Jasmine Paolini : "Je n'ai jamais rêvé d'une finale en GC... "
Roland-GarrosDans la meilleure année de sa carrière, Jasmine Paolini ne cesse d'impressionner à Roland-Garros. Mercredi, la vainqueure du WTA 1000 de Dubaï avait surpris tout le monde s'offrant la tête de série n°4 du tournoi, Elena Rybakina. Ce jeudi, l'Italienne a prolongé son rêve en écrasant Mirra Andreeva, 6-3, 6-1. En larmes à plusieurs reprises dans la deuxième manche, Andreeva a explosé face à une Paolini encore très disciplinée. Cette dernière a profité des 29 fautes directes de son adversaire pour foncer en finale. Elle tentera de remporter son premier titre du Grand Chelem ce samedi contre Iga Swiatek. Un rêve pour la petite joueuse d'1m63, révélation de la saison, qui n'avait jamais rêvé de s'approcher d'un sacre à ce niveau.
Jasmine Paolini en finale de Roland-Garros 2024
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"Quand j'étais enfant, je n'ai jamais rêvé d'être n°1 mondial comme Novak Djokovic... "
Jasmine, félicitations. Première finale en Grand Chelem. Peux-tu nous dire quelles sont tes pensées, tes sentiments dans l'instant ?
Je suis vraiment heureuse. C'est un sentiment fantastique d'être en finale d'un Grand Chelem. Je ne sais pas, ça me paraît impossible mais c'est la réalité. Donc je suis vraiment heureuse d'être dans cette position.
Bonjour. Félicitations ! Pour les gens qui ne suivent pas beaucoup le tennis ou en dehors de l'Italie et qui apprennent à te connaître ici à Roland-Garros, comment décrirais-tu ta vie tennistique et ta vie en tant que personne hors du court ?
Je crois que je suis une personne assez facile. J'aime bien sourire, profiter. Rien de spécial, quelqu'un de normal. C'est moi ! Rien de particulier. Le tennis est un long parcours. J'ai commencé à jouer à 5 ans au tennis. J'ai adoré ce sport. Je me sens bien quand je joue au tennis. Ça fait partie de ma vie.
Avais-tu jamais rêvé d'être en finale de Grand Chelem quand tu étais enfant ?
Je ne sais pas comment répondre. Bien sûr, je regardais les Grands Chelems. Je regardais les autres Italiennes et je regardais celles qui gagnaient le Grand Chelem. Mais me mettre à cette place-là, c'était difficile. Bien sûr, je le souhaitais. Mais c'est quelque chose de totalement fou. Je suis heureuse et surprise dans le même temps, et c'est mon sentiment actuel.
"Je n'ai jamais rêvé d'être n° 1, championne de Grand Chelem, je n'ai jamais eu de rêve aussi haut"
Tu as parlé de l'importance des rêves sur le court. Te souviens-tu de ton premier rêve de tennis, de ce que tu allais devenir au tennis ?
Quand j'ai commencé à jouer au tennis, je me contentais d'en profiter. Je ne rêvais pas trop, j'avais plaisir à jouer au tennis. Puis j'ai commencé à m'entraîner comme une joueuse de tennis professionnelle. Je voulais devenir professionnelle. Mais je n'ai jamais rêvé d'être n° 1, championne de Grand Chelem, je n'ai jamais eu de rêve aussi haut. Je n'ai jamais rêvé d'être dans le top 10. Enfin, je l'espérais mais je n'y croyais pas vraiment. Je crois qu'ensuite, étape par étape, j'ai commencé à croire et à rêver, mais à des choses qui n'étaient pas trop éloignées de moi, pas rêver trop loin. Si on rêve trop, ce n'est pas si positif. C'est important de rêver, mais moi j'ai commencé à rêver étape par étape. Je ne rêvais pas de quelque chose de trop éloigné. Pour moi, c'est toujours surprenant quand je voyais des interviews de Nole quand j'étais enfant et qu'il disait qu'il a toujours voulu être n° 1 à Wimbledon, je me suis dit : « c'est incroyable de pouvoir avoir ce type de rêve en tant qu'enfant ». Moi je n'avais pas ce type de rêve en tant qu'enfant. Jannik, quand il avait 15 ans, a dit que son rêve était de devenir n° 1 mondial. Pour moi, c'est différent, je n'ai jamais rêvé de me retrouver en finale de Grand Chelem. Mais je suis là ! Et je suis vraiment heureuse. Mais je crois que je suis un genre de personne différente.
