Tennis. Coupe Davis - La France et 15 ans de disette en Coupe Davis
Par Jonathan LARDY et Tennis Actu le 22/09/2016 à 09:26
Vidéo - Retour sur les demies de Coupe Davis by Tennis Actu
Une nouvelle opportunité s'en est allée ce week-end... A l'instar du débat autour du prochain successeur de Yannick Noah à Roland-Garros, l'équipe de France de Coupe Davis est très souvent mise sur le grill. "Est-ce enfin l'année de la France ?". Cette question est abordée tous les ans sur les plateaux télés. Malheureusement, cela fait donc désormais 15 ans que la réponse est toujours négative. Votre site TennisActu vous fait donc revenir sur ces dernières éditions, en tentant de comprendre pourquoi une équipe 9 fois titrée dans cette compétition voit donc depuis tant de temps le saladier d'argent se refuser à elle.
2001-2002 : Du rêve au cauchemar !
Le tennis va si vite... La dernière victoire française remonte donc à 2001. Et quelle victoire ! Opposée à une équipe d'Australie favorite sur le papier, qui comptait dans ses rangs ni plus ni moins que le numéro mondial de l'époque, Lleyton Hewitt, ainsi qu'un Patrick Rafter finaliste la même année à Wimbledon et 7ème joueur mondial. C'est avec une équipe composée de Sébastien Grosjean, Nicolas Escudé, Fabrice Santoro et Cédric Pioline que les Bleus ont donc réussi à écrire l'une des plus belles pages de leur histoire en allant s'imposer sur le gazon de Melbourne. Cette victoire fut obtenue grâce à un Nicolas Escudé de folie qui s'offrait le scalp de Hewitt en 5 manches ainsi que le point de la victoire face au match décisif contre Wayne Arthurs. La France était magique et retrouvait le chemin de la victoire 5 ans après l'avoir quitté en Suède. Sur son nuage , elle s'est même offerte le droit de réaliser le doublé en acceuillant 1 an plus tard à Bercy l'équipe de Russie, alors dirigée par le sorcier Shamil Tarpishev. De nouveau bien embarqués après le double qui leur donne l'avantage à l'ouverture du dernier jour, les Bleus se voient contraints d'aller au match décisif après que Marat Safin ait remis les deux équipes dos-à-dos. Alors que l'on pouvait s'attendre à un duel entre la jeunesse et l'expérience avec Kafelnikov et Paul-Henri Mathieu, Tarpishev tenta le coup de poker en alignant lui aussi son rookie de 20 ans. Mikhail Youzhny (32ème mondial à l'époque) fut envoyé sur le pont pour tenter de donner le premier saladier d'argent de l'histoire à son pays. C'est bien pourtant "Paulo" qui résistera le mieux à la pression de l'événement, en menant 2 sets 0. Bercy est en feu et commence à voir les images de Lyon 1991 refairent surface. Puis vient le choc. Après être passé à deux points de la défaite dans le 4ème set, l'extincteur Youzhny réussit l'impensable. Pour la première fois de l'histoire, une équipe remporte la Coupe Davis après avoir été mené 2-0 dans le 5ème match. Tarpsishev a réussi son coup, PHM est en larmes sur sa chaise et la nation bleue reçoit un très gros retour à la réalité. Ces images seront le début d'une période bien difficile pour l'équipe de France de Coupe Davis.
