Titouan Droguet : "Sortir des qualifs à Roland, ce serait dingue"
ITWLe mois de février de Titouan Droguet a été complètement fou... Le mot est même faible. Au départ, le joueur de 21 ans avait prévu de disputer deux 25 000$ à Antalya. Mais, avec ces séismes destructeurs qui ont ravagé la sud-est de la Turquie, les deux rendez-vous ont été logiquement annulés. Désireux de jouer quelques matchs, le Frenchie s'est rabattu en urgence sur le Challenger de Cherbourg. Arrivé tardivement le vendredi soir dans la Manche, le natif de Villeneuve-Saint-Georges a pu s'engager en qualifs. Le début d'une semaine de dingo. Pour Tennis Actu, Titouan est revenu sur sa folle semaine cherbourgeoise. L'occasion également de faire connaissance avec un jeune garçon calme, déterminé, ambitieux... et qui a une soeur, elle aussi professionnelle, Aubane Droguet, 870e mondiale fin 2022.
Titouan Droguet évoque sa perf' à Cherbourg avec Tennis Actu
Miraculé contre Jurgen Briand, avec une fin de match qui a fait jaser, le Frenchie s'est extirpé des qualifications et ne s'est pas arrêté là. Décomplexé, Titouan s'est ensuite offert sa plus belle victoire en carrière en scalpant John Millman. Pas rien. Impérial, Droguet a poursuivi la semaine de sa vie en battant successivement Joris De Loore, Alexey Vatutin puis Antoine Escoffier. Rapidement diminué en finale, blessé à l'adducteur, le Frenchie est tout de même tombé avec les honneurs contre Gianluca Zeppieri, 7-5, 7-6(4). Avec ce parcours épatant, Titouan Droguet, qui sera repos environ un mois, est désormais 247e mondial et très bien placé à la Race France de la FFT, qui permet l'obtention d'une wild-card tableau ou qualifs pour Roland-Garros.
"Je suis assez fier de moi, de la semaine réalisée (...) Je vais savourer plus tard, là je suis un peu triste de mon état physique"
Titouan, quelques heures après ta finale au Challenger de Cherbourg perdue contre l’Italien Zeppieri, comment ça va ? Quel est le sentiment qui prédomine ?
Je suis assez fier de moi, de la semaine réalisée. C’est toujours un peu délicat de finir sur une défaite. Je me suis vraiment fait mal en finale et les examens n’ont pas été bons. Je suis un peu triste mais je retiens beaucoup de positif de la semaine. Je suis content de mon niveau de jeu et j’ai battu plein de bons joueurs. Je vais savourer plus tard, là je suis un peu triste de mon état physique. Ça me fait réfléchir sur la suite.
Peux-tu en dire plus sur ton état physique et la durée d’indisponibilité ?
Ce n’est pas très clair… J’ai fait une écho ce matin (lundi), on voit une lésion à l’adducteur. Je l’ai eue dès le début du match. Il y a une belle lésion. Je vais faire l’IRM pour voir la durée d’arrêt. Je pense qu’il y aura un bon mois avant de reprendre en tournoi.
Tu aurais abandonné en temps normal ?
Oui en premier tour, je pense. Je me disais qu’il n’y avait pas de match le lendemain. En premier tour, je n’aurais pas pu jouer en suite. Je ne pensais pas que c’était si grave. Je pensais que c’était une douleur habituelle. Je n’ai pas de regret. J’ai tout donné et ça aurait pu passer. Je perds sur un score serré.
"Je devais jouer deux tournois à Antalya mais les deux sont annulés. Je regarde le calendrier, je vois Cherbourg. Je me dis que je peux prendre un vol et la voiture de mes parents pour aller à Cherbourg..."
Cette semaine à Cherbourg a été complètement folle. Dès le départ, scénario de dingue contre Jurgen Briand en qualifs ? Comment as-tu vécu ce match ? (Victoire sur point de pénalité)
La semaine est folle parce qu’à la base, je suis en Turquie. J’ai des galères de voyage dans tous les sens. Je mets 35 heures pour aller en Turquie, je fais du bus dans la neige et là-bas, le tournoi est annulé. Je me retrouve là-bas coincé, je devais jouer deux tournois mais le deuxième est aussi annulé. Je regarde le calendrier, je vois Cherbourg. Je me dis que je peux prendre un vol et la voiture de mes parents pour aller à Cherbourg. J’entre dans le tableau. Je me suis entraîné sur terre depuis 5 semaines. Il y avait le vol etc… je me doutais que ça allait être compliqué physiquement. Contre Jurgen, je sais que ce sera dur et la fin de match… Je crampe, je sauve des balles de match… Au tie-break, je vois ma balle sortir et je n’entends pas d’annonce… Point de pénalité et… C’était assez improbable.
Comment tu te sens sur le coup ? Tu ne peux pas célébrer ?
Mon premier sentiment, j’ai beaucoup de chagrin pour Jurgen. C’est un ami, il n’a vraiment pas eu de chance. J’ai essayé de le calmer un peu. Je suis content de passer mais… La balle, je la vois un peu à côté mais elle n’est pas si loin. On ne saura jamais. J’ai vu des gens attaquer Jurgen avec des screenshots mais on ne voit rien… On ne saura jamais.
