Lucas Pouille : "Si un jour je peux aider les jeunes Français..."
Lyon (CH)L'espoir fait vivre. À 30 ans, Lucas Pouille compte sur sa bonne forme du moment pour réintégrer le Top 100 dans les prochaines semaines. Près d'un mois après son élimination au premier tour des qualifications contre le Serbe Hamad Medjedovic (6-3, 7-5), le Nordiste a rejoint Lyon pour disputer un énième tournoi challenger, l'Open Sopra Steria, loin des principaux rendez-vous du calendrier ATP qu'il disputait en 2018 lorsqu'il faisait partie du Top 10. Finalement forfait car blessé au genou avant d'entrer en lice contre Calvin Hemery, le Français s'est arrêté lundi après-midi, sur la terrasse du Tennis Club de Lyon, une quinzaine de minutes au micro de Tennis Actu pour balayer plusieurs sujets. L'avenir du tennis français, le sien, la formation, Carlos Alcaraz, Jannik Sinner et la jeunesse italienne... L'Entretien Tennis Actu avec Lucas Pouille, c'est en vidéo et ci-dessous.
L'Entretien Tennis Actu avec Lucas Pouille à Lyon
Tennis Actu : Une élimination au premier tour des qualifications de Roland-Garros en simple, un troisième tour en double avec Grégoire Barrère… Quel bilan tirez-vous de ce Roland-Garros 2024 ?
Le résumé est assez court. J’aurais aimé que ça dure plus longtemps, en simple surtout. Oui, je n’ai pas eu de chance au tirage au sort (battu par Hamad Medjedovic, 131e et sorti des qualifications), il y avait un meilleur tirage possible dans les qualifs. Le résultat n’est pas représentatif de mon niveau de ces dernières semaines, derniers mois. Après lui a été très bon, donc ça fait partie du jeu malheureusement.
Et puis en double, avec Greg (Barrère), c’était sympa. On a eu une invitation, on a gagné deux bons matchs. C’était très sympa d’avoir ces bons matchs, dans deux bonne ambiances. C’était cool.
Après cette élimination au premier tour des qualifications, vous évoquiez cette envie de continuer pour vivre ces moments-là. C'est ce qui vous raccroche au tennis ?
Oui, l’envie de continuer est pour pas mal de choses mais c’est vrai que jouer tous ces matchs-là, sur ces grands courts et avec ces ambiances-là, c’est ce qui m’excite, c’est ce qui me donne envie de travailler et de rester en bonne santé. C’est ce qui me fait me lever tous les jours et travailler dur. Après il y a d’autres objectifs, rentrer dans les 100, me prouver que j’en suis capable et j’ai l’impression d’avoir le niveau pour être sur les plus grands tournois, le circuit principal. Et le jour où j’y serai, il sera temps de mettre en place de nouveaux objectifs. Mais pour l’instant, l’objectif est d’entrer dans les 100.
Il y a aussi votre victoire au challenger de Mauthausen quelques jours avant Roland-Garros…
Oui, ça confirme un peu ce que je ressentais depuis quelques mois. Le niveau est bon et à chaque fois je perdais des matchs très accrochés, contre de très bons joueurs. À chaque fois je perdais soit contre un joueur qui gagnait le tournoi, soit contre un joueur qui faisait une bonne semaine. Cette victoire m’a conforté dans l’idée que je suis dans la bonne voie et qu’il faut continuer.
Un titre qui pouvait éventuellement vous permettre d’obtenir une wild-card grand tableau pour Roland-Garros. Quel est votre sentiment quant au choix de la Fédération sur l’attribution des wild-cards ?
Je le comprends bien sûr. Comme je l’ai dit sur Twitter ou après ma défaite au premier tour des qualifications. On était dans une situation particulière où beaucoup de joueurs prétendaient à la wild-card. Il y en avait une pour Richard (Gasquet), on le savait depuis des mois et peu importe ses résultats. Pierre-Hugues (Herbert) avait gagné la Race France, (Alexandre) Müller la race internationale. Il restait donc trois wild-cards, et il y avait trois jeunes (Giovanni Mpetshi Perricard, Terence Atmane et Harold Mayot). Pour moi, il faut aider la jeunesse. Et il faut aider les jeunes joueurs quand ils le méritent. Et j’estime qu’ils le méritaient tous les trois, même s’ils ont perdu au premier tour. En aucun cas j’en voulais à la Fédération et aux personnes qui ont pris les décisions. J’ai été aidé par le passé par la Fédération à plein de reprises. J’estimais la mériter en termes de niveau de jeu, mais d’autres aussi.
