'ai toujours évolué plus ou moins dans la formation du joueur et dans le suivi du haut niveau, donc ce n'est pas quelque chose de nouveau pour moi. Après, avec Arthur, c'est spécial parce que c'est mon fils. On partage de très beaux moments au niveau des entraînements, et on peut dire qu'on vit très bien ensemble.

 

Au TC Roquettes (au sud de Toulouse), vous entraînez également d'autres jeunes...

S.S. : Je suis actuellement entraîneur de club, donc je travaille sur des soirées pour entraîner des joueurs de tous niveaux. Par contre, depuis l'année dernière (2023), en journée je n'entraîne plus que lui. Il y a deux ans, j'entraînais encore deux projets nationaux à vocation internationale. C'était Ambre Le Prunenec, née en 2011 et qui faisait partie des trois meilleures joueuses françaises, et Arthur. Mais depuis deux ans, je n'entraîne plus que lui.

 

Comment se compose une semaine type pour vous ?

S.S. : Quand nous ne sommes pas en compétition, on fait des entraînements biquotidiens. Le lundi et le mardi, c'est deux fois par jour, le mercredi qu'une seule fois. Ensuite, le jeudi deux fois, et le vendredi-samedi une fois. Ça, c'est une semaine tout à fait classique. Avant de partir en tournoi, on ne fait pas d'entraînements biquotidiens pour garder de la fraîcheur. Et après, nos entraînements s'articulent de la façon suivante : le matin est plus dédié au travail physique et au travail de fond de court, et les après-midis sont dédiées à la volée, au service et au retour de service. Après, il peut y avoir l'organisation de matchs libres, mais globalement, c'est notre cadre de travail à l'entraînement. Arthur est aussi l'un des joueurs qui joue le moins de compétitions.

 

 

"Je suis un attaquant, j'adore monter à la volée. Je fais beaucoup de coups gagnants"

Des semaines bien remplies avec le tennis... Arthur, tu es en cinquième. Comment fais-tu pour suivre tes cours dans tout ça ?

A.S. : Moi, je fais le CNED, cela fait deux ans, donc depuis la sixième. Je travaille le soir, le mercredi après-midi, le samedi et le dimanche. Je travaille avec mes parents qui m'aident un petit peu, et je dois rendre des devoirs sur la plateforme du CNED.

 

Ce n'est pas trop difficile de devoir concilier les deux ?

A.S. : (Sourire) Au début, l'année dernière, c'était compliqué pour trouver le rythme et tout... Mais après, quand on s'habitue, ça va mieux.

 

Comment décrirais-tu ton tennis de gaucher à une personne qui ne t'a jamais vu jouer ?

A.S. : Je suis un attaquant, j'adore monter à la volée. L'un de mes points forts est la couverture de terrain, mais j'arrive aussi à me créer beaucoup d'opportunités. Je fais beaucoup de coups gagnants...

 

Tu étais classé 5/6 cet été, quel est ton classement aujourd'hui ? Et ta taille ?

A.S. : Je suis 4/6 maintenant. Et aujourd'hui je mesure 1,51 mètre. C'est en dessous de la moyenne quand même.

S.S. : C'est un joueur de taille moyenne. Il y a des plus grands, mais ce n'est pas le plus petit. Mais après, c'est sûr que le tennis est un sport où il y a beaucoup de grands.

 

C'est un point sur lequel il faut travailler ?

S.S. : Non, non, là-dessus, pas du tout. On travaille dans le sens du jeu, et ce qui correspond à l'identité de jeu. Arthur en parlait, c'est un joueur agressif, créatif, qui couvre très bien le court et qui est capable de créer des points de rupture dans l'échange à plein de niveaux, en prenant tôt et en frappant très fort, en étant très solide du fond, en déclenchant l'amorti, en enchaînant au filet... Après, grand ou petit, ce n'est pas grave (rires). C'est le jeu qui prime, et après, on verra bien...
Ce n'est pas le plus grand, mais c'est peut-être celui qui sert le mieux. Ce qui, pour l'instant, veut dire une chose : la qualité du jeu est conditionnée par le travail. Après, c'est sûr que si quelqu'un travaille très bien et en plus fait deux mètres, c'est bien aussi. Mais on ne parle pas beaucoup de ça pour l'instant.

