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Alizé Cornet : "J'ai rêvé que Nadal me proposait un match..."

Roland-Garros
Mis à jour le par Alexandre HERCHEUX

Alizé Cornet a joué son tout dernier match professionnel ce mardi. Pour son dernier Roland-Garros, et dernier tournoi en carrière, l'Azuréenne a été logiquement écrasée d'entrée par Qinwen Zheng, finaliste du dernier Open d'Australie. Sans pitié, la Chinoise s'est imposée 6-2, 6-1. Cornet peut tout de même être fière d'avoir disputé un 69e tournoi du Grand Chelem d'affilée, un record. Elle a également terminé sa carrière avec 1002 matchs professionnels au compteur. Une seule Française a déjà franchi le cap des 1000 matchs professionnels disputés : Stéphanie Foretz, qui a terminé à 1025 rencontres jouées. Pour rappel, Alizé Cornet a atteint les quarts de l'Open d'Australie et la deuxième semaine au moins une fois dans chaque tournoi du Grand Chelem. Une page se tourne pour le tennis français. La conférence de presse d'Alizé en entier ci-dessous. 

Alizé Cornet a conclu sa carrière ce mardi à Roland-Garros

 

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"Je dirai à la Alizé ado de rester elle-même jusqu'au bout, de s'assumer comme elle est"

Félicitations pour une belle carrière. Est-ce que tu as quelque chose que tu veux dire avant de commencer ?

Oui, il y a quelque chose que j'aimerais dire à vous, les journalistes, vous qui êtes dans la salle mais au sens plus général du terme. Je trouve que cela a été une collaboration assez agréable et fructueuse de travailler avec vous. J'ai toujours eu l'impression de bosser un peu main dans la main pour essayer de livrer le meilleur de ce que j'avais à dire sur mon tennis, sur ma personnalité. J'ai toujours souvent ressenti de la bienveillance de votre part. Il y en a que je connais mieux que d'autres. J'ai trouvé que c'était une belle aventure en dehors du court avec vous. Je sais que ce n'est pas le cas pour tous les joueurs. Il y a des joueurs qui n'aiment pas cet exercice. Cela a plutôt toujours été, je n’irai pas jusqu'à dire un plaisir après certaines défaites, mais cela a toujours été un moment où j'avais l'impression d'être en face de gens que je connaissais avec qui j'avais envie de parler. Je voulais vous dire cela aujourd'hui parce que cela me tient à cœur que l'on finisse nous aussi sur une bonne note parce qu’après il n'y aura plus de conférence de presse de ma part. J'espère que le plaisir a été partagé.

 

Félicitations pour votre carrière et pour ma part, cela a été un plaisir d'être face à vous avec autant d'authenticité et de relief dans votre personnalité. Vous avez publié sur vos réseaux sociaux une photo de vous adolescente qui jouait ici pour la première fois. Si vous pouviez rencontrer cette joueuse, cette adolescente, qu'est-ce que la Alizé d’aujourd'hui lui dirait à cette adolescente ?

Ce n’est pas facile de préparer une adolescente de 15 ans à 20 ans de circuit de haut niveau. Franchement, je pense que je ne lui dirai rien parce qu'elle prendrait un peu peur. Elle dirait : « je ne suis pas sûre de vouloir faire cela au final ». Je lui dirai de rester elle-même jusqu'au bout, de s'assumer comme elle est, de ne pas forcément se battre pour être parfaite parce qu'elle ne sera pas et qu’elle perdra beaucoup d’énergie a essayé de l’être. D'être authentique comme vous l'avez dit, fidèle à elle-même, entière et que les gens la prendront, ou pas, pour ce qu'elle est. Après, tennistiquement, elle était déjà bien calée dans la tête à 15 ans l'ado que j'étais. Je ne lui dirai pas grand-chose d'autres, de s'assumer comme elle est, je pense que c'est un beau conseil déjà.

 

"J'ai rêvé de Rafa toute la nuit. J'ai rêvé qu'il me proposait de faire un match en 3 sets gagnants à Strasbourg. Improbable !"

Bonjour Alizé. Je voulais savoir si tu pouvais nous résumer tes 24 dernières heures un peu, notamment tes émotions, hier soir, ce matin, la préparation du match. Comment tu es rentrée, comment tu as vécu cette dernière ?

