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Tennis. ITW - Clément Chidekh : "Je me consacrerai à fond au circuit en 2023"

Par Alexandre HERCHEUX le 29/12/2021 à 17:26

ITW
Photo : @TennisActu/ClémentChidekh

Voilà sans doute la belle histoire de cet été dans l'Hexagone. Méconnu du grand public, et de nombreux observateurs, Clément Chidekh a été éblouissant de la fin du mois de juin jusqu'au début du mois de septembre. -15 au classement français et 1901e mondial début juillet, le joueur du Stade Toulousain a remporté le 25 000 dollars d’Ajaccio en sortant des qualifs. Le début d'un été de dingo car il a ensuite goûté à un quart de Challenger à Cassis avant de faire 2e tour à Rennes. Au passage, il s'est frotté à Lucas Pouille et Richard Gasquet. Intimidant mais particulièrement inspirant pour un joueur de 20 ans. De retour à Seattle où il s'entraîne avec Matt Anger, ancien 23e mondial, Clément a repris sa vie américaine avec le plein de confiance et un projet beaucoup plus clair dans son esprit. Pour Tennis Actu, le 543e mondial a accepté de revenir fin septembre sur ce fol été, ses magnifiques expériences, notamment les mots élogieux de Lucas Pouille envers lui, et aussi ses plans pour la suite. Mémorisez bien son nom car vous risquez d'en entendre parler dans les prochaines années. 

Vidéo - Le Mag Tennis Actu avec Clément Chidekh

 

"Si on m’avait dit ça au début de l’été, je n’y aurais pas cru"

Clément, avant cet été tu n’avais remporté qu’un match de tableau principal en tournoi pro et tu étais -15 en France en juin. Tu es 1901e mondial en juillet, inconnu du grand public et même des connaisseurs et tu remportes le 25 000 dollars d’Ajaccio. Ensuite, une demie et une finale en 25 000 dollars. Puis un quart au Challenger à Cassis avant de faire 2e tour à Rennes. Quel été !

Ouais, c’était incroyable. C’était surprenant pour moi aussi. J’étais -15, je jouais les tournois français, les Futures à côté de chez moi et je ne pensais pas avoir des résultats pareils. J’ai travaillé aux Etats-Unis avec l’objectif de la Corse en tête. Je ne pensais pas gagner et je me suis prouvé de matchs en matchs que je jouais bien. J’ai engrangé de la confiance et joué beaucoup de matchs. D’abord la Corse, la confirmation au Portugal et ensuite les premiers challengers. Si on m’avait dit ça au début de l’été, je n’y aurais pas cru.

 

Quels étaient les objectifs quand tu as repris le circuit cet été ?

De faire une bonne prog et de jouer le plus possible. Pas vraiment d’objectif de classement puisque je savais que je ne restais que l’été.

 

 

"J’adore les maths. Chaque match, je le vois comme un petit problème"

Si on ne te connaît pas, c’est parce que tu es à Seattle pour tes études. Raconte-nous un peu ton parcours et pourquoi avoir fait ce choix après ton BAC S ?

J’ai eu mon Bac avec un an d’avance et je voulais déjà aller aux Etats-Unis. Je me suis dit que c’était trop tôt car je ne connaissais pas la langue et je n’avais jamais été en autonomie. Je suis allé à l’INSA en structure de haut-niveau. J’ai organisé mon départ à l’Université de l’Illinois, où Kovacevic a joué (Aleksandar Kovacevic, 357e mondial). C’était une belle opportunité tennis et diplôme. A Toulouse, je me suis aperçu que j’avais du mal à m’organiser et le départ dans l’Illinois ne s’est pas fait. Le Covid m’a permis de m’entraîner et de poser les bases pour un départ aux US. Je suis parti à l’Université de Washington. Le lien est fait entre tennis et études. On me dit que je dois aller en maths à cette heure-là et ensuite au tennis. J’ai juste à me présenter et je préfère avoir moins de choses à gérer.

 

Te lancer en pro tout de suite, tu ne le sentais pas ?

Beaucoup m’ont dit après cet été qu’il fallait y aller. Je pense que le tennis est fait de hauts et de bas. Il se peut que dans deux mois, je joue moins bien donc je ne me voyais pas prendre une décision basée sur deux mois. Il me manque des armes pour être un bon joueur de tennis. Ici, je progresse et c’est parfait pour assurer mon équilibre de vie. Les progrès sont à faire ici et je ne veux pas changer une équipe qui gagne. C’est bien de revenir ici, se poser, sinon j’aurais dû trouver une structure d’entraînement et ça aurait été de la pression.

 

Je pensais plutôt avant cet été. Les études devaient se poursuivre sous la pression de tes parents ou toi tu voulais te couvrir ?

Ce n’est pas se couvrir. J’adore les maths. Ça m’aide à rencontrer d’autres personnes, ça structure ma journée. Ça m’aide sur le terrain. Chaque match, je le vois comme un petit problème. Mon père m’a poussé un peu. Moi, j’étais bien à l’INSA mais je ne m’entraînais pas comme un pro. Mon père m’a poussé à sortir de ma zone de confort et ça a été la bonne décision.

