Rafael Nadal : "J'aimerais continuer pendant un moment si..."
Roland-GarrosRafael Nadal a très certainement livré ce lundi sa toute dernière bataille à Roland-Garros ce lundi. Opposé à Alexander Zverev, le Taureau de Manacor s'est battu comme un diable mais n'a pas pu éviter la défaite d'entrée, en trois manches, 6-3, 7-6(5), 6-3. Inférieur dans le premier set, le Majorquin a ensuite offert une belle réplique à l'Allemand mais sans jamais pouvoir prendre totalement l'ascendant. Le public lui a rendu un bel hommage avec une belle standing ovation après la balle de match. Après la rencontre, sur le court, le roi des lieux n'a pas confirmé à 100% qu'il s'agissait de son dernier Roland-Garros. En conférence de presse, Nadal est resté encore prudent mais s'est montré satisfait de son niveau et de son état physique. Surtout, il semble déjà focalisé sur les Jeux Olympiques de Paris et pourrait bien zapper Wimbledon. Peut-être l'occasion de finir en beauté son histoire avec Roland-Garros en août prochain. Voilà Rafa : "Donnez moi deux mois, après les JO, pour voir si je continue ou pas. Mais je suis un gars simple, passionné par mon sport. J’adore voyager avec ma famille.
Rafael Nadal après son probable dernier Roland-Garros
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"Si c'est la dernière fois que j'ai joué Roland-Garros, je suis en paix avec moi-même"
Bonjour Rafa. Félicitations pour tout ce que tu as fait. Comment t'es-tu senti dans ta performance aujourd'hui ? Quel a été ton ressenti sur le court et est-ce que la façon dont tu as joué va compliquer les choses pour les deux prochains mois dans la façon dont tu te projettes ?
Non, je n'ai pas de mauvais ressenti. J'ai montré déjà à moi-même que j'étais prêt pour plus que ce que j'ai fait finalement, c'est-à-dire perdre au premier tour. C'est ainsi, n'est-ce pas ? Quand on n'est pas tête de série, on joue contre un joueur qui est en pleine forme et qui est l'un des meilleurs joueurs au monde. C'est ainsi. Comme je l'ai dit, ça a été une bonne semaine d'entraînement pour moi, de pratique, de performance physique également. Sans aucun doute, je me suis senti bien mieux qu'avant, je ne me suis pas senti limité aujourd'hui pendant le match. J'ai trouvé que j'ai réussi à me déplacer bien mieux que lors des tournois précédents, mais j'avais un adversaire coriace en face et je trouve qu'il a très bien joué.
Même avec tout cela, j'ai quand même eu ma chance et j'ai servi pour gagner le set au deuxième set, ensuite il y a eu de nouveau 15/40. Dans le troisième, une fois de plus, j’avais breaké et j’ai eu un autre 15/40. On a été à 5-3, 15/30 au deuxième. Je n'étais pas très loin, d'après moi, d'y arriver. C'est mon ressenti. En tout cas, c’est ma vérité. En fin de compte, j'étais prêt à construire mon jeu et regagner confiance jour après jour, mais je n'ai pas eu l'occasion de faire cela jour après jour, parce que j'étais face à un adversaire coriace. Aujourd’hui, j’aurais eu besoin qu’il ne fasse pas un bon match. Aujourd'hui, je trouve que j'ai joué à un bon niveau par rapport à ce qui a été mon jeu ces dernières semaines. J'en suis donc satisfait mais je suis déçu d'avoir perdu. Et pour ce qui est de mes sensations corporelles, je suis heureux d'avoir fini en bonne forme. Je me suis battu, j'étais prêt à me battre davantage mais c'est ainsi. Il faut l'accepter. Si c'est la dernière fois que je joue à Roland-Garros, je suis en paix avec moi-même. J'ai fait tout ce qui était possible pour être prêt pour ce tournoi et ce, depuis près de 20 ans. Aujourd'hui et les deux dernières années, j'ai traversé l'un des processus les plus difficiles de ma carrière tennistique. Mon rêve était de revenir ici, j'y suis arrivé mais bon, j'ai perdu, mais ça fait partie du jeu.
