Fontang sur Auger-Aliassime : "Le Top 10 a été une belle étape"
ITWQue de chemin parcouru depuis juin 2016 et la première rencontre avec Tennis Actu pour Félix Auger-Aliassime. 2021 a été une grande année pour le jeune canadien. Une entrée dans le Top 10 lundi dernier (avant d'en ressortir lundi prochain), un huitième de finale à Melbourne, un quart à Wimbledon, et une demi-finale à l'US Open... La saison du joueur de 21 ans a été particulièrement riche. Très bien entouré, "FAA" avance avec beaucoup de sérénité et d'assurance grâce, notamment, à son coach, Frédéric Fontang. Depuis 2016, l'entraîneur français, ancien 59e mondial, permet à Félix d'évoluer et de franchir avec maturité les étapes. Fier de son poulain, Frédéric Fontang est revenu sur la saison 2021 de son protégé dans un entretien avec Tennis Actu. L'année 2021, l'éducation de Félix Auger-Aliassime, l'Open d'Australie 2022... le coach du Canadien a évoqué avec beaucoup de calme et de pragmatisme tous ces sujets.
Le Mag Tennis Actu avec Frédéric Fontang, coach de FAA
"Félix a réussi à entrer dans le Top 10 et ça a été une belle étape de franchie"
Frédéric Fontang, comment allez-vous à la fin de cette année 2021 ?
Ça fait du bien d’être au repos. Après le tournoi de Stockholm, nous avons mis un terme à la saison. Félix devait jouer la Coupe Davis mais par rapport à la longueur de la saison et au fait qu’il avait une inflammation au genou, il fallait du repos. Quand le joueur qu’on entraîne a fait une bonne saison, on part avec un bon état d’esprit en vacances. (sourire)
Lors de la dernière semaine de la saison, alors que Jannik Sinner ne devait pas jouer le Masters, il a finalement sorti Félix du Top 10. Est-ce une grande déception ?
Non parce qu’on le savait déjà. Tsitsipas était en difficulté après son abandon à Bercy donc on avait en tête l’éventualité du remplacement de Sinner. Et en même temps, Jannik Sinner mérite cette place. Félix a réussi à entrer dans le Top 10 et ça a été une belle étape de franchie.
"On a absorbé de l’expérience de Toni Nadal"
Quel est LE point positif de cette saison ?
Avoir ajouté Toni Nadal dans notre équipe en début de saison, qu’il puisse venir sur quelques tournois... l’idée était d’avoir un jeu plus solide et plus consistent. La grande satisfaction, c’est la régularité en Grand Chelem avec un huitième en Australie, quart à Wimbledon et demie à l’US Open. C’est le gros point positif.
A titre personnel, qu’est-ce que vous avez ressenti en travaillant avec Toni Nadal ? En tant que coach, ça doit être une belle expérience. On apprend les uns des autres avec ce genre de rencontres finalement ?
Voilà ! Vous avez déjà des réponses dans votre question. C’est quelqu’un qui avait déjà eu des hauts résultats avec son neveu. On a absorbé de l’expérience. Les résultats n’ont pas été là au démarrage mais on ne peut pas faire de liens. Il nous a donné des axes de développement. Ça a pu confirmer ma méthodologie et avoir des options supplémentaires grâce à la méthode Nadal.
Et le point noir alors ou le point à travailler ?
Les résultats en Masters 1000. Les résultats en Grand Chelem ont été bons. En Masters 1000, il y a eu des premiers tours. Il y a aussi remporter un premier titre qui est important et que l’on essaiera d’atteindre l’année prochaine.
Comment expliquez-vous ces difficultés en Masters 1000 ?
Il n’y a pas de raison évidente. Félix n’est pas différent en Masters 1000 ou en Grand Chelem. La différence, c’est qu’en Masters 1000, on joue tout de suite des joueurs dangereux. En Grand Chelem, on est protégé par le statut de tête de série. Il joue Ruud à Madrid, Ramos à Rome. Ces aspects sont plus difficiles à gérer mais c’est l’expérience qui aidera.
"L’élément important chez Félix, c’est son éducation"
Tennis Actu avait rencontré Félix dès 2016 lors de sa finale en Juniors à Roland-Garros. De quoi êtes-vous le plus fier dans sa progression depuis tout ce temps ?
L’élément important chez Félix, c’est son éducation. J’ai appris à connaître ses parents et je peux voir la solidité de son éducation. Les fondamentaux sont là parce que l’éducation a été très bien faite. Il a la tête sur les épaules, il est posé…
Le talent, c’est une chose. Mais, j’imagine que pour vous c’est un plaisir de discuter avec un jeune homme aussi posé et mature ?
Tout à fait, vous l’avez dit. Qu’est-ce que le talent ? Il y a plein de définitions. Chez Félix, sa qualité c’est d’être posé et de travailler tous les jours. Pour un entraîneur de mon âge, c’est agréable de pouvoir échanger avec un jeune comme ça, discuter philosophie, politique, géopolitique. Ça c’est très bien !
