Tennis. ITW - Kyrian Jacquet : "JO 2024 : un but pour moi et mon grand-père"
Par Alexandre HERCHEUX le 30/03/2020 à 08:15
Depuis juin 2018, Tennis Actu le suit dans son apprentissage du haut-niveau. Kyrian Jacquet fait partie des beaux espoirs du tennis français. Ambitieux, déterminé, travailleur, le Lyonnais veut se donner les moyens d'atteindre l'un de ses grands objectifs : le top 10. Un beau challenge mais pour l'instant la route est encore longue et comme tout le monde, il doit subir les conséquences du COVID-19, notamment le report de Roland-Garros côté tennis mais surtout s'adapter au confinement dans sa vie de tous les jours.
Vidéo - Kyrian Jacquet : "Roland-Garros, le confinement, ma vie... "
Actuellement 528e mondial, Jacquet a conscience du travail à fournir pour arriver au sommet. Que ce soit avec la raquette, mais aussi dans la tête. Disqualifié à Grenoble en début d'année, le Lyonnais a payé très cher cet écart mais a surtout eu la maturité nécessaire pour apprendre de ses erreurs et se remettre en question. Le Coronavirus, son adaptation, Roland-Garros, son arrivée au CNE, ses objectifs et ses rêves... Kyrian n'a évité aucun sujet.
Comment ça va ? Le moral n’est pas trop atteint après les dernières annonces ?
Ça va plutôt bien. Pour moi ça ne change pas grand-chose pour l’instant, je me suis blessé à l’adducteur à Toulouse, je n'aurais pas pu jouer au tennis. Je devais être au CNE pour faire du physique et des soins mais je le vis plutôt bien parce que je suis en famille. Ça fait du bien d’être en famille et de se retrouver.
Comment as-tu été mis au courant de la décision de l’ITF ?
J’avais reçu un mail mais il fallait attendre confirmation et les coaches au CNE m’ont averti et confirmé. On a su que c’était 6 semaines d’arrêt pour l’ATP et l’ITF. Ensuite des mesures ont été prises par rapport au CNE. Au début, l’internat était fermé et le lendemain le CNE a annoncé que c’était fermé minimum deux semaines. Donc j’ai pris le train pour rentrer chez moi à Lyon. Si le CNE était resté ouvert je ne sais pas où j’aurais dormi.
Comment as-tu vécu ce report ensuite jusqu’au 7 juin ? Est-ce que tu as été surpris ou alors tu t’attendais à ça ?
J’ai été surpris un peu oui mais je m’attendais quand même à ce que la date soit repoussée. Je pense que ce sera repoussé si ça n’évolue pas mieux. C’est dur à encaisser parce que je n’ai qu’une envie, c’est de jouer, de faire des matches, même de m’entraîner. Après ça va me permettre de faire une bonne préparation physique et de me faire évoluer dans des secteurs où j’avais besoin de travailler.
Emilio Sanchez a posté un message pessimiste sur Twitter. Il ne voit pas de reprise du tennis en 2020 ? Tu trouves cela envisageable ?
Je ne pense pas que les conséquences seront aussi importantes… enfin je ne l’espère pas. J’espère pouvoir rejouer avant la fin de l’année. Déjà, là je vois à quel point c’est dur mentalement de ne pas jouer, alors toute une année ce serait vraiment horrible. Je pense qu’en juillet ça pourrait reprendre. Tout dépend aussi comment le virus évolue. On risque d’entrer dans une phase avec de plus en plus de morts comme en Italie maintenant. Après je ne pense pas que ça durera un an et je ne l’espère pas.
Est-ce que tes plans vont être bouleversés ?
Non pas forcement. Au final, je n’avais pas prévu grand-chose comme on était dans le flou. Il n’y avait pas de programme et pas non plus d’objectifs fixés avec mes coaches car on ne savait pas quand ça allait reprendre. On attendait surtout les nouvelles de l’ATP. Je crois que Macron va parler ce soir (lundi 23 mars). Il y a encore des débiles qui sortent dans la rue sans raison « valable ». Je pense que le confinement total est la meilleure solution.
Comment vois-tu le report de Roland-Garros ? Est-ce que tu comprends la décision prise par les organisateurs ?
Je la comprends parce qu’un Grand Chelem ne peut pas être annulé. Après je comprends certains joueurs mécontents car c’est juste après l’US Open. D’un point de vue extérieur je t’avoue que je m’en fous un peu parce que ça ne me change rien. Mais je comprends que certains soient mécontents.
Quel va être ton programme durant les prochaines semaines ?
J’ai appelé mon coach physique pour qu’il me donne un programme à faire tous les jours avec du physique et de soins aussi. J’ai un programme quotidien à respecter. Forcément, tennistiquement je ne peux rien faire. Ce sont surtout des programmes du haut du corps et le bas du corps on le laisse tranquille pour l’instant. Chez moi, je n’ai pas de salle, j’ai un TRX (exercice de résistance) donc c’est assez restreint. Je vais faire beaucoup d’abdos, de gainage, de pompes. Je vais surtout faire des gestes à blanc pour ne pas perdre les réflexes et un travail mental, de visualisation, pour ne pas perdre les schémas de jeu.
Et financièrement ? On imagine que ça dépend des cas mais est ce que cette pause va te mettre en difficulté ?