"Mon état d'esprit, c'est que je suis prêt à jouer jusqu'aux Jeux Olympiques"
Rafa, félicitations pour une carrière si remarquable. J'aimerais savoir quel a été votre état d'esprit, vos émotions au moment où vous avez abordé ce match particulier ? Est-ce qu'elles étaient différentes d'un match de premier tour de manière générale ? Autre question : est-ce que pour toi c'est difficile, avec tout ce que tu as accompli, de t'écarter, de t'éloigner d'un sport qui a fait partie de toute ta vie ?
Je ne vais nulle part pour le moment, je ne compte pas m'éloigner. Je ne sais pas ce qui va se passer au cours des prochains mois. Il faut que j'achève ce processus. Mon état d'esprit, c'est que je suis prêt à jouer jusqu'aux Jeux Olympiques. Ensuite, je verrai comment je me sens sur différents plans au niveau de la motivation personnelle, au niveau corporel, physique et au niveau tennistique également. Je verrai s'il est sensé ou pas de continuer à jouer. Je suis allé sur le court aujourd'hui avec l'étrange impression que j'allais jouer un premier tour à Roland-Garros et que je n'allais pas être le favori pour une fois. Et ça a été vrai, mais je suis arrivé sur le court avec l'idée qu'il me fallait me battre pour gagner ce match, qu'il me fallait déployer toute l'énergie nécessaire, revenir à mon meilleur niveau, et j'espérais que mon adversaire ne jouerait pas à son meilleur niveau, parce que c'est toujours difficile au premier tour. Pour moi, ce serait difficile, au cours de cette période particulière, au premier tour, de penser à un match où j'ai mieux joué qu'aujourd'hui.
Je trouve que j'ai, à certain moments, joué à un très bon niveau, à d'autres moments j'ai raté quelques points, je suis passé à côté mais ça c'est tout à fait normal. Lorsqu'on ne joue pas beaucoup de tournois, les uns après les autres, lorsqu'on ne joue pas ce type de match depuis près de deux ans, il est tout à fait normal que l'on ait un niveau en dents de scie, qui ne soit pas constant parce qu'il faut s'entraîner. La seule façon de s'entraîner à ce type de match, c'est de jouer dans des tournois. Pour conserver ce niveau d'énergie, de concentration, il faut jouer régulièrement.
Cette fois-ci, par rapport aux autres fois où je suis revenu après des blessures, je suis revenu en remontant de mon niveau le plus bas possible sur tous les plans, physique, le plan de la confiance, de la douleur. La plupart du temps, lorsque je revenais sur le court après des blessures, j'arrivais à revenir en pleine forme dès le départ et là cela n'a pas été le cas. J'ai senti, comme je l'ai dit avant le tournoi, que cette semaine c'était la toute première semaine où j'ai commencé à me sentir capable de me déplacer sans limitation. Voilà pourquoi j'ai réussi à regagner un bon niveau, à bien m'entraîner. Comme je l'ai dit, une semaine cela ne suffit pas pour être prêt à remporter ce type de match. Mais il est vrai que ce court a toujours été magique pour moi.
Je ne sais pas si tu le sais mais Novak, Carlos et Iga te regardaient dans les tribunes, qu'est-ce que cela veut dire d'avoir de bons adversaires, d'excellents joueurs qui viennent te regarder jouer ?