 

"Rafael Nadal, je m'inspire de son jeu de gaucher"

Si tu devais te comparer à un professionnel, y a-t-il un joueur à qui tu ressembles dans le jeu ?

A.S. : (Il réfléchit). Je n'arrive plus à me rappeler de son nom (regarde son père) - De Minaur ? - Oui, c'est ça, De Minaur ! Un petit peu...

 

Tu es fan de Rafael Nadal, à qui tu as d'ailleurs repris son "vamos" pour t'encourager sur le court... Pourquoi ?

A.S. : Ce qui me plaît chez lui, c'est sa combativité. Il ne lâche pas un point. Et je m'inspire aussi de son jeu de gaucher, qu'il joue très bien. Je m'en inspire et c'est vers là que je veux améliorer mon jeu. Et il y a aussi Hubert Hurkacz que j'aime bien.

 

Vos performances cette année ne sont pas passées sous les radars des équipementiers et sponsors. Arthur est sponsorisé par Tecnifibre et Lacoste, n'est-ce pas ?

S.S. : Après la victoire d'Auray, qui sont les championnats du monde des 12 ans, Lacoste et Tecnifibre se sont positionnés à nos côtés. Ils nous soutiennent à deux points de vue parce que ce sont des contrats internationaux. D'un point de vue de matériel, raquettes, bagagerie, textile, chaussures, et d'un point de vue financier aussi parce qu'une saison coûte très cher, surtout que nous avons choisi de rester dans notre environnement. Arthur, par exemple, même s'il est le meilleur de sa catégorie, n'est pas sur le pôle France de Poitiers. On a choisi cette option-là, qui n'est pas la plus facile mais qui nous semble être la plus juste. Et ensuite, on a des partenaires privés, Emotional (bijoux), Ekkoïa et Spobam, des entreprises qui sont des connaissances proches et qui souhaitent nous aider dans ce projet.

 

Vous évoquiez ce choix de rester en Occitanie et de ne pas déménager dans un autre centre d'entraînement, comme à Poitiers par exemple. Pourquoi ?

S.S. : Les options, c'était de rester dans notre environnement, rejoindre le pôle France de Poitiers ou intégrer une grande académie, IMG en Floride, Mouratoglou à Nice, ou ailleurs, peu importe. Mais ça fonctionne très bien comme ça, l'herbe n'est pas forcément plus verte ailleurs. Et tant que les conditions sont réunies pour que tout avance dans le bon sens, autant rester dans ça.

 

"On a fait en sorte de ne pas avoir d'obligation vis-à-vis de personne"

S.S. : Nous voulons aussi garder la main sur la façon de nous entraîner, la programmation des tournois, l'organisation de la semaine... Dans un collectif, il y a une programmation pour le groupe de joueurs. Alors qu'ici, si, par exemple, Arthur est un peu fatigué, on coupe et on fait autre chose. On va prendre le vélo de route, le VTT, on va faire deux jours off, on va aller nager... Et, très honnêtement, j'ai des convictions par rapport à mes projets passés et par rapport à ce qu'il se passe actuellement. C'est ce qui fait qu'on garde cet enthousiasme, cette fraîcheur, cette envie d'aller sur le court. On fait les choses comme on le souhaite, et on a fait en sorte de ne pas avoir d'obligation vis-à-vis de personne. Et ce qu'il faut souligner, c'est que la Ligue Occitanie de Tennis nous laisse beaucoup de liberté. Nous gérons totalement notre programme d'entraînement, notre programme de compétitions, nos partenaires d'entraînement, la couleur sportive qu'on amène, et ça nous va bien.

 

Rester à Roquettes ne peut pas devenir, à terme, un frein dans votre progression ?