Oui et non. J’avais demandé wild-card à Lille et Saint-Brieuc, deux Challengers. Je ne sais pas si je les aurais eues mais imaginons que oui. Si j’avais joué, j’aurais eu des rentrées d’argent en fonction des résultats mais j’aurais juste payé les déplacements, je ne paie pas l’hôtel tu vois. Par contre, pour gagner en Future, il faut au moins aller en demies. Donc sans wild-card, en Future, j’aurais perdu plus d’argent. En Future, on perd plus d’argent qu’on en gagne. En ce moment, on n’a pas de revenus mais en même temps on ne perd pas d’argent. On va dire que c’est moins problématique pour moi parce que j’ai une structure d’entraînement avec le CNE et l’entraîneur est payé par la Fédération mais dans une structure privée c’est plus compliqué puisqu’il faut payer son entraîneur. Ce sont ceux qui ont le plus à perdre entre guillemets.
Pour ceux qui te découvrent encore, peux-tu nous dire qui est Kyrian Jacquet ? Comment le tennis est arrivé dans ta vie ?
J’ai 18 ans maintenant, 19 en mai. J’ai découvert le tennis grâce à mon père. Il en faisait à un niveau « assez bas », c’est lui qui m’a donné envie de jouer. J’ai dû choisir entre foot et tennis. Mes parents m’ont plus orienté vers le tennis car la mentalité du foot c’était pas trop ça (rires). Et là, depuis septembre je suis au CNE à paris. Je rentre chez moi une fois par mois. J’habitais à Lyon et maintenant je suis à l’internat du CNE donc c’est un changement mais j’ai pris cette décision parce que je pense que c’était le mieux pour moi et pour mon avenir. Les autres années, je ne me sentais pas prêt à de quitter le foyer familial. Là, je me sentais plus prêt à faire ce « sacrifice » pour ma carrière. Je ne bouge pas énormément, j’ai des grosses journées. Je suis très souvent au CNE donc il y a des règles et on n’a pas énormément de temps. Il y a pas mal de jeunes, et je suis avec Antoine (Ndlr : Antoine Cornut-Chauvinc, lui aussi Lyonnais et grand ami de Kyrian). On en a parlé ensemble et on s’est dit que si on y allait ensemble c’était le mieux pour nous deux. En sachant qu’Antoine était là-bas, j’avais encore plus envie d’y aller. Je savais que je ne serai pas seul.
Tu nous as dit que vous aviez peu de temps, quelles sont vos distractions durant ces courts moments ?
On joue à la play le soir. On joue à FIFA, NBA, on fait des paris. On a les fléchettes aussi. On fait du foot, brésiliennes etc. On essaie de trouver des jeux à faire tous ensemble. C’est plus vivant. On reste tous ensemble.
Côté court, tu as atteint deux finales chez les pros et signé un quart de finale en Challenger ? A 18 ans, est-ce que tu es dans tes temps de passage ?
J’étais mieux dans ma tête. J’ai respecté mes objectifs. J’ai fait ce qu’il fallait faire dans l’attitude dans le jeu. Il y a toujours des périodes de redescentes ou de moins bien, comme à Grenoble où ça ne s’est pas bien passé. Après chaque tournoi, c’est important de mettre les choses au clair. Il faut parler de ce qui est bien fait, de ce qu’il faut mettre en place. J’ai bien progressé dans l’aspect tennistique et mental depuis septembre. J’ai encore des progrès à faire dans la tête et c’est ce qu’on travaille avec mes entraîneurs. A Rennes, j’étais vraiment dans un état d’esprit différent d’un Future. C’était mon premier challenger, les conditions étaient incroyables. Les ambitions sont plus grandes. L’objectif c’était de faire les qualifs de Roland avec ou sans wild-card, sans maintenant ce sera compliqué (rires). Et l’objectif de fin d’année, c’est top 250, top 300. Il y a beaucoup de chemin à faire.
Une disqualification coûteuse
Est-ce que tu as le sentiment d’avoir appris ? Je pense notamment à l’incident à Grenoble récemment ?
A Grenoble, j’ai vrillé mentalement, je me suis mal comporté, j’ai mal parlé à un arbitre et j’ai été disqualifié. C’était amplement mérité. Ça m’a servi de leçon et je sais que ça ne se reproduira pas. La wild-card que j’avais à Pau a été supprimée. J’ai eu une lourde amende de 550€ et 250€ de prize money supprimé. 1 point ATP également retiré. Et j’ai dû partir en Grèce sans coach. Ça aurait été débile de ma part de ne pas reconnaître que c’était idiot. Ce que j’ai fait était vraiment pas bien. Les conséquences sont logiques.
Quels sont tes objectifs à long-terme ?
Moi, je vise le top 10 à long-terme. Je ne peux pas dire numéro 1 mondial. Top 10 ce serait un accomplissement incroyable. Si un jour, je suis top 10, bien sûr que je penserai à plus mais je ne suis personne pour dire que je veux être numéro 1 mondial. On ne se rend pas compte de ce qu’il faut faire pour être numéro 1. Entre le numéro 1 et le top 10, il y a déjà un monde d’écart.
Un rêve ? Un tournoi à remporter ? Les JO 2024 ?
On rêve tous de gagner un grand chelem. La plupart des Français vont dire Roland-Garros mais moi je préfère gagner Wimbledon. Le gazon, je n’ai jamais joué dessus mais ça fait vraiment rêver… Après les JO 2024, c’est un objectif. J’avoue que mon grand-père m’en parle tout le temps. Il m’a dit qu’il avait rêvé que je jouais aux JO 2024. C’est un objectif pour lui mais pour moi surtout. J’ai toujours été suivi par ma famille. La famille est à fond dans le projet et j’ai de la chance qu’ils soient hyper investis que ce soit du côté de ma tante, de mes parents, de mon grand-père. C’est vraiment un bon soutien moral.