Le sentiment que tu as eu sur le court aujourd'hui, dans quelle mesure était-il différent de celui d'hier et dans quelle mesure, à ton avis, sera-t-il différend de samedi ?
Aujourd'hui, j'étais très nerveuse. Mais c'était un match différent contre Mirra que celui que j'ai eu contre Rybakina. J'avais perdu contre elle il y a un mois. C'était très dur mentalement et physiquement, parce qu'elle est tellement constante. J'étais nerveuse quand je suis arrivée sur le court, j'ai tenté de frapper la balle, de me déplacer vite, de jouer point par point et quand je l'ai breakée au premier set, j'ai commencé à me sentir de mieux en mieux. Mais je crois que le match était différent de celui que j'ai joué contre Elena. Elena, elle était tellement agressive. C'était un match différent.
Félicitations. Depuis 2 jours, tu as parlé de l'importance de croire en soi et d'être confiant. Quand tu as confiance, dans quelle mesure ton jeu change-t-il ? Qu'est-ce que tu arrives à faire quand tu as confiance ?
Oui, je pense que j'arrive à relever mon niveau de jeu. Je vais sur le court ces jours-ci en croyant que je peux gagner le match, et ça, ça fait une différence considérable. C'est ça qui fait la différence de croire que l'on peut gagner, c'est une manière totalement différente d'aborder un match. Quand on n'a pas confiance, c'est un petit peu plus compliqué au tennis à mon sens, car c'est un sport extrêmement mental, psychologique. Et quand on perd, c'est difficile de prendre confiance. C'est beaucoup plus facile d'avoir confiance quand on gagne les matchs. Ça vous aide à faire moins d'erreurs, de jouer plus long, de prendre plus de risques et c'est ça la différence.
"J'essaie de parler polonais avec Iga, mais ce n'est pas facile"
Je sais que vous avez des racines polonaises, que vous parlez bien polonais, Iga t'a félicitée à Dubaï. Je me demandais quelle était ta relation avec Iga.
J'essaie de parler polonais, mais ce n'est pas facile. Je suis un peu timide, parce que je ne me sens pas très à l'aise dans cette langue. Mais quand je la vois, je lui dis "Félicitations" pour le titre qu'elle vient de gagner par exemple. Et elle fait de même. Elle m'a félicitée après Dubaï et m'a souhaité bonne chance. Après les matchs, quand on s'est rencontrées dans les vestiaires, j'essaie de parler polonais, mais ce n'est pas facile pour moi. Mais oui, on a des relations.
Je me souviens quand tu es arrivé en finale à Monastir, il semble que ça t'ait porté chance. Il y a un mois tu as perdu contre Mayar Sherif. Comment as-tu rebondi après cette défaite ?
Ça a été un match très difficile. Mayar est une joueuse très difficile à jouer, notamment sur la terre battue, les conditions à Rome, tard le soir, n'étaient pas les meilleures pour moi. Mais je l'ai accepté. Je me suis concentrée sur le double. On a gagné le double à Rome. Ça m'a donné confiance de pouvoir rester dans le tournoi, avoir des vibrations positives. Tout cela se passe au tennis. Chaque semaine est différente. Chaque semaine est un défi difficile. Ce n'est pas facile de confirmer ses résultats, semaine après semaine. Seuls quelques joueurs parviennent à le faire. Seuls les grands joueurs tel que Iga, Nole ou Jannik y parviennent. C'est complètement fou.
