Caro Garcia : "Il y a eu des doutes au milieu des victoires..."
WTACaroline Garcia a réalisé une superbe deuxième partie de saison 2022 qui lui a permis de retrouver les sommets, notamment au classement avec une 4e place mondiale. Un niveau de jeu et un statut protégé au prochain Open d'Australie qui donnent envie de voir grand. Mais avant ses récents succès, la Lyonnaise a eu son lot de doute, d'espoirs déçus. Au quotidien, cela s'est traduit par des nuits blanches ou par ce qu'elle décrit elle-même comme des crises de boulimie, même lorsque les résultats revenaient peu à peu. Plus mature que jamais, la joueuse de 29 ans est revenue sur son parcours pour le journal L'Équipe, dans une interview sans fard, dans laquelle elle est très honnête vis-à-vis d'elle-même. Un discours qui laisse présager le meilleur pour la saison à venir, mais qui montre à quel point le parcours des athlètes de haut niveau est semé d'embuches. Une très belle interview à découvrir en intégralité sur le site du journal L'Équipe et dont voici quelques extraits.
Caro Garcia après la victoire des Bleus contre l'Argentine
"Il y a eu beaucoup de doutes au milieu des victoires"
La joueuse française est d'abord revenue sur les difficultés qu'elle a dues surmonter ces derniers mois, parfois même lorsque les victoires revenaient : "Il y a eu beaucoup de doutes au milieu des victoires. Même quand tout paraît positif, certaines choses peuvent être difficiles à accepter. En fin de saison, avec la fatigue, émotionnellement tu es plus à cran. C'était déstabilisant dans la préparation. Et là, je me retrouve prise par les émotions, je ne pouvais plus les contrôler." Des larmes qui ont souvent pointé le bout de leur nez : "En un an et demi, assez souvent. Je n'avais pas de résultats, j'avais mal, je n'arrivais pas à orienter mon jeu, ça ne marchait pas, je ne trouvais pas l'organisation qui me correspondait... Ce n'était pas évident. Quand tu as eu un classement très élevé, que tu n'as pas réalisé tes rêves et que tu n'y arrives plus, tu ne sais pas si tu reviendras un jour : 'Peut-être que c'est passé, peut-être que mon jour de gloire, c'est fini, j'ai raté ma chance...' Après avoir été top 10 en ayant gagné des Masters 1000, c'est dur à accepter. À Miami , je ne supportais plus la douleur et je n'arrivais plus à m'entraîner. Je n'avais plus envie. Je me disais que je ne me débarrasserais jamais de ces douleurs au pied qui me gênaient aussi dans ma vie de tous les jours. Il y a eu beaucoup de larmes, de nuits blanches, cette année et l'année dernière déjà. Quand ça ne va pas, tu es de plus en plus seule. Tu cogites. Tu perds beaucoup, donc tu n'as plus l'émotion de la victoire, même celle d'un premier tour, alors que tu en aurais besoin. Et tu ne dors plus".
"Je me réfugiais dans la nourriture"
Autre difficulté, Caroline Garcia est du genre stressée par son poids "au gramme près", mais quand ça ne va pas, elle compense : "Certains ne vont plus manger, moi c'était l'inverse : je me réfugiais dans la nourriture. C'était des moments de crise. Tu te sens tellement vide, tellement triste, que tu as besoin de te remplir. C'était la détresse de ne pas réussir à faire ce que je voulais sur le court, ne plus gagner et souffrir physiquement. Manger m'apaisait pendant quelques minutes. On sait tous que ça ne dure pas, mais... C'était une échappatoire. C'est incontrôlable". Pour gérer cela aujourd'hui la Lyonnaise a accepté de lâcher du leste : "Aujourd'hui, c'est mieux. J'arrive à me faire plaisir quand je le ressens. Si je veux manger ça, je le fais en étant consciente de le faire. Et je vois que le lendemain, ça va. Parfois, tu as besoin de preuves que ça ne va rien faire sur ton corps. Par exemple, j'ai mangé une pizza la veille de mon match contre Daria Kasatkina (au Masters)."
Une blessure salutaire
Si ses douleurs aux pieds l'ont longtemps gêné, tout stopper pour se soigner, était peut-être un passage obligé pour repartir de l'avant, tant physiquement qu'émotionnellement : "Prendre le temps de me soigner m'a indirectement permis de déconnecter du tennis. Ça devenait douloureux physiquement, mais aussi mentalement et émotionnellement. Je ne pouvais plus. Je n'acceptais plus la douleur permanente et elle était vachement associée au tennis... Avoir été sevrée de tennis pendant un certain temps m'a aidée à réaliser que j'aimais toujours ça." La jeune femme est maintenant plus mature et sait un peu plus profiter de la vie pour pouvoir évoluer de manière plus sereine : "L'émotion de la victoire est tellement éphémère dans le tennis... Il faut aussi profiter du chemin, des journées difficiles à l'entraînement qui se passent mieux que prévu..."
"Une identité de jeu enfin pleinement assumée"
Si la tricolore n'a pas toujours assumé son jeu hyper agressif, ce n'est pas seulement par peur de mal faire, mais c'est aussi qu'elle a dû composer avec une joueuse très différente de la jeune femme : "Par rapport à mon style de jeu, je dois avoir une certaine attitude, une présence physique et mentale, même sonore. Plein de fois, j'ai vu des photos ou des vidéos de moi avec cette attitude, et je me sentais trop mal : 'Je ne reconnais pas cette personne, je ne sais pas qui c'est.' Par rapport à qui je suis à l'extérieur, j'avais vachement du mal à m'identifier à celle que je devais être sur le terrain. Du coup, je me forçais à être plus calme, mais ça ne marchait pas. Ça a beaucoup changé cette année. Maintenant, je sais que j'ai besoin d'être cette personne-là sur le court, alors qu'en dehors pas forcément. Ça a été un apprentissage important." Que de bouleversements en si peu de temps ! Mais pour la n°4 mondiale, ces changements ont été salutaires et ont porté leurs fruits. Une base qui semble maintenant assez solide pour résister à la saison 2023 qui apportera également son lot d'espoirs et de désespoirs.
Publié le par Aude MAZ