24 dernières heures ou 24 derniers jours ? Cela a été assez intense sur les dernières semaines en règle générale. Si on s'en tient aux 24 dernières heures, cela a été plutôt apaisé. Ce qui était compliqué c'était de me projeter sur mon match en mode compétitrice en essayant de me convaincre que je pouvais quand même gagner et pas déjà me projeter sur la cérémonie, sur les adieux. C'était un exercice d'équilibriste de rester focus sur la mission qui était d'essayer de battre Zheng parce que je n'allais pas juste entrer, faire de la figuration et partir, même si je savais que cela allait être difficile et que c’était une fille qui jouait très bien. Il y a eu ce brief de match avec Pierre hier soir, un peu ce matin. Il fallait aussi se préparer si cela ne se passait pas bien à ce qui allait suivre, à l'émotion qui allait peut-être arriver. Voilà, une préparation pour les deux scénarios différents et au final j'ai plutôt bien dormi. J'ai rêvé de Rafa toute la nuit.  (Rires) J'ai rêvé qu'il me proposait de faire un match en 3 sets gagnants à Strasbourg. (Rires) Improbable ! J'étais avec sa famille, on célébrait. C'était une nuit... Je me suis réveillée, je me suis dit "bon...". Je vous dis tout. Je lâche tout.

L'échauffement ce matin, je me suis rendu compte que cela pouvait potentiellement être la dernière fois mais toujours dans une dynamique d'être dans le moment présent et dans ce que j'ai à faire et pas déjà à me dire c'est la fin. Maintenant, je peux me le dire : c'est la fin et j'ai fait de mon mieux sur le court. Une fille qui ne me réussit pas trop qui m'agresse beaucoup qui joue très bien. J'ai quand même fait de mon mieux. Pareil pour le discours, j'ai essayé de faire de mon mieux aussi. Avec l'émotion, je pense que je m'en suis pas trop mal sortie au final.

 

"Il y a ce sentiment de devoir accompli, d'être allée au bout de mon aventure"

Bonjour Alizé. Cela fait longtemps. Tu avais 15 ans pour la Crit cela ne me quitte pas la tête. Quand tu as fait la paix avec la fin de ta carrière ? Est-ce que tu l'as fait avant ce match ou est-ce que tu penses que cela commence maintenant ?

Non, cela fait un moment que je me prépare à cela, même si je ne réalise pas complètement que c'est la fin parce que je pense que tourner une page de 20 ans comme je l'ai dit sur le court, cela ne se fait pas comme cela, en un claquement de doigts. Cela fait plusieurs mois depuis janvier que je me prépare à faire mes adieux au Roland-Garros. Je pense que mon cerveau s'est musclé pour cela. Je me rends compte de la situation et je suis complètement en paix avec la fin de ma carrière. Le moment que j'ai passé tout à l'heure sur le court est inoubliable pour moi. Cette vidéo que les gens de la com m'avaient préparée, cela m'a beaucoup touchée. D'avoir ce temps de parole où je pouvais m'exprimer, c'était une chance de pouvoir finir cette si jolie carrière avec un beau moment de communion avec le public. Je ne peux pas être plus en paix qu'à l'heure actuelle. Je ne dis pas que cela ne va pas être difficile sur ces prochaines semaines. Mais au moins il y a ce sentiment de devoir accompli, d'être allée au bout de mon aventure. C'était important pour moi. Nous en reparlerons dans quelque temps, voir si je suis toujours aussi apaisée. Pour l'instant, cela va....

 

Bravo Alizé pour ce long cheminement.

C'était long, oui.

 

Et maintenant ?

Maintenant déjà digérer tout cela. Quand j'ai vu la vidéo et que j'ai réalisé un peu tout ce chemin parcouru depuis mes 14-15 ans je me suis dit quand même... Avec tout ce palmarès, comme je l'ai dit, cela aurait pu être mieux. Quelle aventure ! Quel chemin, quelle constance à ce niveau. C'est vrai que je vais devoir commencer un deuxième chapitre avec un plongeon dans l'inconnu. Oui, j'écris mes romans, j'ai mes bouquins, cela me rassure. J'ai une reconversion professionnelle qui est quasiment toute faite. Le rythme de vie ne sera plus du tout le même et cela, évidemment, cela fait peur parce que quand on est en mission pour quelque chose depuis 20 ans et que d'un coup cela s'arrête, il faut redonner un sens à sa vie. Il faut retrouver un rythme. Il faut se projeter sur autre chose et cela demande beaucoup de travail psychologiquement est aussi d'être bien entouré. J'ai de la chance de l'être pour le travail psychologique, je vais m'y mettre dès maintenant. Je ne me fais pas trop de souci parce que je pense que je suis pleine de ressources et je vais forcément trouver quelque chose, des projets dans lesquels m'épanouir pleinement. Ce ne sera pas une carrière de joueuse de tennis ni des émotions que cela m'a procuré, mais je pense avoir les capacités d'être heureuse par la suite.

 

 

"J'aimerais que l'on retienne de moi une joueuse entière au final qui a partagé ses émotions qu'elles soient positives ou négatives"

Félicitations pour ta carrière. Je voulais revenir au match. Quand il y a 4-0 au premier set, est-ce qu'il y a une peur chez toi de se dire cela peut très mal se finir et cela peut aller très vite, même si tout ce que tu as fait avant ne sera pas effacé par cela, ce qui est une peur déjà. Deuxième question, quelle image tu voudrais que l'on retienne de toi en tant que joueuse de tennis, la battante un peu comme Rafa ?