Peux-tu nous dire ce qu'a fait Enzo pour toi et comment il t'a aidée cette semaine dans le tournoi et aussi, nous parler de Sara. C'est un nouveau territoire pour Enzo pas pour Sara.
Oui, on a beaucoup parlé avant le tournoi, parce que j'étais un peu nerveuse à l'entraînement. Les choses n'allaient pas aussi bien que je le voulais à l'entraînement. Il y avait un peu de tension. Puis on a beaucoup parlé, Enzo et moi, pour essayer de comprendre ce que je ressentais, et puis match après match, les choses se sont améliorées, et on est là ! Et bien entendu, Sara m'aide beaucoup. Et puis aussi, le fait de jouer en double avec elle m'aide beaucoup. Je peux lui demander des conseils. Et c'est quelqu'un de très intelligent. C'est très positif de l'avoir avec moi. C'est très positif pour moi et mon équipe.
"Mon coach est toujours préoccupé quand il voit que je ne souris pas"
Je viens de Pologne. Félicitations pour le tournoi et l'incroyable jeu contre Andreeva. Comment te ressens-tu après, avant de jouer Iga, la n° 1 mondiale ? Tu la connais des tournois depuis 2 ans. Je pense qu'au début, vous vous disiez bonjour « Czesc ».
Iga est une joueuse incroyable. Comme je l'ai dit, elle est tellement jeune, mais elle a tellement de victoires en Grand Chelem. Elle a gagné 3 fois ici. Elle réussit semaine après semaine ! J'ai un énorme respect pour elle. Mais mon objectif est d'aller sur le court samedi, d'essayer de profiter de mon match, de profiter de ce moment, et d'essayer de faire un bon match, de bien jouer sur le court.
Félicitations. C'est incroyable. Parfois, le tennis est un sport très, très dur, et parfois, les joueurs ne sont pas si heureux que ça. Or toi, tu sembles avoir énormément de joie en toi. Peux-tu nous en parler ? D'où te vient cette joie ? Et est-ce qu’elle t'aide et te soutient ?
Je ne suis pas toujours comme ça mais j'essaie. Pour être honnête, je souris beaucoup, comme vous le voyez. Mais ce n'est pas toujours comme ça. Quand je ne souris pas, ça veut dire que je ne me sens pas très bien. Mon coach est toujours préoccupé quand il voit que je ne souris pas, soit à l'entraînement soit en match. Il me dit toujours : « Profite, souris ». C'est important pour moi en tant que personne, en fait, de sourire, d'après ce qu'il me dit. Donc, il faut que je souris et que je sois décontractée. Ce n'est pas toujours facile parce que les choses ne vont pas toujours comme on le voudrait. Mais je suis heureuse d'être comme ça et de beaucoup sourire !
Félicitations. 2 matchs très difficiles. Et très belle performance depuis un an ! Qu'est-ce qui fait que tu joues tellement mieux que ce que tu jouais pour la plupart du début de ta carrière ? Est-ce que tu as souvenir d'un match ou d'un moment, un jour, où les choses ont basculé ?
Non, je ne crois pas qu'il y ait eu de moment où j'ai changé. Je crois que ça a été un processus. J'ai commencé à jouer de mieux en mieux, et mieux jouer contre les plus grandes joueuses, parce qu'avant, j'étais toujours 6/1, 6/2, 6/1, pas de match. Et puis là, j'ai commencé à entrer vraiment dans le match. Je perdais quasiment tous les matchs contre les grandes joueuses mais je me rapprochais de plus en plus, et ça, ça m'a aidée à gagner confiance en moi. Et à l'heure actuelle, si je peux dire avec davantage de matches dans la poche, j'ai acquis davantage de confiance dans mon jeu, dans moi-même. Et parfois, je vais sur le court avec l'idée que je peux gagner le match et je crois que c'est ça qui représente le vrai déclic.
Publié le par Alexandre HERCHEUX