Giovanni Mpetshi Perricard, Arthur Fils, Luca Van Assche, Gabriel Debru… Votre génération et celle des quatre mousquetaires (Tsonga, Simon, Monfils, Gasquet) a-t-elle trouvé sa succession ?
Aujourd’hui il y a pas mal de joueurs, avec Harold Mayot et Térence Atmane aussi, proches d’entrer dans les 100. Aujourd’hui, le plus installé est quand même Arthur (Fils), mais c’est dur à dire si cette génération va remplacer celle de Jo, Richard, Gaël, Gilles, moi et on était nombreux. En tout cas, ce qu’il faut c’est les soutenir, les aider. Ne pas s’accabler quand ils ne réussissent pas, ne pas s’emballer quand ils gagnent un tournoi ou battent un gros joueur. Il faut de la patience, il faut y croire. Moi je pense qu’il y a plein de bonnes choses, mais aussi des choses à changer, à améliorer et plein de domaines dans lesquelles ils doivent progresser.
Si un jour je peux les aider, c’est ce que je ferai. Aujourd’hui je m’entends très bien avec un joueur comme Arthur Géa (19 ans, 376e ATP). À chaque fois que je peux faire passer un message, le conseiller, je ne vais pas hésiter. Je pense que c’est aussi le rôle des anciens joueurs, même si je ne suis pas un ancien (sourire). Il faut qu'on partage notre expérience pour qu'ils puissent avancer le plus rapidement possible.
"Entraîneur ? Si un beau projet se présente, pourquoi pas"
L'accompagnement vous plait. Vous projettez-vous en entraîneur dans votre après-carrière ?
C'est dur à dire. C'est un peu loin mais j'aime bien parler de tennis, donner mon avis, échanger. Mais est-ce que j'aurai envie de devenir entraîneur et voyager 30 semaines par an juste après l'arrêt de carrière, c'est impossible à dire aujourd'hui alors que j'aimerais encore jouer plusieurs années. Mais si un beau projet se présente, pourquoi pas.
En cas de non-entrée dans le Top 100 dans les prochaines semaines, les prochains mois, envisagez-vous d'arrêter votre carrière de joueur professionnel ?
Je ne jouerai pas trois ans en étant 150e mondial. C'est peut-être prétentieux de ma part mais je pense sincérement que si je reste en bonne santé et que j'arrive à enchaîner comme dans les quatre derniers mois, ça m'étonnerait que je ne sois pas 150e dans six mois. Après, on ne sait jamais mais c'est sûr que si on se reparle en 2027 et que je suis 150, je ne suis pas sûr d'encore être sur le terrain à ce moment-là.
Après avoir évoqué la jeunesse française, celle italienne a brillé à Roland-Garros. Quel regard portez-vous sur cette génération italienne et qu'est-ce qui, selon vous, différencie la formation italienne à la formation française ?
(Il marque un temps de pause). Je ne suis pas sûr que ce soit l'endroit pour dire tout ce que je pense sur la formation etc. Déjà je ne connais pas la formation italienne, je sais qu'ils ont ajouté énormément de tournois en Italie, ce qui a permis à beaucoup de joueurs de jouer sur le circuit Futures, Challenger et de monter. Je pense aussi qu'il y a une émulation grandissante entre eux. C'est ce qu'on a pu avoir lors des années précédentes en France, où Gilles, Jo, Gaël se sont tous tirés, mais aussi Bennet (Julien Benneteau), Nico Mahut, tous, se sont tirés vers le haut. Et ce qui a amené à de grands résultats.
