Ivan Ljubicic, le bilan français : "On a besoin de temps"
Roland-GarrosIvan Ljubicic, directeur du haut niveau à la FFT, a tenu une conférence de presse ce mercredi à Roland-Garros afin de dresser le bilan des joueuses et des joueurs français en simple. L'occasion de faire un diagnostic mais aussi de comparer le tennis français, dans le dur, et le tennis italien, rayonnant et qui aura son premier numéro 1 mondial lundi, Jannik Sinner. "La vérité, c'est qu'en Italie, ils ont Jannik Sinner et... Mais ils ont aussi un truc qui, en France, est impossible : ils ont un Président qui est là depuis 22 ans, donc ils ont la continuité des projets. Ça, c'est quelque chose qui n'est pas possible, pas seulement en France, mais dans tous les autres pays." Les explications d'Ivan Ljubicic sur les principaux thèmes de la conférence de presse.
Le bilan d'Ivan Ljubicic ce mercredi à Roland-Garros
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"Si on parle de niveau de tennis, je pense que c'est mieux, mais même les victoires n'arrivent pas"
"Je crois que les résultats de Moutet, Gracheva et Paquet, ils ont fait des résultats positifs. On n'a pas anticipé des résultats comme cela. Surtout de Paquet, qui a très bien utilisé la Wild Card. Après, les autres, on a déjà un peu parlé avec certains d'entre vous. On a une génération qui arrive, surtout je peux commencer avec les garçons, qui n'ont pas gagné de match ici, c'est vrai. Il faut chercher à continuer à progresser. Cette année, si on parle de niveau de tennis, je pense que c'est mieux, mais les victoires n'arrivent pas. On est ici pour gagner, pas jouer au tennis et participer, mais essayer de gagner. Bien sûr, Arthur Cazaux et Lucas Van Assche ont été blessés. Déjà, qu'ils aient été ici, c'était quelque chose de positif, pas facile. Voilà, un peu les autres aussi…"
"Les doubles, la situation est un peu dramatique"
"Les doubles, la situation est un peu dramatique. Personne n'a gagné pratiquement de matchs. Je parle des joueurs qui ont la possibilité de jouer aux Jeux Olympiques. Bien sûr, Guinard et Jacq ont très bien utilisé la place alternate. Chez les filles, Caro, on connaît la difficulté avec cette surface. Elle n'a pas trouvé la manière de trouver le rythme, d'avancer. Elle n'a pas joué un tennis super positif. Mais elle a gagné le premier tour, avec l'attitude combattante. Au deuxième tour, elle n'a pas trouvé la manière de gagner, même si Kenin est quelqu'un qui joue très bien. Il y a des choses que l'on peut bien sûr améliorer, et faire mieux. Diane, elle a gagné un derby contre Fiona, avec Svitolina. Ce n'est pas facile. Roland-Garros et les Grands Chelems ne sont pas faciles ! (Sourires.) Elle a joué très bien à la fin de match. Elle aussi, elle était un peu blessée. Elle n'a pas trouvé, peut-être, de temps pour préparer ce tournoi de la manière idéale."
"Le talent et le potentiel sont là"
"Jusqu'à avant le tournoi, je parlais de la possibilité de faire quelque chose de spécial. Et surtout, sur les Jeux Olympiques, et pas à Roland-Garros. Malheureusement, j'avais les raisons. Ici, on n'a pas des résultats qui sont hyper positifs. Mais je sais que je critique beaucoup, mais j'ai vu aussi des choses positives. Je pense que cette génération qui arrive, je parle des garçons, c'est vraiment intéressant, avec Giovanni aussi qui a fait l'exploit à Lyon. Il faut avoir un peu de patience. Chez les filles, je pense avec Clara et Diane, surtout, nous avons l'avenir positif. Après, si elles vont être Top 30, 20, 10, ça, on ne peut pas le savoir. Mais le talent et le potentiel sont là."