2003 - 2009 : Aucune finale à l'horizon
La remise en route après la déception de Bercy fut longue. De plus, alors que les années suivantes le tennis mondial semblait en recomposition et où il était assez difficile de sortir UN joueur du lot, 2003 voit l'émergence d'un certain Roger Federer. La France pourra d'ailleurs très vite s'en rendre compte puisque c'est la Suisse qui se présente à elle en Avril de cette même année. 3 mois avant son premier sacre à Wimbledon, le futur "Maestro" éclabousse de sa classe cette rencontre en remportant ses deux simples et le double avec Marc Rosset. Infligeant au passage un très sévère 6-1, 6-0, 6-2 à Fabrice Santoro lors du troisième simple, il s'arrêtera en 1/2, battu par l'Australie de Hewitt. 2004 bis-répétita, mais cette fois ci les Bleus stoppe l'armée de Federer en remportant le point du double. La Suisse est battue après s'être inclinée dans les deux autres simples n'impliquant pas le numéro 1 mondial de l'époque. C'est donc l'Espagne qui se présente en 1/2 finale. Loin d'être arrivé encore à maturité , le capitaine ibérique peut néanmoins compter sur un jeune prodige qui commence très fortement à faire trembler la planète tennis. Son nom ? Un certain Rafael Nadal... Aligné en double puis lors du 4ème simple, le "bébé" de Manacor alors agé de 18 ans avait déjà bien marqué son territoire sur terre battue. Vainqueur de ses deux rencontres il fut le principal artisan de la victoire de son pays qui ira jusqu'au titre. Les années suivantes furent toujours plus frustrantes avec des défaites successives face à l'ennemi Russe. Les tricolores ne prendront jamais leur revanche et se feront éliminés en 2005, 2006 et 2007 par une équipe qui en plus de Marat Safin s'était de nouveau renforcée avec l'arrivée de Nikolay Davydenko et Igor Andreev. L'équipe de France, elle, était sensiblement la même depuis 2002 excepté que le prodige Richard Gasquet faisait ses débuts sous le maillot bleu. Bien que dans les deux éditions suivantes , la France ne croisa plus la route de la bande à Tarpishev, elle tomba sous les coups des Américains de Roddick en 2008 et des Thèques de Berdych en 2009. Seul lueur d'espoir pour le futur l'arrivée dans le sillage de Jo-Wilfried Tsonga finaliste de l'Open d'Australie en 2008 et qui commencera tout doucement à s'affirmer comme le leader de l'équipe.
2010 : Le gachis de Belgrade après une campagne superbe
L'ère Forget commence à durer. En place depuis 1998 comme capitaine un des héros de l'épopée de 1988 peut certes se targuer d'une victoire en 2001 mais stagne depuis avec aucune finale disputée. Oui mais voilà , les 4 joueurs sur lesquels il fonde son équipe arrivent à maturité en simple. Jo-Wilfried Tsonga , Gaël Monfils, Richard Gasquet et Gilles Simon offre bon nombre d'options. Ajouté à cela un duo Arnaud Clément / Michaël Llodra vous obtenez une équipe prête à défier toutes les équipes du groupe mondial. Après l'échec de 2009 à Prague face à l'inséparable duo Berdych / Stepanek, l'équipe entame sa campagne 2010 avec une nouvelle fois la ferme intention d'aller jusqu'au bout. Après avoir plié leur rencontre face à l'Allemagne en deux jours (3-0), la bande à Tsonga fait face à l'Espagne. Forfait de dernière minute, Rafael Nadal ne peut participer à la rencontre. Ce sera donc David Ferrer et Fernando Verdasco qui seront alignés. Face pourtant à de tels adversaires, les Français emmenés par Gaël Monfils et la surprise du chef Michaël Llodra en simple terminent une nouvelle fois la rencontre en deux jours ! Performance majuscule pour eux qui retrouvent donc le dernier carré pour la première fois depuis 2004 ! L'ambiance est au beau fixe et l'on recommence à rêver. Encore plus quand l'Argentine privée de Juan Martin Del Potro se présente à Lyon. Et la série continue ! Imperturbables le duo Llodra/Monfils s'offrent David Nalbandian et Juan Monaco avant que ce même Llodra associé à son pote Arnaud Clément ajoute le point manquant. 