Tennis. ITW - Timea Bacsinsky : "Je vais enfin pouvoir boire une bière"
Par Thibault KARMALY & Emmanuel POTIRON le 08/06/2017 à 19:33
Fière de son tournoi, bien que très déçue. C'est l'état d'esprit dans lequel s'est présentée Timea Bacsinszky, qui fête ses 28 ans ce jeudi, en salle de presse principale à l'issue de sa défaite en demi-finales de Roland-Garros. Malgré une belle résistance, la Suissesse a succombé à la fougue de Jelena Ostapenko (20 ans, également d'anniversaire ce jeudi 8 juin) en trois manches (7-6 (4), 3-6, 6-3). Retrouvez l'intégralité de ses déclarations ci-dessous.
Vidéo - Timea Bacsinsky : "Je vais enfin pouvoir boire une bière"
Bravo quand même, un super tournoi pour vous. Qu'est-ce que vous pensez de la dernière fois que vous avez joué ici constamment et si fort ? C'était il y a 2 ans. Qu'est-ce que cela vous donne maintenant pour le futur ?
Je pense que mon meilleur Roland de tous les temps, c'était cette année, largement. Je pense que niveau jeu, aussi niveau de physique, je suis une joueuse vraiment meilleure qu'il y a 2 ans. Je ne veux pas dire qu'il y a 2 ans c'était un hold-up, que j'étais en demie, que j'ai très bien joué mais c'était plutôt... Comment expliquer ? Je revenais, j'étais toute enthousiaste de plein de choses. C'était moins posé que maintenant et surtout c'était l'expérience de la première fois, d'aller aussi loin. Là, réellement c'était beaucoup plus constant sur plein d'aspects. Et puis ta question c'était… ? Qu'est-ce que cela me donne pour le futur ? Quand j'ai perdu il y a 2 ans, je me suis longtemps posé la question : « Est-ce que c'était une opportunité de toute une vie », etc. et ainsi de suite, et peut-être que j'ai réfléchi trop longtemps à cela et cela m'avait vraiment affectée cette demi-finale. Je n'essayais de prendre que le positif mais il y avait vraiment beaucoup de déceptions. Aujourd'hui aussi je suis déçue, mais je prends beaucoup plus de recul qu'il y a 2 ans.
Je n'aurais jamais pensé être de nouveau là, de nouveau en demie et comme quoi je vois que c'est possible et quand on travaille très professionnellement, que l'on donne, quel que soit le moment de l'année, de tout notre cœur dans le métier que j'ai, je pense qu'il y a de très belles choses qui peuvent arriver.
C'est la deuxième fois que j'étais ici. Pour le futur, je pense que cela va me donner une confiance de me dire : « C'est possible d'aller encore plus loin, de faire encore mieux, d'évoluer encore ». Je pense qu'à mon âge, je peux encore évoluer.
Je prends exemple énormément sur Stan et sur Roger évidemment. J'ai la chance qu'ils viennent du même pays que moi et c'est juste des exemples de fous furieux, d'être aussi bons à leurs âges. Stan, j'ai l'impression qu'il est largement meilleur qu'il y a 2 ans. Les Grands Chelems, il va encore en gagner et Roger on verra bientôt s'il va en gagner un dix-neuvième. Pour ma part, cela me montre que j'ai encore beaucoup d'années devant moi, j'ai énormément plaisir à faire le métier que je fais. On fera le bilan à la fin de ma carrière mais je crois que j'ai encore de belles histoires à écrire.
Vous dites que vous avez mieux joué qu'il y a 2 ans, cela veut dire que la déception est plus grande cette année ?
Non, en tout cas, là, après le match, pour l'instant, évidemment je suis déçue. Je suis une compétitrice, cela me fait royalement chier de ne pas être en finale. C'est dit ! Maintenant c'est trop tard.
Il y a 2 ans, les circonstances de ma perte de la demi-finale étaient différentes de celles d'aujourd'hui. Il y avait plein de choses qui étaient complètement différentes. Pour cette fois, j'ai laissé tout ce que j'avais sur le court. Ce n'est pas une honte de dire ou je ne suis pas triste de dire qu'elle a peut-être eu plus de réussite, plus de courage. Elle a juste gagné le match mais je trouve que voir le niveau que j'ai et que j'ai eu cette semaine, je cherchais une série, là elle est largement là la série.