C'est une bonne question la première question. Le scénario n'était vraiment pas idéal au début. J'ai une balle de jeu, je ne le fais pas, puis cela s'enchaîne très vite. Je me sens extrêmement tendue. Je fais pas mal de fautes. Cela m'a relâchée un peu quand j'ai fait mon premier jeu. J'ai quand même perdu 2 et 1, donc ce n'était pas idéal. Oui c'est mieux que 0 et 0. C'est vrai qu'il y avait le scénario d'il y a deux ans quand je l'avais jouée. J'étais blessée à l'adducteur mais j'avais dû abandonner à 6-0 3-0. Cela m'a traversé de me dire je n'aimerais pas finir ma carrière sur une « branlée », excusez-moi. C'est exactement ce que je me disais. Non, pas cela, pas cela. Après, il y a eu un souffle quand j'ai eu mon premier jeu. C'est bête parce que cela ne change rien à l'histoire que je perde 6-1 6-0 ou 6-0 6-0 moi je voulais gagner ce match. Je pense qu’inconsciemment ça m’a un peu relâché. J'ai eu l'impression au premier set qu'il y avait un peu plus un combat. J'ai eu des balles de 4-3. Après, c'est vrai que jouer une fille de ce niveau sur son dernier match, cela ne m'a pas aidée pour exprimer mon jeu ou du moins ce qu'il m'en reste. Ce n'était pas évident de jouer contre une fille qui joue aussi bien. En même temps, c'est aussi cela qui m'a permis de jouer sur le Chatrier.

 

Pour la deuxième question, ce que j'aimerais que l'on retienne de moi, c'est un peu ce que j'ai dit tout à l'heure, une joueuse entière au final qui a partagé ses émotions qu'elles soient positives ou négatives durant toute sa carrière. Quelqu'un qui se bat jusqu'au bout, qui est une passionnée en fin de compte, juste une passionnée pour son sport, qui a envie de gagner et qui est prête à mourir pour cela. Je l'ai montré plus d'une fois que c'était mon tempérament. On m'aime ou on ne m’aime pas pour cela mais en tout cas je ne peux pas renier cette partie de moi et je pense qu’elle m’a amené là où j'en suis aujourd'hui.

J'ai eu plein d'amour de mes collègues joueuses de tennis et cela veut dire beaucoup pour moi. Ce que perçoivent le public et ce que perçoivent mes collègues de travail ce n'est pas du tout la même chose. Je vois vraiment l'amour et la sympathie qu'elles ont pour moi. Cela me fait vraiment chaud au cœur parce que cela veut dire que j'ai construit quand même une personnalité attachante et que les filles ont découvert au fur et à mesure des années. Cela vraiment c’est ma plus belle récompense.

 

"Le quart en Australie, c'était vraiment le miracle de fin de carrière. C'était beau. L'histoire était belle."

Félicitations pour commencer. J'ai une question qui ne sera pas facile à répondre pour toi. Si tu devais choisir un moment important dans ta carrière, lequel ce serait ? Ce seraient tes victoires en bleu, ton quart de finale en Australie, tes victoires face à Serena, ou autre chose ?

C'est vrai que le quart de finale en Australie a été très émouvant pour moi. Les victoires contre Serena, c'était fort, intense, c’était une grande joie. Ce quart de finale après lequel je courais depuis 15 ans, de finalement y arriver, en plus en battant Simona Halep, au bout du suspense, sous la canicule australienne et tout et tout, cela m'a submergée d'émotions. Je pense que je retiendrai celui-là en particulier, surtout que j'avais déjà 32 ans. C'était vraiment le miracle de fin de carrière. C'était beau. L'histoire était belle.

 

J'ai bien compris cette anecdote de ramasseuse de balles d'Amélie ?

Oui, j'ai été ramasseuse de balles d’Amélie.

 

Tu peux revenir sur ce moment ?

J'avais 11 ans, c'était un tournoi WTA organisé à Nice. J'avais été sélectionnée pour être ramasseuse de balles. J’ai eu la chance de ramasser des joueuses contre qui j’ai joué en plus à la suite, comme Venus Williams, Amélie, Patty Schnyder, Justine Henin. C'était chouette. C'était une première expérience proche des joueuses. Quand j’y repense, évidemment… C’est Amélie qui me donne mon trophée de fin de carrière, c’est moi qui ai 34 ans. Elle, elle a fait aussi un chemin incroyable de son côté. Je me dis : quel chemin parcouru ! Cela a créé beaucoup d'émotions. Finalement, on ne prend pas souvent le temps de se retourner sur ces années-là. J'aurai tout le loisir de le faire dans les prochaines semaines. Ce sera bon, agréable, nostalgique évidemment, mais agréable.

Publié le par Alexandre HERCHEUX

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