S.S. : Roquettes est notre camp de base, mais notre terrain de jeu est la Haute-Garonne. On peut s'entraîner à Roquettes avec deux durs intérieurs de très grande qualité, mais il y a aussi le centre de Ligue de Balma avec quatre terrains de terre battue couverts, trois durs extérieurs, une salle de fitness. Mais ça peut aussi être tous les différents clubs avec qui nous avons tissé des liens : le Stade Toulousain pour la terre battue, le TAC pour la terre battue, Balma, Colomiers... Ce sont des clubs à plus de 1 000 licenciés qui font que nous ne sommes pas figés dans un endroit.

On a une possibilité qui est assez importante alors que, par exemple, à Poitiers, il n'y a pas de vrais courts en terre battue. Alors qu'ici, nous avons peut-être une dizaine de courts en terre battue, mais aussi une vingtaine de partenaires en seconde série que nous pouvons appeler, avec qui on a tissé des liens. Et au niveau de la préparation physique, je crois qu'il n'y a pas un endroit en France où il y a plus de matériel qu'à Roquettes (rires).

Mais effectivement, c'est une question pertinente à laquelle on réfléchit. Arrivé à un certain moment, l'idée est d'essayer de gagner du temps. Et c'est vrai que l'unité de lieu par rapport à une grande structure est assez confortable. Dans un grand centre d'entraînement, où on peut trouver de la terre battue, du dur extérieur, du dur intérieur, une salle de fitness, une équipe médicale, des sparrings nombreux, filles et garçons, c'est sûr que ça facilite la vie. Mais pas au détriment de la liberté qu'on peut avoir, des choix que l'on peut faire. C'est un équilibre délicat que l'on doit trouver.

 

"Une fois l'entraînement terminé, Arthur est tranquillement à la maison 15 minutes plus tard"

Et il y a aussi ce côté familial...

S.S. : L'intensité de cette aventure fait qu'il est important d'être entouré de personnes dont nous sommes proches. Nous avons la chance, que ce soit du côté de mon épouse ou du mien, d’avoir des familles très proches. Cela nous permet de bénéficier d’un environnement très confortable et bienveillant. Et sortir du tennis est facile. Si l’on est dans un centre toute l’année, il faut rentrer chez soi, ce qui peut être compliqué et coûteux. Tandis que nous, une fois l’entraînement terminé, un quart d'heure après, Arthur est à la maison et peut se consacrer à ses autres activités avec beaucoup plus de tranquillité qu’ailleurs.

 

"On s'est beaucoup exposés à ce que les gens ne faisaient pas"

Arthur fêtera ses 13 ans en janvier prochain. Qu'avez-vous prévu comme rythme la saison prochaine ?

S.S. : Arthur est l'un des joueurs qui joue le moins de son âge. On s'est beaucoup exposés à ce que les gens ne faisaient pas. On nous a dit de faire attention, mais on s'est fait confiance par rapport à ce qu'on pense être juste. La compétition, c'est de la confrontation. Tout le monde vous dira qu'on progresse en compétition, mais non, on devient simplement un compétiteur. Pour progresser, il faut travailler et s'entraîner, ce qui est valable pour l'école, la musique ou autre. On essaie de raisonner de manière pragmatique.

La nouveauté de la saison 2025 sera d'entrer les deux pieds en U14. En Espagne, à Pontevedra, Arthur a joué et remporté son premier tournoi U14 en catégorie 2. On va donc attaquer une saison en U14, avec les Petits As, en espérant une invitation. La programmation de la saison n'est pas encore faite. Il y aura plus de densité car il y a beaucoup de tournois. À partir de janvier, on augmentera un peu plus le volume de compétition. 

 

Arthur, où te vois-tu dans quelques années ?

A.S. : Mon objectif est de devenir pro. Je fais tout, je m'entraîne tous les jours pour ça. Mon rêve est de gagner un Grand Chelem. Lequel ? Roland-Garros, parce que c'est en France...

Publié le par Timothée THOMAS-COLLIGNON

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