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Tennis. INTERVIEW - Carole Monnet : "Je veux me faire connaître du public en France "

Par Antoine GUILLOU le 06/11/2024 à 12:00. Mis à jour le 08/11/2024 à 19:29.
INTERVIEW
Photo : @TennisActu / @engieopennantesatlantique

Derrière la volonté de se lancer dans le monde professionnel, chaque joueuse possède sa propre histoire. Celle de Carole Monnet, aujourd'hui numéro 15 française, a débuté en Ukraine, avant une arrivée en France, dès sa deuxième année de vie. Le tennis a très vite débarqué dans son quotidien, et ne le quitte plus. Championne de France à 15 ans, elle est aujourd'hui 231e mondiale, avec un 'best ranking' bien plus haut (162e). Ses ambitions sont grandes, aux côtés de son coach de toujours, Hervé Romain. Tennis Actu, qui avait rencontré la jeune joueuse en 2017, a une nouvelle fois pu échanger avec la nouvelle recrue du Biarritz Olympique pour les Interclubs, à l'occasion de l'Engie Nantes Open.

Vidéo - Carole Monnet s'est confiée au micro de Tennis Actu à Nantes

 

"En Amérique du Sud, il y a le stress d'avoir payé les billets d'avion"

Bonjour Carole Monnet. Vous jouez de plus en plus en France en ce moment, ce qui n'était pas le cas avant. Est-ce une stratégie financière ou sportive ?

C'est un peu de ça. Cette année, j'ai connu beaucoup de décalages horaires, et j'ai décidé de me faire connaître du public français. Il y a aussi une question de surface. J'ai l'habitude d'aller en Amérique du Sud, mais cette année, je me suis dit : 'Pourquoi pas venir jouer en France ?' pour être sur dur. Je pense que mon jeu va très bien sur terre battue, mais aussi sur dur. L'aspect financier fait aussi que je joue en France. Rester en France évite de prendre des vols chaque semaine. Le vol pour repartir en Amérique du Sud coûte très cher. 

Je joue aussi en France pour pouvoir appliquer mon système de jeu. Par exemple, j'allais parfois en Amérique du Sud, et avec la fatigue, ça m'arrivait de faire des non-matchs. Être en France me permet d'appliquer correctement mon style et mes principes de jeu. Ça enlève un peu de pression. En Amérique du Sud, si je souhaite essayer des choses, il y a le stress d'avoir payé les billets d'avion, alors qu'en France, je ne suis pas loin de chez moi. Je peux passer plus de temps à m'entraîner pour mettre en place mon système de jeu.

 

"Sentir ce soutien français fait très plaisir, je n'ai pas trop l'habitude"

Est-ce important d'avoir le soutien du public lorsqu'on joue en France ?

Carrément. Je n'ai pas trop l'habitude. En Amérique du Sud, les gens commencent à bien me connaître car ça fait plusieurs années que j'y vais, mais sentir ce soutien français fait très plaisir. 

 

On a l'habitude de vous voir, notamment aux qualifications de Roland-Garros, mais pour ceux qui vous connaissent moins : pouvez-vous présenter votre style de jeu ?

Oui, je suis quelqu'un d'assez agressive, qui peut également très bien contrer. C'est bien de pouvoir trouver ce juste milieu dans un match, défendre lorsqu'il faut défendre, attaquer lorsque j'ai l'opportunité d'attaquer pour ensuite enchaîner vers l'avant. J'essaie d'être forte dès les deux premiers coups, donc le service et le retour pour me mettre dans l'avantage dès l'échange.

 

Avez-vous une préférence de surface entre la terre battue et le dur ?

Je vais voir en fonction de la tournée à venir et comment je peux jouer face à tous types de jeux. Je ne sais pas encore. J'ai gagné sur dur et sur terre battue. J'ai également gagné des matchs sur herbe. J'ai l'impression que je n'ai pas de préférence à fond dur ou terre battue. Je m'adapte. Après, il y a ce que j'aime et là où je suis bonne, ce sont deux choses différentes, mais j'aime bien le dur.

 

Le Mag Tennis Actu avec Carole Monnet... à Roland-Garros 2019

 

"Novak Djokovic... c'est celui qui m'a fait rêver"

D'où venez-vous en France ?

Je viens du Sud. J'ai été basée à Narbonne avec mon coach, mes parents sont de Toulouse, et désormais je suis plutôt dans les Cévennes, dans le Gard.

 

C'est calme là-bas...

Oui, c'est très calme. C'est ce contraste que j'aime, avec les tournois, les vols, les avions, ce stress, le bruit au restaurant... Couper complètement et venir se ressourcer dans les Cévennes avec les montagnes et ce magnifique paysage, c'est un contraste dont j'ai besoin. J'y vais plus pour me déconnecter que m'entraîner. 

 

Pour revenir sur votre parcours, vous êtes née en Ukraine, ce qui n'est pas banal, avant de grandir en France. Pouvez-vous nous expliquer ?

