Tennis. ITW - Alexis Klegou : "Développer le tennis au Bénin"
Par Clémence LACOUR le 21/05/2016 à 07:50
Vidéo - Tecnifibre et le Young Guns Contest
Le Béninois Alexis Klegou est un joueur de l'ombre : porté par sa amour du tennis et par une volonté de fer, il écume le monde malgré les blessures et le manque de moyens financiers afin de pouvoir vivre de sa passion. Toujours comme l'oiseau sur sa branche, il s'est posé à La Madone du Mas à Nîmes le temps d'une rencontre avec Tennis Actu. Le joueur du Team Tecnifibre, qui est déjà revenu pour nous sur son parcours et ses ambitions, a également évoqué sa vie sur le circuit professionnel et son désir de partager son goût du jeu, en coachant, plus tard, mais également en développant son sport dans son pays d'origine, le Bénin.
Vous êtes né à Dunkerque, mais vous jouez pour le Bénin, votre pays d'origine, en Coupe Davis notamment. Quelles sont vos relations avec cette nation ?
Quand je suis revenu des Etats-Unis, j'ai commencé à avoir des contacts avec le Bénin, le pays dont je suis originaire et que je représente aujourd'hui, puisque je fais partie de la Fédération béninoise de tennis. J'aide beaucoup, je fais le maximum pour aider le pays. J'avais déjà des contacts quand j'étais plus jeune mais ça ne s'était pas fait car le contexte ne s'y prêtait pas. Je n'avais pas encore pris la décision de prendre la nationalité et de représenter le Bénin. Ca s'est fait plus tard, à 20 ans. J'ai comméncé alors pour jouer pour le pays. Il y avait une plus grande stabilité au niveau de la fédération, ce qu'on peut appeler la Fédération car c'est tout petit. On ne peut pas comparer ça avec les fédérations européennes. Elle fonctionne avec beaucoup de bénévolat. Avoir un regard extérieur comme le mien, puisque je suis issu de la Fédération Française de tennis, avec un bagage technique, et général qui est beaucoup plus important que le bagage africain, et notamment béninois, qui est un pays très pauvre, sans grande ressource. C'est une pays même plus pauvre que certaines nations en Afrique, comme le Nigéria, qui a un cru de joueurs incroyable, ou au Sénégal, où il y a également plus de joueurs.
Combien y a-t-il d'adhérents dans le pays ? Comment cela se passe-t-il pour ce qui est des terrains ?
C'est bien le problème, c'est ce que l'on essaye de faire : créer des licences pour l'année prochaine, c'est le prochain objectif. Car quand tu n'as pas de licences, tu ne sais pas combien de perssonnes jouent, et sans adhésion, il n'est rien possible de développer. Pour ce qui est des terrains, tout dépend de l'Etat. Il y a des terrains privés, mais encore faut-il souvent qu'il y ait eu des terrains avant, et aussi l'envie d'en construire. Il faut donc une volonté de l'Etat. On a souvent du dur, il n'y a quasiment pas de terre battue en Afrique. Il y en a en Afrique Centrale, au Congo, sinon du dur. Il y a des vieux quicks mais aussi des terrains en résine. Il y a un bel hôtel, le Marina, qui a des terrains sympas. Nous, on a joué en Coupe Davis, on est montés dans le groupe II, dans le Groupe Europe. On a joué l'équipe de Chypre, et celle du Portugal : on a dû jouer à l'extérieur car nous n'avons pas été autorisés à recevoir, car il n'y avait pas de vestiaires homologués et ce genre de choses. C'est un projet important de pouvoir accueillir, si l'on accède au groupe II. Ca, ça va se décider en juillet : nous allons jouer à Madagascar. C'est une année où l'on peut monter.
Les autres joueurs de l'équipe de Coupe Davis ont-ils eu un parcours sembable au vôtre ?
Non non pas du tout, les autres frères sont des locaux, donc ça te limite. Au Bénin, on est encore au niveau où on n'a pas tous de l'équipement, on n'a pas tous des chaussures. Dès que je viens au pays, j'organise des tournées de matériel. Je parle beaucoup aux joueurs que je vois en tournoi. De temps en temps, ils me jettent des chaussures, des raquettes, je les récupère. J'essaie de donner beaucoup de matériel au pays. Le cordage, par exemple, ça manque énormément. Beaucoup de choses manquent énormément. Dès que le cordage est effrité, on n'ose plus taper, ni même lifter la balle, car si le cordage casse, on se retrouve souvent dans des situations compliquées, puisqu'on ne peut plus jouer.
Et comment cela sepasse-t-il pour ce qui est de la formation des enfants, et des encadrants ?
Alors, ici en Europe, les enfants ont du matériel adapté. Au pays, y'a pas ce problème, pas parce que les enfants ne sont pas attirés par le tennis, mais parce qu'ils commencent par être ramasseurs de balles. Il n'y a pas beaucoup de terrains, donc les gens qui jouent sur les terrains, ce sont des Séniors, ou les joueurs. Donc on essaye de faire du mini-tennis, il y a un engouement, il y a des gens qui donnent de leur temps, dans le bénévolat, et qui aident énormement. Mais c'est le Bénin ! Ca reste précaire si on compare ça proportionnellement à une Fédération comme la France. C'est fou de voir à quel point les jeunes regardent, regardent, regardent, les plus vieux, sans prendre de raquette. Quand ils prennent la raquette, c'est impressionnant de voir à quel point ils jouent bien au tennis, par mimétisme, par l'envie de jouer. Quand ils prennent la raquette, ils sont déjà plus vieux, et n'ont pas la question du matériel que les parents se posent ici. C'est important ici, de donner une bonne raquette, tu passes du mini tennis aux petites raquettes, aux raquettes juniors et adultes. On ne va pas parler de raquettes juniors au pays. Pour ce qui est des enseignants, ce sont des gens qui ont plus d'expérience, qui ont joué plus, qui obtiennent de petits diplômes et certifications au pays, qui leur permettent d'entraîner. Plus tu te débrouilles, plus tu peux te lancer dans le coaching. Moi, je fais des clinics là-bas, et je veux continuer. J'ai rarement été dans le Nord, car Cotonou est au Sud et que beaucoup de choses se passent à Cotonou, qui n'est pas la capitale officielle puis que la capitale c'est Porto-Novo, mais Cotonou est la capitale économique. Dans le Nord, c'est plus compliqué pour moi, car je vois d'abord ma famille, puisque j'ai une soeur là-bas, j'ai des neveux, des nièces. Moi, je suis souvent entre deux tournois, donc c'est compliqué de faire le voyage car 300 kilomètres là bas, c'est pas trpois heures de route. Dès que j'y vais, je fais la tournée du matériel, avec tout le matériel que les coachs et les joueurs d'ici qui ont une connexion avec l'Afrique m'ont donné. Ma mère n'en peut plus car je lui blinde la cave de raquettes et de chaussures. Mais c'est ce qu'il faut. Il faut tous qu'on s'y investisse, et je pense pouvoir aider aussi grâce à mes résultats.
Propos recueillis pour Tennis Actu par Clémence Lacour