Tennis. Roland-Garros - Kuerten : "Nadal, toujours prêt à l'impossible"
Par Thibault KARMALY & Emmanuel POTIRON le 08/06/2017 à 12:04
On ne peut penser à Roland-Garros sans tout de suite voir l'image de Gustavo Kuerten, le triple lauréat Porte d'Auteuil et le coeur qu'il avait marqué dans la terre en 2001 pour clamer tout son amour au public parisien. De passage sur les Champs Élysées à l'occasion d'un événement promotionnel organisé par son sponsor, Lacoste, "Guga" a accordé une interview au journal belge Sudinfo.be. Il y a 20 ans que Paris avait succombé sous le charme de ce "surfeur de Florianopolis" venu de nulle part et grand vainqueur d’un Roland-Garros qui allait complètement lancer sa carrière. 20 ans plus tard, on le retrouve comme si on l’avait quitté, hier, loin des strass et des paillettes qui n’ont jamais collé à son image. Simplicité, cœur et passion : tout au long de cet entretien exclusif, le Brésilien est resté fidèle à son âme. Retrouvez cet entretien réalisé par notre confrère Yves Simon de Sudinfo.be retranscrit pour vous ci-dessous.
Vidéo - Roland-Garros 2015 - Kuerten : "Faire partie de l'histoire"
Guga, quelle est la première image qui vous revient en tête lorsque vous repensez à ce Roland-Garros 1997...
Je revois la célébration avec toute ma famille à mes côtés. Vous ne pouvez pas imaginer combien ma mère, mon frère aîné, qui est comme un mentor pour moi, et le reste de mes proches dont mon entraîneur ont été importants pour moi dans la conquête de ce titre. J’ai perdu mon père quand j’avais dix ans, mais il était aussi là, à mes côtés car c’était aussi un peu son rêve de réussir dans un sport de haut niveau. On s’est battu très fort en famille pour réussir cet exploit. Ils se sont occupés de tout pour me mettre dans les meilleures conditions. Finalement, c’est moi qui ai eu le plus facile, il me suffisait de jouer !
Quand avez-vous réalisé que vous étiez en train d’écrire l’histoire, votre histoire ?
Trois ans après, quand je suis revenu gagner ici ? Il faut vous rendre compte. En 1997, je n’avais même pas disputé ni un quart de finale, ni une demi-finale dans un grand tournoi. Gagner Roland-Garros que j’avais découvert et aimé de suite depuis mes 15 ans, c’était juste impossible, irréel. C’est plus qu’un rêve devenu réalité ! C’était magique… Une fois que j’ai battu le monstre qu’était Muster, au 3e tour, tout s’est enchaîné très vite pour moi. Court n°1, Lenglen puis Central : c’était fou pour moi. Et comme je vous l’ai dit, heureusement que ma famille était à mes côtés. Ils m’ont donné à la fois force et courage, mais permis aussi d’être complètement en paix avec moi-même. Je ne me rendais pas compte de tout ce que ça représentait de gagner un Grand Chelem, de remporter Roland-Garros à Paris. Je ne comprenais pas tout l’impact que ça allait avoir dans ma carrière. Heureusement d’ailleurs car je n’étais pas prêt pour ça !
Sur votre parcours, vous avez aussi battu un certain Filip Dewulf, en demi-finale...
Il sortait des qualifs mais avait déjà gagné un tournoi en 1995 (à Vienne). Il avait donc plus d’expérience que moi, mais pour tous les deux, c’était une situation folle avec une place en finale de Grand Chelem à aller décrocher ! Pour la première fois, on était un peu chacun les favoris. On partageait le même sentiment au moment de monter sur le Central. Je me souviens de son immense coup droit, une fois qu’il était dans le court, c’était point. En revers, il le jouait à deux mains de façon très rapprochée (il mime Dewulf !), il faisait moins de coup gagnant, mais il était solide sur ce coup. Et en plus, il retournait facilement mon service. Il avait un jeu plus à risque que moi et je crois que lorsqu’il y a de la tension, on commet plus de fautes. Je pense que sur l’ensemble de la rencontre, je suis parvenu à mieux gérer mon potentiel, même si je perds ma mise en jeu au moment de servir pour le match…
Tout ça remonte à 20 ans maintenant, ça vous semble loin ou c’est encore comme si c’était hier ?
Un peu des deux… J’ai presque eu une deuxième vie depuis, maintenant que j’ai 40 ans. Mais je peux vous dire que chaque moment, chaque détail, chaque émotion vibrent toujours de manière quotidienne en moi car on me parle chaque jour de ce Roland-Garros 1997 et ça ne me lasse jamais.
Quel est votre favori pour cette édition ?
Nadal ! Il est redevenu trop impressionnant cette année pour ne pas le citer comme favori. Et en une semaine, il a déjà montré l’énorme envie qui l’habitait. Il me fascine car il est encore revenu plus fort après toutes les blessures et vous savez que je sais ce que c’est de devoir surmonter une blessure. Gagner 10 Roland-Garros, c’est impensable, déjà 9, c’est énorme !
Un Kuerten et un Nadal (ils ont 10 ans d’écart et se sont plutôt succédé l’un à l’autre) qui s’affronteraient au mieux de leur forme, ça donnerait quoi ?
Déjà, ç’aurait été le plus gros défi de ma carrière et j’adorais ça. Il m’aurait poussé à mieux jouer encore. Je pense que j’aurais pu l’embêter sur un ou deux sets, mais sur la longueur d’un match à Roland-Garros, je n’aurais pas tenu. Car Rafa, il trace sa route vers la victoire quoi qu’il arrive. Mentalement, il est énorme. Il est toujours prêt à l’impossible et il va encore le prouver à Paris.
C’est vous qui allez remettre le trophée, dimanche ?
Non ! J’ai déjà eu cet honneur en 2007 avec Rafa, justement, et en 2015 lors de la victoire de Wawrinka, mais là, il y aura juste une cérémonie pour mes célébrer les 20 ans. Je ne connais pas le nom de celui qui remettra le trophée, je sais juste que ce n’est pas moi (grand sourire).