"On a besoin de temps"
"Je suis ouvert à parler avec tous les coaches, pas seulement les coaches de chez nous mais tous les autres. Je pense que la responsabilité de la Fédération est aussi pour tous les joueurs en France, qui représentent la France, je sais que ce n'est peut-être pas positif à dire, mais on a besoin de temps. Quand j'ai travaillé avec les jeunes joueurs croates et les autres, c’est une période normale de 5 à 8 ans pour vraiment changer des choses. Si on pense aujourd'hui à des joueurs qui ont de 12 à 15-16 ans, c'est là où tu peux vraiment changer les choses ; mais pour voir les résultats, on ne peut pas les voir l'année suivante ou encore celle d'après, une période un peu longue est nécessaire. Les résultats qu'on a aujourd'hui, ce n'est pas ce qui a été fait l'année dernière ou il y a deux ans, mais lors de la période précédente."
"En France, parce qu'on change tout le temps toutes les responsabilités"
"C'est pourquoi je parle de continuité d'avoir la responsabilité. 2029, si je suis encore là, si on a vraiment des difficultés et des résultats qui ne sont pas bons, c'est alors absolument ma responsabilité de dire : « OK, j'ai fait des erreurs catastrophiques, je rentre à la maison ! » Mais on n'arrive pas à avoir ça, c'est la vérité en France, parce qu'on change tout le temps toutes les responsabilités. À changer tous les deux ans, c'est difficile d'avoir des résultats à long terme et de savoir exactement ce qui marche, ou quand ça ne marche pas, de savoir quoi changer. Mais la politique, d’ailleurs non, pas la politique, mais la vie est comme ça. Même dans les projets individuels, quand tu prends un coach, si ses résultats ne sont pas là après 6 mois, tout change. Même si le coach est peut-être idéal ou parfait, il n'a pas le temps de montrer et faire savoir ce qu'il est capable de faire… Ça, c'est un peu le sport moderne, mais aussi le fonctionnement moderne du monde. En foot, en basket ou tous les autres sports, c'est exactement la même chose."
"Sinner est un peu le point de référence. C'est surtout cela, dont on manque en France"
"Je pense que le système forme les joueurs, forme la mentalité, l'attitude, mais il ne forme pas les joueurs de très, très haut niveau. En Italie, on connaît un peu la structure, sur tous les projets individuels. Même Sinner, il n'a jamais fait une journée dans la Fédération. Il a fait des rassemblements, il a fait des stages. Mais il n'était pas au sein de la Fédération. Tous les autres, c'est un peu la même chose. Qu'est-ce que la Fédération fait là, et pratiquement là pour les joueurs, s'ils ont besoin de quelque chose, avec la structure, s'ils ont besoin, avec les services, si les joueurs en ont besoin. C'est la génération, elle est un peu comme cela. Je pense que surtout, c'est Jannik Sinner est un peu le point de référence. C'est surtout cela, dont on manque en France."
"La vérité, c'est qu'en Italie, ils ont aussi un truc qui, en France, est impossible : ils ont un Président qui est là depuis 22 ans"
"Si on regarde le numéro des joueurs des Top 100, Top 200, nous sommes mieux qu'en Italie. Mais quand tu as Sinner, quand tu as quelqu'un comme Arnaldi, comme Musetti, qui sont vraiment forts. Mais même projet individuel, c'est beaucoup plus simple de parler des projets, et des systèmes. La vérité, c'est qu'en Italie, ils ont aussi un truc qui, en France, est impossible : ils ont un Président qui est là depuis 22 ans, donc ils ont la continuité des projets. Ça, c'est quelque chose qui n'est pas possible, pas seulement en France, mais dans tous les autres pays ! (Sourires.) Ils ont trouvé la manière d'avoir la continuité comme cela. Même, peut-être qu'ils ont fait des erreurs, ça c'est sûr. Mais ils ont investi beaucoup, d'avoir aussi des Masters, les Finals, en Italie. Ils ont investi pour avoir les groupes de coupe Davis chez eux. Ce sont des choses qui sont vraiment un investissement important, pas seulement d'argent, mais aussi d'état d'esprit et d'attitude vers le tennis, et fonctionnent. On peut aussi rappeler la situation en Italie, les 20 dernières années, quand la situation était fantastique chez les filles, sur le tennis féminin, mais les garçons n'étaient pas là. Cela change. Je pense qu'on a besoin d'une génération qui va vraiment un peu pousser les autres. J'espère vraiment, et je crois que la génération que l'on a aujourd'hui, 2002, 2003, 2004, ils vont changer un peu ça."
Publié le par Alexandre HERCHEUX