Ensuite, la victoire contre John Millman, ta plus belle, contre un joueur qui a battu Federer par le passé, ça représente quoi ?
Je joue libéré. Je n’ai plus de pression. J’aurais pu être dehors dès le premier tour des qualifs. Le mec est meilleur que moi, je joue sans pression, en outsider. Je fais un super match contre lui. Il est diminué à la fin mais je sens que je joue super bien. Ça m’a fait me rendre compte que je pouvais battre ces joueurs-là.
Tu as senti quelque chose de spécial dès le départ de la semaine, un feeling particulier sur le court ?
Je trouvais que c’était déjà ma semaine. Je me qualifie, je bats Millman en night session dans une ambiance sympa. C’était incroyable pour moi qui joue beaucoup en Futures. J’ai pris tellement de plaisir… Avant le tournoi, j’avais peur de tout le monde et après Millman, je me dis que tout est possible.
"Dans la vie, ceux qui me connaissent savent que j’aime plaisanter, chambrer. J’aime bien les jeux et les défis"
Ce qui est aussi beau, c’est que plein de gens te découvrent encore. Comment tu te décrirais pour ceux qui viennent de te connaitre ?
Concernant mon jeu, je suis plutôt un bon serveur et un mec qui aime tenir du fond. Beaucoup de lift en coup droit et je défends beaucoup. Dans mon attitude, j’ai fait beaucoup de travail sur moi-même pour améliorer mon comportement. Je suis calme maintenant. Dans la vie, ceux qui me connaissent savent que j’aime plaisanter, chambrer. J’aime bien les jeux et les défis.
Il faut aussi dire que tu as une petite sœur sur le circuit, Aubane, que les habitués de Tennis Actu ont pu suivre depuis les Juniors. Quelle famille !
Ça nous a aidés de tous les deux jouer au tennis. On a un frère qui est -2/6. On s’entraide et on se conseille. En vacances, on peut s’entrainer ensemble et se booster. C’est sympa. Les tournois où on était ensemble, c’était vraiment sympa. Je suis persuadé que ça m'a apporté d’avoir une famille dans le tennis. Mon frère m’accompagne pas mal en tournoi. Ce sont des soutiens sur lesquels on peut s’appuyer. C’est important.
Comment êtes-vous tombé dans le tennis ?
Ma mère jouait, elle est montée à 0. Mon frère jouait quand j’étais petit. J’ai franchi les paliers petit à petit et c’est devenu ce que c’est devenu.
Tennis Actu rencontrait Aubane Droguet, soeur de Titouan, en 2019
"C’est un rêve. En plus, j’habite près de Paris. Jouer devant tous mes proches à Roland, ce serait dingue si j’y arrive"
Qu’est-ce que tu avais en tête avant de démarrer 2023 ? Est-ce que cet accomplissement te fait revoir tes objectifs à la hausse ?
Avant de démarrer 2023, je voulais jouer les qualifs de Grand Chelem. Ce n’est pas encore acquis donc j’ai encore ça en tête mais je peux viser un peu plus haut. Je n’ai pas d’objectif de ranking. Je veux m’entraîner à fond et me donner un maximum de chances de réussir.
Un titre en Challenger, c’est dans un coin de ta tête forcément.
Oui, bien sûr. Déjà depuis l’année dernière et mes titres en 25 000. Ça m’aurait fait plaisir de gagner à Cherbourg. J’espère avoir d’autres opportunités d’en gagner un.
Tu es 247e cette semaine, en bout de cut pour les qualifs de Grand Chelem. Surtout, tu es 5e du classement de la FFT Destination Roland-Garros qui permet d’avoir une wild-card pour le grand tableau. Tu en rêves ?
Honnêtement, je n’avais pas vu. Je ne sais pas qui est devant et je ne connais pas bien.
C’est une Race sur des tournois déterminés. Greg Barrère et Arthur Fils sont devant toi mais n’auront peut-être pas besoin d’invitation. Tu es candidat.
Après, dans ma programmation, je n’ai pas prévu de jouer en France tellement. Je ne vais pas jouer pour la wild-card seulement. Je vais faire mon truc pour le classement, gagner des matchs et s’il y a une wild-card qui se glisse, tant mieux. Je ne vais pas faire ma programmation en fonction. Je préfère aller jouer sur terre battue. Je vais essayer d’y aller par mon classement.
Roland-Garros, ça représente quoi à tes yeux ?
C’est un rêve. En plus, j’habite près de Paris. Jouer devant tous mes proches à Roland, ce serait dingue si j’y arrive. Jouer dans des grands stades, c’est pour ça que je m’entraîne.
Qu’est ce qui te comblerait en 2023 ?
Gagner Roland… Non je rigole ! (sourire) Un titre en Challenger, faire les trois Grands Chelems en qualifs et sortir de ces qualifs à Roland, ce serait incroyable.
Publié le par Alexandre HERCHEUX