Tennis. Corruption/Paris - Eaton : "Le tennis est très exposé"
Par Christophe de JERPHANION le 26/11/2014 à 16:14
Alors que la Fédération Française de tennis, suite à l'enquête de l'Unité pour l'Intégrité du Tennis, a décidé de suspendre à vie Morgan Lamri, joueur et arbitre sur les circuits Futures et Challengers, le quotidien britannique The Guardian se penche sur la place que tient le tennis pour le crime organisé, pour qui les paris sportifs et les matches truqués sont devenus une manne.
Interrogé dans les colonnes de ce journal, Chris Eaton, ancien officier à Interpol officer désormais responsable de l'International Centre for Sports Security, pense que le circuit Challenger est particulièrement vulnérable aux affaires de jeux et de corruption, car les gains y sont nettement inférieurs à ceux proposés dans les tournois du circuit principal.
“Le tennis est le troisième sport le plus exposé. Il y a le football, le cricket et le tennis. Nous savons que le circuit Challenger est énormément visé. Mais si les joueurs concernés percent sur le circuit principal, alors c'est le circuit entier qui sera concerné. Car, une fois que vous êtes compromis, vous l'êtes pour la vie. Regardez bien le tennis, ça va exploser", explique Chris Eaton.
Pour lui, il y a des preuves irréfutables que les syndicats du crime organisés ont recours aux paris sportifs, ce qui entraîne la corruption et les matches truqués. Il pense surtout que, malgré la mise en place en 2008 de la TIU et l'enseignement des règles anti-corruption donné aux joueurs et aux officiels, le tennis est sur la mauvaise pente.
"Le sport n'a malheureusement pas les professionnels capables de mener des enquêtes, des audits aléatoires de joueurs ou d'officiels. C'est là que les gouvernements doivent intervenir. Ils doivent concentrer leurs mesures sur le crime organisé et les paris. Si vous arrêter l'argent... L'argent vient des paris, il ne vient pas des matches truqués. Les matches truqués, c'est la finalité".
Mais Chris Eaton évoque aussi la différence des dotations entre les plus grands tournois et les Challengers, par exemple. Quand Novak Djokovic et Petra Kvitova encaissent chacun 1,76 millions de livres sterling pour leur victoire à Wimbledon, James Ward, n°2 britannique et 107e mondial, touche 5411 livres sterlings pour ses deux titres dans des tournois secondaires...
Chris Kermode, patron de l'ATP, a bien conscience de cela et, dans le plan de développement sur 10 ans, rendu public récemment, une des mesures concerne justement la hausse des dotations des tournois secondaires. Pour Chris Eaton, ce serait un bon début : "C'est une partie de la solution. On protège mieux un sport ou un business en payant correctement les gens".
Mais il pointe aussi du doigt la prolifération des sites de streaming, qui dépendent bien souvent des compagnies de jeux en ligne, et diffusent des matches sur internet. Pour lui, cela facilite la tâche des criminels. Cela permet ce qu'on appelle le "court-siding", autrement dit, l'envoi en temps réel de données sur les matches en courts, de manière plus rapide que les voies officielles des sites proposant l'évolution en direct des scores...
"Quant vous avez la connaissance en amont d'un résultat sur lequel parier, cela s'appelle du délit d'initié. On ne laisse pas les banque le faire, on ne laisse pas les marchés financiers le faire, pourquoi laisse-t-on les organisateurs de paris envoyer des individus donner un avantage de deux, trois, voire cinq secondes à un parieur ? Dans un système moral normal, c'est ce qu'on appelle clairement de la triche", conclut Chris Eaton.