9/9 le bilan est incroyable et tout simplement jamais vu pour le tennis français. Se présente donc la dernière marche face à la Serbie de Novak Djokovic. Privé au dernier moment de Tsonga pour le déplacement à Belgrade, Forget fait donc appel à Gilles Simon et Gaël Monfils pour affronter Janko Tipsarevic et le "Djoker". Après un premier jour sans surprise ou chacun tiendra son rôle (1-1), le double s'annoncait capital. Et une nouvelle fois ce sont les pompiers de service Arnaud Clément et Michaël Llodra qui après avoir remonté un déficit de 2 sets 0 s'adjugent ce match et permettent aux bleus de tourner à 2-1. Après les mauvais souvenirs de Bercy on ne souhaite pas s'enflammer mais un nouveau saladier 9 ans après le dernier n'a jamais semblé aussi proche... Comme en 2001 et 2002 il faudra aller jusqu'au bout du bout puisque Djokovic malgré un de ses plus beaux pétages de raquette bat Monfils en 3 manches. Alors que le staff discute quant à l'identité du joueur à aligner c'est finalement Llodra qui est choisi. Il se retrouve face à Viktor Troicki qu'il battait il y a moins de 24h en double. On pourra éternellement refaire l'histoire et se demander pourquoi Gilles Simon ne fut pas aligné mais il n'empêche qu'à la fin c'est de nouveau la France qui trépasse. Dans un match cette fois à sens unique , Troicki bat "Mika" en 3 sets donnant comme en 2002 pour la Russie la première Coupe Davis de l'histoire de la Serbie. Les larmes de Paul-Henri Mathieu sont cette fois sur le visage de Llodra, Djokovic se fait raser la tête et commencera sa domination sur le tennis mondial 2 mois après. La France est-elle maudite ? En tout cas Guy Forget et sa génération "dorée" s'en relèveront difficilement. Après deux nouveaux échecs dans les campagnes de 2011 et 2012 face à l'Espagne de Nadal et contre les Américains d'un John Isner absolument monstreux sur la terre battue de Monte-Carlo, le capitaine lâche l'affaire et prend un repos bien mérité après 14 ans de loyaux services.
L'ère Arnaud Clément et le drame de Lille (2013-2015)
Le nouveau capitaine fut très rapidement choisi puisque à peine retiré des courts en tant que joueur, Arnaud Clément est appelé sur la chaise. Le lien de proximité qu'il existe avec les " 4 nouveaux mousquetaires" semble avoir convaincu la fédération à faire ce choix. La première campagne en 2013 est un réel flop. Après avoir éliminé Israël (5-0), les Bleus se rendent dans l'ambiance surchauffée de Buenos Aires pour y défier l'Argentine. Une nouvelle fois pas de Del Potro à l'horizon, l'occasion est belle. Malgré ça la route vers le saladier s'arrête très brutalement. Pourtant favoris, les Français s'inclinent au match décisif après que Gilles Simon lâche face à Carlos Berlocq. "Gillou" aura d'ailleurs beaucoup de mal à retrouver la confiance du capitaine qui ne l'alignera pas une seule fois dans toute la campagne suivante. La nouvelle déception ammène déjà à remettre en cause le capitaine. Difficile de lâcher Clément dès la première année surtout lorsque l'on sort de 14 ans de Forget. Arrive donc la campagne 2014. Après avoir sorti l'Australie et évité le psychodrame à Nancy face à une Allemagne décimée (match remporté 3-2 après avoir été mené 2-0), la France se retrouve dans le dernier carré. Pour la réception des Tchèques, le stade Roland Garros est choisi. Malgré les potentielles craintes, la "team Berdych" ne pèse cette fois pas très lourd (sûrement fatigué par le retour de l'US Open et la transition dur/ terre battue) et s'incline 3-1. Arrive donc la finale de rêve. Dans le même temps c'est la Suisse qui sort vainqueure de la partie basse. La France va accueillir Federer sur son sol ! Quelle meilleure manière de mettre fin à la disette qu'en s'offrant le "Maestro" chez nous ? L'excitation est à son comble ! Ajouté à cela l'épisode du Masters avec la blessure de Fed, la prise de tête avec Wawrinka vous obtenez une nation à bloc et qui y croit dur comme fer. Dans un stade Pierre Mauroy prêt à