"En termes de formation, des choses peuvent être faites"
Aujourd'hui, dès qu'un Italien joue bien, l'autre se dit bah pourquoi pas moi. Aujourd'hui, ils ont un joueur qui est numéro 1 mondial, une joueuse qui a fait finale en simple et en double. Je pense que sur les deux circuits, ça se pousse vers le haut. Et c'est important de créer une émulation saine. Après, en termes de formation (en France), oui je pense qu'il y a des choses qui peuvent être faites différemment mais aujourd'hui je n'ai pas les clés et ça ne sert à rien de lancer une polémique pour rien. Moi j'ai mon envie, j'ai grandi à la Fédération, et je pense que dans les prochaines semaines, les prochains mois, ils vont réussir à trouver la formule pour les faire grandir.
Laurent Lokoli critiquait le choix des wild-cards lors de certains tournois quelques jours plus tôt. Certains choix auraient pu être faits différemment à votre époque ?
Je n'ai pas l'historique de ses résultats. L'année où on sort de l'INSEP, je gagne deux Futures de suite en fin d'année... Je ne peux pas revenir sur ce qu'il s'est passé 12 ans en arrière. Il y a des wild-cards, il y a des choix qui sont faits, mais il y a aussi des résultats qui sont faits sans wild-card. Et je pense que si on se cache derrière les wild-cards que certains ont eu ou non, je pense que ce n'est pas forcément bon. J'adore Laurent, je ne connais pas sa carrière semaine après semaine depuis 15 ans. Mais si lui dit ça, c'est qu'il l'a ressenti.
Carlos Alcaraz vient de remporter son troisième tournoi du Grand Chelem à 21 ans, Jannik Sinner est numéro 1 mondial depuis ce lundi. Pourront-ils assurer la relève du Big Three ?
C'est impossible de répondre... Ça dépend de tellement de choses. Le niveau tennistique oui, je pense qu'Alcaraz et Sinner sont aussi forts que les trois. La question est de savoir s'ils vont réussir à avoir la constance du Big Three, du Big Four même. Est-ce qu'ils vont avoir la constance pour jouer au haut niveau semaine après semaine ? Seul l'avenir nous le dira. Est-ce que leur motivation baissera, est-ce qu'ils se blesseront plus, moins ? C'est très dur à dire. Carlos Alcaraz, il ne lui manque plus que l'Open d'Australie pour avoir le Grand Chelem, il aura remporté les quatre, à 21 ans. On peut dire que c'est assez extraordinaire. Aujourd'hui, les deux sont de la même trempe que les quatre meilleurs qu'on a pu avoir pendant plusieurs années. Mais est-ce qu'ils feront aussi bien ou mieux, je pense qu'on ne peut pas le dire aujourd'hui.
"Carlos Alcaraz va pousser le tennis vers une autre dimension"
Vous aviez affronté Carlos Alcaraz à Umag avant son premier titre ATP en 2022 (3-6, 6-2, 6-2). Qu'est-ce qui vous impressionne le plus chez lui ?
Tout, pour moi sa capacité à savoir tout faire. Il sert déjà très bien mais je pense qu'il servira encore mieux dans le futur. Je trouve qu'il arrive à être agressif des deux côtés, il bouge extrêmement bien, il est capable de volleyer, faire des amortis, de défendre, d'attaquer... Je pense qu'il va être encore de plus en plus solide, en faisant de moins en moins de fautes comme on l'a vu sur les derniers matchs. Je pense qu'il va pousser le tennis vers une autre dimension. C'est la marque d'un grand.
Vous êtes un vrai connaisseur du circuit, consultant, observateur... Regardez-vous régulièrement des matchs de tennis ou, comme d'autres, très peu ?
Je ne dirais pas que j'en regarde jamais. Alors je ne passe pas mon temps à regarder du tennis, j'ai d'autres choses dans la vie (sourire). Après oui, hier (dimanche) j'ai pu regarder pas mal de matchs pendant ce Roland-Garros. J'aime bien regarder certaines oppositions... J'adore le tennis, j'aime ce sport mais je ne suis pas celui qui va passer sa journée, de 10 heures du matin à 22 heures, à regarder du tennis et à tout analyser, ça c'est faux. Mais j'aime bien regarder...
Publié le par Timothée THOMAS-COLLIGNON