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Thierry Tulasne : "Harold Mayot... les voyants sont au vert"

INTERVIEW
Mis à jour le par Timothée THOMAS-COLLIGNON

Harold Mayot devra encore patienter avant de franchir le seuil du Top 100. À 22 ans, le jeune Français, classé 117e mondial, se heurte toujours à cette barrière symbolique qui ouvre les portes des tableaux principaux en Grand Chelem. Malgré ses efforts en 2024 et sa course effrénée vers le Top 100, il n'aura finalement pas le classement requis pour rejoindre le tableau principal de l’Open d’Australie. Après une sixième défaite en sept matchs depuis le 5 octobre, son entraîneur Thierry Tulasne nous a livré, à Décines, son regard sur la saison de son protégé. Ancien numéro 10 mondial et figure de la génération Yannick Noah-Henri Leconte, Tulasne reconnaît notamment une erreur de programmation.

Thierry Tulasne dresse le bilan de la saison d'Harold Mayot

 

En tant qu'entraîneur d'Harold Mayot, comment évaluez-vous sa fin de saison, en particulier sur le plan mental ? Il mentionnait récemment à Orléans qu'il se sentait lessivé par le rythme de la saison…

Cette saison a été longue et dure, comme pour tous les joueurs. Il (Harold Mayot) avait envie de faire le maximum pour atteindre les 100 premiers et pouvoir jouer le tableau final de l’Open d’Australie. Ça devient compliqué, il faut qu’il gagne un tournoi, il n’en a plus qu’un la semaine prochaine (le Challenger 100 de Rovereto, auquel il ne devrait finalement pas participer, NDLR), mais il y croit. Dans tous les cas il donne le maximum. Je trouve qu’il progresse dans son jeu, qui est beaucoup plus offensif, en laissant partir ses coups. Il est un peu plus audacieux aussi, il fait le maximum. Il a décidé d’améliorer tout l’aspect mental de son tennis en prenant un préparateur mental. Pour moi, les voyants sont au vert.

 

"Arriver au mieux à gérer ses émotions"

Pouvez-vous nous en dire plus sur sa préparation mentale ? En quoi le travail qu'il effectue dans ce domaine contribue-t-il à améliorer son jeu ?

Ça l’aide à être concentré. Pour être concentré, il faut être calme. L’idée c’est d’arriver à gérer au mieux ses émotions, notamment la peur, l’énervement, la frustration. Les meilleurs joueurs le travaillent. En fait, ça s’optimise, on a un potentiel au départ, comme le potentiel physique, comme la technique, et ça s’améliore en travaillant. Il n’y a pas une méthode, c’est un travail personnel à aller chercher un petit peu en profondeur, dans sa manière de réagir, dans les situations difficiles avec la fatigue et le reste.

 

Est-ce l'aspect sur lequel vous avez particulièrement mis l'accent cette année ?

On travaille sur tout, parce que tout est lié. Quand on est fort physiquement, on se sent fort mentalement, ça nous aide beaucoup. Quand on est complet techniquement, qu’on a des forces dans son jeu ce qui aide mentalement. Mais pour ça, il faut être fort dans tous les domaines. C’était le domaine de son tennis où il avait le plus de progrès à faire, mettre son mental au niveau de son jeu. Même tactiquement, pour progresser dans ces schémas de jeu, il faut de la confiance en soi, de l’audace, ce qui dépend beaucoup de la tête.

 

"Je le vois au très haut niveau en prenant la balle plus tôt"

Quels sont les points sur lesquels Harold peut encore s’améliorer ?

Sa capacité à prendre la balle tôt, oser, jouer près des lignes, donc beaucoup d’audace. Accepter de rester calme quand c’est difficile, comme le font les plus grands joueurs. Evidemment, servir un peu plus fort et avoir un meilleur pourcentage au service. Il n’est pas très grand pour le jeu moderne donc ne pourra jamais faire 70% de premières en servant à 200km/h. C’est pour ça qu’il doit être intelligent par rapport au changement d’effet et aux variations de zones au service. Je le vois au très haut niveau en prenant la balle très tôt, comme peuvent le faire Alcaraz, Sinner.

 

Compte tenu de tous les tournois auxquels Harold a participé cette année, si c'était à refaire, feriez-vous les mêmes choix de programmation pour lui ?

Non. Il souhaite rajouter des tournois pour se mettre en confiance. Mais comme tous les joueurs, il a besoin de périodes de développement de son jeu et de son physique, des périodes de tournois et s’accorder des périodes de repos. L’année prochaine il va me faire confiance sur la programmation, alors qu’avant c’était plus lui le leader, je ne voulais pas l’empêcher de jouer. Mais là, en arrivant proche des cent premiers, il doit avoir une programmation plus cohérente avec des points forts et grands objectifs : les Grands Chelems. Et aussi des périodes de repos et de développement.

 

Comment s’organisera son programme en 2025, plus de qualifications aux ATP 250, plus de Challengers ?

J’espère des tableaux finals de Grand Chelem, des Masters 1000, les qualifications pour le moment. Peut-être aussi des Challengers parce qu’il a fait des finales mais ne les a jamais gagnés, donc gagner son premier Challenger est un défi intéressant.

 

"Les wild-cards, il ne faut jamais compter dessus"

Harold va peut-être disputer l’Open d’Australie dans les qualifications mais vous devez conserver cet espoir de la wild-card offerte à un joueur français à Melbourne avec le partenariat entre les tournois (Grands Chelems).

Il y a cette possibilité. Mais je pense qu'il ne faut jamais compter sur les wild-cards, qui arrivent au dernier moment. S’il doit faire les qualifications, il les fera sans souci.

 

L’objectif est de prendre beaucoup de repos avant la saison 2025 ? Ça commence à être difficile d’enchaîner chaque semaine...

C’est 15 jours de repos après son dernier tournoi et ensuite une période de trois semaines, un mois d’entrainement. On va commencer le premier tournoi de l’année très tôt, probablement au Challenger de Nouméa (29 décembre - 4 janvier).

 

"On a une belle aventure devant nous"

Vous partez avec lui sur chaque tournoi ou se retrouve-t-il seul sur certaines semaines ?

Il va avoir beaucoup de semaines avec moi mais aussi des semaines avec le préparateur mental, Sylvain Guyomarc’h, avec lequel il passera du temps, parce que c’est en passant du temps, et à l’entrainement, et dans les tournois qu’il va développer ses capacités mentales.

 

Comment décrivez-vous votre relation aujourd'hui, après trois saisons de travail ensemble ?

Elle est très belle. J'ai entraîné beaucoup de joueurs, j'ai eu des très belles relations mais celle-ci fait vraiment partie de mes plus belles relations. Au début, il était très jeune, et assez difficile. Un caractère assez fort. Mais il me fait confiance, la confiance est réciproque, et si on ne travaillait pas ensemble dans le tennis, on serait quand même amis. Cette relation... J'adore partir avec lui, j'adore passer du temps avec lui. J'adore le respect qu'on a l'un pour l'autre, donc j'espère qu'on va continuer ensemble parce qu'on a une belle aventure devant nous.

Publié le par Timothée THOMAS-COLLIGNON

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