Je ne les ai pas vus. Mais d'une certaine façon, c'est normal, s'il s'agissait de la dernière fois que je jouais ici et si je savais que c'était la dernière fois pour Novak qu'il jouait à Wimbledon ou l'Open d'Australie. Avec ce type d'adversaires ou de jeunes joueurs comme Carlos, présents ici, et peut-être qu'ils m'ont regardé, sûrement ils m'ont regardé à la télévision ‑ Carlos m'a sûrement regardé à la télévision au cours de son enfance ‑ c'est normal d'une certaine façon que ces personnes soient intéressées à suivre le match, en particulier dans cet endroit avec toute l'histoire que j'y ai accumulée. En tout cas, je suis heureux que cela se produise, cela veut dire que j'ai laissé un héritage positif ici et que j'ai laissé un héritage positif grâce à ma carrière. Voilà tout.
"Parfois, je me réveille un matin et puis je trouve une jungle : un serpent qui me mord, le lendemain un tigre"
J'ai eu le privilège de te suivre depuis plus de 20 ans, c'est une journée un peu triste. J'aimerais savoir ceci : est-ce que tu penses que tu pourrais bien jouer, disons, même demain ? Nous pensons aux Jeux Olympiques où il va falloir jouer 3 heures, puis le lendemain 3 heures de plus. Est-ce que tu as l'impression d'être prêt dès maintenant ou peut-être que dans un mois et demi tu le seras ?
Je ne peux pas vous dire si je serai prêt ou pas dans un mois et demi parce que mon corps ça a été un champ de bataille depuis deux ans, je ne sais pas à quoi m'attendre. Parfois, je me réveille un matin et puis je trouve une jungle : un serpent qui me mord, le lendemain un tigre. C'est une véritable lutte que j'ai dû mener contre ces blessures, mais la dynamique est positive en tout cas. Ces dernières semaines, la dynamique a été positive. Je me suis senti prêt à venir jouer. Je pense que demain, je serai prêt à venir jouer de nouveau mais je n'aurai pas à jouer demain. Voilà ce qu'il en est. Il faut que je fasse un bilan et que je voie quel est le calendrier à mettre en place pour être prêt aux Jeux Olympiques. Je ne peux rien dire dès aujourd'hui, mais mon objectif principal est de jouer les Jeux Olympiques ici. Il faut donc que je me prépare au mieux pour essayer d'arriver à Paris en pleine forme et puis ensuite on verra.
"Si je sens que je suis capable d'être compétitif, si je suis en assez bonne santé pour en profiter, j'aimerais continuer pendant un moment"
Tu as inspiré des millions de personnes, ta carrière c'est bien plus que simplement le tennis. Quel a été le moteur derrière ta carrière, malgré toutes les blessures, malgré les défaites difficiles comme celle d'aujourd'hui ? Tu as même dit que tu allais participer aux Jeux Olympiques. Pourquoi ? Quel est le moteur qui t'anime et qui te donne cet esprit combatif ?
Je suis un homme simple, à de nombreux égards. J'ai toujours dit que pour moi, rentrer à la maison avec la satisfaction personnelle de savoir que j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour que les choses avancent bien, fonctionnent bien, pour moi c'est essentiel, c'est la seule façon de vivre. Voilà pourquoi je ne vous dis pas que je prends ma retraite aujourd'hui. En fin de compte, d'ici un an, un an et demi, je ne veux pas avoir l'impression que je ne me suis pas donné toutes les chances possibles, que je n'ai pas fait de mon mieux, que je commençais à aller mieux sur le plan physique et que je me suis arrêté à ce moment-là. Ce serait dommage. Quel est le moteur derrière ma carrière ? Comme je l'ai dit, je suis quelqu'un de simple, j'aime ce que je fais, je suis passionné par ce sport, par la compétition, j'aime m'entraîner, j'aime jouer au tennis. Je suis à une période un peu différente de ma vie personnelle : je voyage, je me déplace avec mon fils, ma femme et je profite de ces moments qui ne seront plus très nombreux. Il faut donc que j'en profite. Si je sens que je suis capable d'être compétitif, si je suis en assez bonne santé pour en profiter, j'aimerais continuer pendant un moment. Je ne sais pas pendant combien de temps mais je veux continuer sur cette voie, parce que j'ai des supporters et je dois me donner un peu plus de temps pour voir si je peux regagner mon niveau, si mon corps peut aller de mieux en mieux et puis ensuite je prendrai une décision.