Ça vous arrive d’avoir des échanges tendus ? On a du mal à imaginer des disputes entre vous deux…
Non c’est très rare. La sérénité fait partie de nos caractères. Des moments de tension, il y en a forcément. Mais, tout ça ne va pas dans un degré qui va être de l’ordre du clash. L’entraîneur est là pour tenir le cadre. Le joueur veut gagner et nous, entraîneurs, sommes dans le processus, faire que les résultats vont venir.
Sur la recherche d'un premier titre : "C’est son chemin. Il faut le voir de la bonne façon. Il a quand même fait 8 finales"
Que lui manque-t-il pour enfin décrocher ce premier trophée ?
Le tennis est là. Il joue Djere à Rio lors de la première. C’était la première pour les deux et le match a été joué en trois sets. Après, il a perdu contre des joueurs du Top 10. L’aspect mental et émotionnel est plus lourd maintenant. C’est son chemin. Il faut le voir de la bonne façon. Il a quand même fait 8 finales. Il faut mettre les conditions pour que cela arrive et il a des choses à apprendre dans la gestion mentale de ses finales. Il développe des outils qui vont lui permettre d’y arriver. Il y a aussi des solutions tennistiques à avoir. En début d’année, contre Dan Evans, il ne fait pas une bonne finale sur le plan tactique (NDLR: Au Murray River Open, à Melbourne, au mois de février). C’est important de comprendre que lorsqu’il y a des épreuves à traverser, il y a des choses à apprendre.
On aurait tendance à l’oublier mais il n'a que 21 ans, ce début de carrière reste remarquable…
Bien sûr, déjà 8 finales à 21 ans, 3 ans dans le top 21, il vient d’entrer dans le top 10, c’est bien ! On veut toujours mieux mais son bateau avance bien, sa Formule 1 avance bien. Ça avance dans la bonne direction en sachant qu’il y aura toujours des moments difficiles.
Est-ce que vous avez l’impression que Félix est différent le dimanche matin, avant une finale ?
Non… Avant chaque match finalement il y a des petites fluctuations. Par rapport à ses finales, on n’a pas ressenti de nervosité particulière. Comme c’est un jeune joueur, très agressif, ses options sont un peu plus lentes à mettre en place. Il faut un peu plus de maturité et d’expérience et c’est là où il a vraiment beaucoup progressé.
"Aujourd’hui, pour faire leur métier, je pense que c’est important que les joueurs soient vaccinés"
Il y a beaucoup de discussions autour de l’Open d’Australie. On ne connaît pas encore le process. Est-ce que vous êtes inquiet ? Comment voyez-vous les choses ?
Une personne de Tennis Australia nous a rassurés à Bercy en nous disant que ça jouerait de toutes façons. Y aura-t-il Doha ou que des tournois en Australie ? Nous verrons... Je n’ai pas d’inquiétude sur le maintien du tournoi mais après ce sont les modalités… Chacun fait ses choix. Aujourd’hui, pour faire leur métier, je pense que c’est important que les joueurs soient vaccinés. Ça dépasse le tennis. C’est assez raisonnable de se faire vacciner à partir du moment où l’on veut continuer à être sportif de haut-niveau et jouer l’Open d’Australie. Les non-vaccinés pourront-ils jouer ? On ne sait pas mais je pense que pour les vaccinés, les conditions seront bonnes.
Récemment, Novak Djokovic et Nick Kyrgios ont affirmé que le fait d’être vacciné ou pas devait rester confidentiel et personnel. D’un autre côté, les joueurs de tennis sont des modèles… Est-ce que vous trouvez cette position dérangeante ?
On touche à des questions importantes... On est dans une civilisation où la communication est importante. Des têtes d’affiche et des joueurs qui ont de l’influence doivent faire attention à la communication. J’ai un garçon de 19 ans et une fille de 16 ans. Je parle donc en tant que parent. Il faut faire attention car ce n’est pas parce qu’on test très fort dans son sport, que l’on peut avoir un avis pertinent sur d’autres aspects de la vie, politique etc…Il ne faut pas non plus ne pas communiquer, ni ne pas jouer le jeu avec les journalistes. Les joueurs de haut-niveau profitent de ce système car ça fait la promotion de leur marque et de leur carrière. Il faut que les joueurs soient bien entourés pour ne pas tomber dans les extrêmes comme Naomi Osaka. Il faut un bon entourage pour une communication responsable.
Aidez-vous Félix avec les médias ?
Le rôle d’entraîneur, c’est un rôle d’éducateur aussi. Je suis concentré sur le tennis mais ça n’empêche pas des discussions d’adultes. Félix a son agent pour s’occuper de ça et encore une fois l’éducation de ses parents. Ils lui ont donné de bonnes bases pour discuter en ayant les outils.
Que peut-on vous souhaiter, à vous et à Félix, pour l’année 2022 ? Il va l’avoir ce premier titre, c’est écrit ! (sourire)
La philosophie reste la même. Être meilleur chaque jour, et donner le meilleur. En termes d’objectif précis, un premier titre bien sûr, performer en Grand Chelem et Masters 1000 et terminer l’année au Masters. C'est l'objectif de Félix et de tous les joueurs du Top 20 aujourd’hui.
Publié le par Alexandre HERCHEUX