 

Sur le court, tu as une approche mathématique ?

L’approche un peu mathématique, pas vraiment non plus car le tennis n’est pas une science exacte. C’est un peu un problème : comment utiliser mes armes pour contrer les siennes ? Pointer ses points faibles mais aussi orienter vers mes points forts. Je vois ça comme un problème et ça m’aide.

 

 

"Le parcours d’Arthur m’aide beaucoup. Ça aide et ça inspire"

On voit plusieurs joueurs sur le circuit qui ont fait leurs études aux Etats-Unis. Le parcours d’Arthur Rinderknech t’a inspiré par exemple ?

Oui c’est clair. Voir des gens le faire et réussir, c’est positif. Le parcours d’Arthur m’aide beaucoup. Si je continue à bien bosser, j’ai ma chance de le faire. Ça aide et ça inspire. Je sais les directions à prendre un peu grâce à lui. Thomas Laurent m’a inspiré aussi, j’ai voulu prendre le même chemin que lui. Il m’a aidé à prendre les bonnes décisions.

 

Tu as échangé avec Arthur ?

Non, j’aimerais bien. Je suis un peu timide pour demander aux joueurs. On a un peu discuté mais pas trop des Etats-Unis. J’essaierai de le contacter quand je me lancerai.

 

A quoi ressemble ton quotidien aux USA ?

Ça dépend. Une journée type : je vais en cours tôt le matin, vers 8h, pour finir à 11h. Ensuite, je vais voir le kiné de 11h30 à 12h. Je mange un peu. Je fais une séance individuelle avec mon coach. Ensuite, de 14h à 16h30 on a une séance d’équipe. Puis une heure de physique. On rentre. L’année dernière, j’aimais bien regarder en vidéo mes entraînements. Voir les matchs à la télé et en se regardant soit même, c’est plus simple de corriger. J’aime bien aussi faire un fractionné maintenant quand je me lève.

 

Est-ce que l’adaptation a été compliquée ?

L’intégration a été difficile pour moi. Mentalement, j’étais dans le dur. A Toulouse, j’avais mes potes et mes repères. Ici, il pleut pas mal et il y avait la barrière de la langue. La culture n’est pas la même. Le meilleur moment de ma journée était sur le court. Au début, je ne jouais pas super bien, pas en pleine confiance, je me disais que si je ne jouais pas bien, qu’en plus il y avait des soucis pour faire transférer mes crédits de points à l’école… ça serait compliqué. Ensuite, au printemps on a commencé à sortir un peu, ça allait mieux. Maintenant, je me sens super bien. Aujourd’hui, j’avais même hâte de revenir. Les mecs de l’équipe me manquaient parce qu’on passe beaucoup de temps ensemble.

 

"J’ai beaucoup regardé Andy Murray. Je le croisais à Rennes mais j’étais ultra intimidé. Je regardais mes chaussures quand je le croisais"

Tu as dit que tu regardais beaucoup le tennis : as-tu des modèles ?

Oui forcément. J’ai beaucoup regardé Andy Murray. Gilles Simon, on me dit souvent que mon jeu ressemble au sien. Alex De Minaur aussi... J’adore regarder Cameron Norrie. Daniil Medvedev m’impressionne. Les contreurs avec pas mal de malice, ce sont les joueurs que j’aime.

 

Tu as pu croiser Andy Murray à Rennes ?

Oui oui… Je le croisais mais j’étais ultra intimidé. Je regardais mes chaussures quand je le croisais. Je me disais que j’allais être quasiment sparring (sourire). C’était super cool de le voir jouer.

 

 

"A la fin, Lucas Pouille m’a dit qu’il fallait que je continue et que je jouais bien"

Les victoires ont été belles pour toi cet été mais aussi les expériences. Qu’est-ce que ça t’a fait de jouer contre Lucas Pouille ou encore Richard Gasquet ?

Lucas, c’était mon premier quart en Challenger. Jouer Lucas Pouille, ça faisait bizarre au début. Quand je l’ai vu servir au premier jeu, je me suis dit que j’étais bien là-bas et bien sur le court. Je n’avais pas regardé le tableau et je ne savais pas que j’allais jouer Pouille. Je n’ai pas l’habitude de ce niveau. J’ai réussi à m’adapter un peu. C’était super pour la confiance. A la fin, il m’a dit qu’il fallait que je continue et que je jouais bien. Ça te donne envie de croire en toi. Quand j’ai joué Richard, c’était mon premier top 100, devant énormément de monde. Ma plus grande affluence, c’était en CNGT avant cela. Je n’arrivais pas à le déborder et j’ai pris un plaisir fou à jouer. J’avais des frissons sur le court. C’est beau de clôturer l’été comme ça.

 

As-tu pu vaincre ta timidité pour parler avec eux ?

Mon coach, qui m’accompagnait pour ces tournois, les connaît un peu. Il m’a introduit à ces gens-là. Je connais bien Ben Bonzi parce qu’on a joué ensemble au Stade Toulousain. De moi tout seul, je ne serais pas allé leur parler. Je les respecte et j’ai du mal à aller discuter.