En tout cas, je me donne encore deux mois jusqu'aux Jeux Olympiques et ensuite on verra si je peux continuer de jouer ou si je décide que finalement il est temps de raccrocher. En tout cas, aujourd'hui, ce n'est pas le moment d'analyser cela, c'est plutôt le moment de poursuivre sur cet élan et de voir ce qui se passe.
Tu n'as jamais parlé de tes blessures ou de tout ce que tu as dû surmonter pour revenir ici, mais est-ce que tu peux nous donner une idée de ce qui a été nécessaire pour revenir ici ? Quel a été le parcours qui a été le tien pour être capable de revenir jouer à Roland-Garros cette année ?
Il y a eu beaucoup de choses qui ont dû se passer. Cela a commencé progressivement. Ensuite, j'ai eu des problèmes à Brisbane, à peu près au même endroit qu'en 2023, en Australie. Ensuite, j'ai eu une récupération assez rapide, ensuite j'ai une eu une fois de plus un problème à la hanche, puis aux abdos. Cela a été un processus difficile. A un certain moment, j'étais détruit sur le plan mental. Je n'avais plus d'énergie, je n'étais plus heureux. Voilà pourquoi j'ai dit : il faut que j'arrête ça et j'ai eu l'impression qu'il était très probable que je ne revienne plus sur un court de tennis quelques semaines avant Barcelone, puis progressivement je me suis senti de mieux en mieux, j'ai réussi à jouer 4 tournois. Pour moi, c'est quelque chose de très important, cela a de l'importance. Ensuite, on verra.
Je n'aime pas parler des difficultés que j'ai traversées, parce que si on compare tout, on analyse tout ce qu'il s'est passé dans ma vie, il y a eu beaucoup plus de moments positifs que négatifs. Je me suis régalé grâce au tennis, j'ai vécu des expériences que je n'aurais jamais pu envisager traverser grâce à ce beau sport. J'ai eu beaucoup plus de réussites que ce que j'aurais pu imaginer. Est-ce que j'ai eu des blessures ? Oui. Est-ce que j'ai eu des moments difficiles ? Oui, mais de l'autre côté j'ai traversé des expériences fantastiques et j'en suis très heureux. Je me sens chanceux.
"J'ai l'impression qu'il serait difficile de faire la transition vers le gazon avant de jouer ensuite de nouveau sur terre battue pour les Jeux Olympiques"
J'aimerais avoir une clarification sur tes plans pour les prochaines semaines ? Est-ce que tu as l'intention de jouer sur gazon ? Est-ce que tu vas jouer à Wimbledon ? Est-ce que tu l'as décidé ?
Cela me paraît difficile, honnêtement. Pour le moment, je ne peux pas donner de confirmation, mais j'ai l'impression qu'il serait difficile de faire la transition vers le gazon avant de jouer ensuite de nouveau sur terre battue pour les Jeux Olympiques. Je ne peux donc pas le confirmer. Il faut que j'en discute avec mon équipe. Il faut que j'analyse beaucoup de choses, mais je ne crois pas que ce serait très intelligent, après tout ce que j'ai traversé sur le plan physique, de passer à une surface complètement différente et puis de revenir immédiatement sur terre battue. J'ai l'impression, en tout cas aujourd'hui, que ce n'est pas une bonne idée. Mais je ne peux pas vous donner de confirmation. En tout cas, c'est mon ressenti pour le moment. Même si j'ai prévu d'aller à Wimbledon, même si j'ai réservé en quelque sorte ma place, je ne pense pas que ce soit une bonne idée pour le moment.
Publié le par Alexandre HERCHEUX