exploser, les joueurs font leur entrée sous un ambiance de Guerre des étoiles. Mais rapidement l'histoire va se répéter. A coups de bouttoir , Stan Wawrinka active le mode bison, ce même mode qu'il aime retrouver en Grand Chelem et bat un Tsonga bien timide... Rappelons que Jo disputait là sa toute première finale et espérait devenir enfin le leader victorieux qu'on avait toujous espéré. Alors quand Gaël Monfils prend sa revanche de l'US Open et surclasse complètement un Federer bien lent dans les déplacements, l'espoir renait. "Ca y'est Federer est bien blessé on va enfin pouvoir le faire" beaucoup ont dû se le dire un moment. Mais c'était bien mal connaitre le génie de Bâle. Arrivé au jour du double, pas de traces de Tsonga pourtant prévu jusqu'au matin. Lorsque l'on voit les larmes de ce dernier lors de la Marseillaise on se doute que le malaise est palpable. Le match 3 n'a toujours pas commencé qu'on sent que la rencontre est en train de basculer. Et lorsque l'on apercoit un Federer retrouvé il faut commencer à se faire une raison. Les médaillés d'or de Pékin s'adjugent le double et tournent à 2-1. Le vent a tourné. Richard Gasquet est envoyé à l'abatoir face à l'ancien numéro 1 mondial. Sur une dernière amortie gagnante , Federer tombe à genoux et met une nouvelle fois fin à l'épopée bleue. La France aura vu s'écrire devant ses yeux la ligne manquante au CV du plus grand joueur du monde et repart une nouvelle fois tête basse. La bande à Tsonga est au fond du trou bien consciente qu'en plus de cette nouvelle défaite il faudra bien affiner sa communication pour répondre aux questions assassines qui s'annoncent... C'est dans ce climat d'extrème tension entre l'équipe et son public que Arnaud Clément est tout de même reconduit aux rènes de l'équipe. . Après une campagne 2015 bien écourtée par les frères Murray sur leur propre gazon du Queen's, l'ancien héros du double de Belgrade est remercié. Le mal est trop profond il faut un changement.
Le père protecteur (2016 -)
Après toutes les polémiques passées il était temps de reprendre tout à zéro et de repartir sur des bases solides. Après que plusieurs noms aient circulés c'est celui de Yannick Noah qui fut retenu. Dès sa première conférence de presse le personnage certes controversé pour certains mais néanmoins charismatique met les bouchées doubles. Il est là pour gagner et ne tolérera aucun écart. La fameuse phrase "celui qui sort du cadre, il sort" raisonne encore aujourd'hui et annoçait bien que le nouveau capitaine voulait clairement être en rupture avec ses prédessesseurs. Le charisme de Noah s'imposait donc peut être comme une evidence restait donc à la montrer sur le terrain. Après que les deux premières rencontres face au Canada et la République Tchèque se furent bien passées il était temps de faire face au premier défi que présentait la Croatie. En effet, aucun top 40 n'avait encore été affronté et la présence de Marin Cilic arda s'annoncait comment le premier test pour les troupes de l'ancien vainqueur de Roland Garros. Ce week-end de septembre est passé et comme nous le savons désormais tous, ce fut à nouveau une désilusion. Alors quel bilan tirer ? Quels choix faire ? Changer de capitaine ? Le problème reste entier. Qui, à l'heure actuelle, semble meilleur que Noah sur la chaise ? A la fédération de trancher. La génération Tsonga que l'on a voulu élever au rang de nouveaux mousquetaires est-elle surcôtée ou n'a t-elle tout simplement pas le talent ou le niveau nécessaire pour défaire les tops players ? Les absents ont toujours tort mais la réalité est là. La France était privée de son élément le plus fort en 2016 à savoir Gaël Monfils. Alors quel bilan tirer ? Cette question sera à n'en pas douter l'objet de nombreuses discussions au sein de la fédération. Une chose est certaine, il faut faire vite avant que cette génération présentée comme dorée il y a encore quelques années ne devienne au niveau de la Coupe Davis une génération gâchée.