 

Comment as-tu fait pour passer de « gosse » qui vit son rêve à joueur de tennis professionnel qui est à sa place ?

C’était surtout aborder les matchs comme à mon habitude. A force de discuter du jeu, on oublie qui est en face et ça m’a permis d’aborder ces matchs. Contre Richard, le public m’a tendu et en même temps fait plaisir. Ça, je ne pouvais pas le préparer.

 

 

 

"Quand je suis arrivé à Cassis, je ne me sentais pas à ma place. J’avais peur de me faire humilier"

Je crois que ton coach a dit que tu avais joué top 300 top 200, tu pensais avoir ça dans la raquette ?

Je n’aime pas trop parler de classement. L’été, je voulais juste faire des résultats en CNGT et passer un petit cap. Je ne pensais pas du tout vivre ça. Après la saison aux US, j’ai commencé à m’entraîner 6h par jour en bossant bien mes points faibles. Toute cette méthode de travail et avec la quantité, ça m’a permis de progresser mais je n’avais pas de match donc pas de repère. Je ne pensais pas pouvoir jouer ce niveau. Quand je suis arrivé à Cassis, je ne me sentais pas à ma place. J’avais peur de me faire humilier.

 

C’est ton coach qui a réussi à te détendre ?

Mon coach a essayé de me faire comprendre que la wild-card était méritée. Je savais que j’allais attaquer ce tournoi avec un peu de peur. Faire ces perfs et ce match contre Lucas, ça m’a donné beaucoup de confiance. Savoir que quelqu’un comme Lucas Pouille croît en ce que je fais, ça fait plaisir. Je n’ai pas trop confiance, c’est mon problème. Je me remets trop souvent en question. Moi de moi-même, je ne vais pas me mettre en confiance.

 

Comment se passe la relation avec ton coach en France quand tu es aux Etats-Unis ?

Je n’ai pas vraiment de coach en France. Là, c’est Christophe Camus qui m’a accompagné. J’ai senti que j’avais besoin de lui. Il fallait quelqu’un pour tenir les routines et s’entraîner physiquement. Il a un club. Il a pu se libérer mais je sais qu’il fera tout pour m’aider. Quand je suis aux USA, c’est le coach de l’Université qui m’aide, Matt Anger, ancien 23e mondial. Il connaît le tennis de très haut niveau. Il regarde tous mes matchs. Sur l’été, il a été très investi. C’est lui mon référent ici et en France parce qu’il garde un œil sur moi. Pascal Courtois et Christophe Camus gardent un œil sur moi mais plus lointain.

 

 

"Je pourrais me consacrer pleinement au circuit en juin 2023. Maintenant, je sais que je peux avoir le niveau"

Quel est le plan pour la suite ?

Je pense que je vais jouer des Challengers et tournois universitaires cet automne et l’année prochaine je pourrais jouer de juin à décembre, grimper au classement, entrer dans une structure d’entraînement pour mon après-cursus. Je retournerai aux USA de janvier à juin 2023 et ensuite je pourrais me consacrer pleinement au circuit. Maintenant, je sais que je peux avoir le niveau. Si je fais les choses correctement, je peux avoir une bourse de côté valable plus tard pour finir mes études. C’est une option aussi.

 

Tout est carré et les options sont calculées jusqu’en juin 2023 ?

Tout à fait. Savoir où je vais m’entraîner, préparer ça c’est important. S’il n’y a pas d’improvisation de bricolage, c’est mieux ?

 

Tu sais avec qui bosser à ton retour en France ?

Non, je dois encore y réfléchir. Je suis d’Arles donc forcément le travail de Lionel Zimbler est super intéressant. Sur le plan humain, ils ont une bonne équipe avec des joueurs sympas. Rester aussi avec Christophe Camus en tournoi et le physique aussi là-bas. J’ai un préparateur qui m’a mis en super forme avant Cassis et Rennes. C’est important de rester dans un cadre familier et de ne pas partir trop loin de chez soi.

 

 

 

"Être dans le top 100... Maintenant, j’y crois un peu plus. C’est plus un objectif qu’un rêve"

Est-ce que tu as des rêves ?

Mes rêves n’ont pas changé. Être dans le top 100 comme tous les joueurs. Je ne peux pas dire top 10 ou 20 car ils ont un truc en plus dans la raquette. Maintenant, j’y crois un peu plus. C'est plus un objectif qu’un rêve. La différence entre un projet et un rêve c’est la date. Je sais quand je vais commencer comment ça va se structurer.

 

Un tournoi te fait rêver plus qu’un autre ?

Beaucoup de tournois me font rêver. Roland-Garros forcément mais la terre n’est pas ma surface. Le Rolex-Paris Masters mais toutes les tournées ont l’air fun… Ils me font tous rêver.

 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la fin de l’année ?

Il y a des compétitions importantes aux USA. J’aimerais bien faire pour mon équipe et gagner une compétition nationale pour mon pays.



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