J'ai une histoire assez atypique. Je suis née en Ukraine. J'ai été adoptée par une magnifique famille française à l'âge de 2 ans. Je suis venue en France, au départ vers Marseille avant de me baser sur Toulouse. Avec mes deux frères, mes parents voulaient à tout prix que l'on fasse du sport. Au départ, je faisais de l'athlétisme, puis mes frères se sont blessés. Étant la petite dernière, je ne voulais pas courir toute seule. Mes parents ont accepté que j'arrête l'athlétisme, mais m'ont dit de choisir un autre sport. En voyant du tennis à la télévision, un peu par hasard, je me suis dit : 'Je vais essayer le tennis'. Il y avait Novak Djokovic qui jouait à l'époque. C'est celui qui m'a fait rêver, mon idole. J'aime son histoire. Avec la guerre dans son pays et cet esprit de résilience, il a combattu cela pour devenir numéro 1 mondial pendant toutes ces années, c'est incroyable. Je sais qu'il n'est pas aimé de tout le public, mais il y a des gens qui le soutiennent, dont moi.

 

"On m'a dit que j'avais un bon accent ukrainien"

Avez-vous gardé un lien avec l'Ukraine ?

Pendant la pandémie, mais aussi la guerre actuelle, j'ai gardé un lien pour savoir comment ils allaient. Il y a eu des bombardements, donc je voulais savoir comment était mon orphelinat et les personnes qui ont pris soin de moi. Ils sont partis en Pologne avec les enfants. 

 

Parlez-vous avec des joueuses ukrainiennes sur le circuit ?

Ça m'arrive, oui. Je suis très proche de Daria Snigur (158e mondiale). Quand on se voit, on s'entraîne ensemble et j'essaie de parler ukrainien. Je ne parle pas du tout couramment, je ne connais que quelques mots, mais on m'a dit que j'avais un bon accent !

 

Êtes-vous restée en France lors de votre formation ?

Non, je suis plutôt une globe-trotteuse. Grâce à l'agence dans laquelle je suis (EDGE Agency), il y a des bases partout dans le monde, notamment à Boca Raton (Etats-Unis). Ils sont très proches de Rick Macci (ex-coach de Andy Roddick, Jennifer Capriati, Maria Sharapova, Serena Williams et Venus Williams). J'ai pu bénéficier de ses conseils et de son académie pour m'entraîner. Je ne me suis pas beaucoup entraînée en France. Les conditions sont différentes à l'étranger, il fait très chaud, il y a énormément de courts, on sue, alors qu'en France, il y a des périodes, comme l'hiver, où on met la doudoune (rires).

 

"Hervé (Romain, son coach) connaît mes forces et mes faiblesses et on ira là-haut ensemble"

Est-ce important de se mettre dans des conditions extrêmes pour s'entraîner, en allant dans des pays chauds par exemple ?

C'est dur, mais j'aime bien. Il y avait aussi l'Inde, où il fait très humide. En France, on passe plus de temps à s'échauffer et se préparer avant de s'entraîner, alors que dans les autres pays, on est déjà bouillant. Il fait tellement chaud et humide que l'on transpire avant même de rentrer sur le court. Il faut savoir jouer dans le froid, le chaud, le vent, intérieur, extérieur, herbe, dur, terre battue... Le tennis, c'est de l'adaptation.

 

Depuis combien de temps travaillez-vous avec Hervé Romain ?

On a commencé à mes 12 ans, un peu par hasard. Je voulais que les entraînements soient plus difficiles, mettre plus d'intensité, que ce soit plus précis dans tous les schémas. Bon, j'avais 12 ans... J'ai regardé une vidéo sur YouTube, et suis tombée sur celle de Léa Romain, qui a été x fois championne de France. Elle m'a beaucoup inspiré. J'étais 15/3 à cette époque, et je voyais sa rigueur lors des entraînements. Quand j'ai vu ça, j'ai voulu faire un stage là-bas. Finalement, ça s'est passé. Au début, c'était une semaine, puis je suis venue plus souvent.

Le premier tournoi où il (Hervé Romain) est venu m'accompagner, c'était aux Petits As, pour ma dernière année. Je m'étais pré-qualifiée en faisant de grosses performances. C'est à partir de là que la carrère s'est lancée.

 

Est-ce important d'avoir un coach qui vous connaît par coeur ?

Pour moi, c'est important. J'ai complètement confiance en lui. J'ai essayé de changer de coach et d'avoir une approche différente, mais cela ne me convient pas. J'ai du mal à faire confiance aux gens, cela demande beaucoup de temps. Si on n'a pas confiance, c'est compliqué. Hervé connait mes forces et mes faiblesses et on ira là-haut ensemble. La stabilité est importante, et plutôt que de changer de coach, c'est bien d'avoir une plus grande équipe, avec un physio, un coach physique... peut-être à l'avenir.

 

"Je ne suis pas encore dans le Top 50..."

Pouvez-vous faire un premier bilan de cette saison 2024 ?

Non, la saison n'est pas encore terminée (rires). Je ne suis pas encore dans le top 50 ou 100. Les filles du top 100 ont arrêté leur saison, mais moi je suis au-delà de la 200e place, donc j'ai besoin de jouer. On verra à la fin de la saison. Je me concentre vraiment sur mon style de jeu, être très précise sur ce que j'ai à faire, et c'est le plus important.

 

Mentalement, comment allez-vous ?

Oui, c'est une routine à garder. S'entraîner tous les jours, jouer des matchs à une intensité élevée, ça peut être fatigant, mais on arrive à un niveau où ça demande tellement de précision qu'on ne s'embête pas.



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