En temps normal, c'est un tournoi gagné en 5 victoires. L'année est encore longue. Je ne pensais pas du tout faire un si bon Roland-Garros après avoir eu un début d'année difficile. En tout cas, je crois que je suis sur la bonne voie, quoi qu'il arrive. Pour Wimbledon, pour les tournois sur gazon, je pense qu'il y a de belles choses à faire. Je pense que mon jeu peut en déranger plus d'une et ce sera en tout cas un joli challenge pour moi de prendre quelques jours off et ensuite de me remettre de nouveau dedans, parce que j'adore cela.
Quel regard portez-vous sur la performance de votre adversaire, sur son jeune âge, sur ses coups assez incroyables, les lignes qu'elle a touchées aujourd'hui ? Quel regard portez-vous sur elle ?
Il y a beaucoup d'aspects qui font qu'elle joue aussi bien aujourd'hui, à mes yeux, que ce soit aussi son développement physique. Je pense - je l'ai expliqué en anglais - à mon avis, dans le passé, vu qu'elle n'était pas très, très athlétique, elle devait beaucoup jouer aussi sur la lecture de jeu. Elle a développé cela, parce qu'elle en avait besoin, sinon elle ne ramenait aucune balle dans le court et puis elle tentait surtout. Maintenant, elle s'est en plus largement améliorée physiquement, ce qui fait qu'avec le fait qu'elle lise bien le jeu et qu'en plus de cela elle anticipe bien et après que physiquement elle arrive à mieux tenir ses appuis, cela fait que ses balles sont beaucoup plus longues, beaucoup plus lourdes. Cette insouciance de la jeunesse, je suis trop vieille pour l'avoir. (Rires).
Il y a 2 ans, en 2015, j'avais l'impression d'être limite un bébé qui revenait à Roland, que c'était le hold-up. Maintenant, c'est différent mais bien sûr j'ai toujours un feu très fort qui m'anime, mais l'insouciance de la jeunesse c'est quelque chose de très particulier. Elle n'a pas froid aux yeux du tout.
Sa frappe est très lourde. C'est comme un beau bébé de, en suisse roman, 1 mètre nonante-sept, 1 mètre nonante-huit. C’est beaucoup plus logique d’ailleurs de dire comme cela. Je vais continuer la conférence comme cela, je ne vais pas faire l’effort de dire les quatre-vingts et autres. Elle a une frappe assez extraordinaire. J'ai énormément de plaisir de jouer avec elle en double. Elle était sur le croisé, elle ne devait pas jouer, elle mettait les 2 jambes, elle frappait fort. J'étais au filet et moi j'attendais que la balle vienne. Elle faisait « poc », « poc ». Sérieux, c'était assez cool. Elle me disait : « Tes amorties sont incroyables ». Et moi j'étais là : « Oui mais tes frappes ne sont pas mal non plus ».
Je pense qu'elle a énormément de potentiel, elle a aussi mieux réussi à canaliser ses émotions, parce que je l'ai vu jouer dans le passé, elle n'était pas aussi bien cadrée dans la tête, cela pouvait aller dans tous les sens. J'ai essayé de m'appuyer là-dessus aujourd'hui mais elle a été plus forte de ce côté-là.
Quand on est en face et que l'on reçoit des coups comme ceux-là, on est écœuré, énervé, dé-sécurisé ? C'est comment dans votre tête ?
J'envisage de me rajouter 10 centimètres pour pouvoir servir plus fort. Non ! Mon but était, quoi qu'il arrive, de continuer, de l'amener dans un match long, parce que le combat physique j'allais le tenir : moi, je cavale, que ce soit 1 heure, 2 heures, 3 heures, je le fais, très volontiers d'ailleurs. J'essayais de lui donner un maximum de balles différentes, plus de balles avec des effets différents, des hauteurs différentes durant les 3 sets. Le vent d'un côté évidemment cela n'aidait pas spécialement de ce côté-là. J'essayais de prendre mes chances, surtout d'un côté. Même quand elle était contre le vent, ses frappes étaient plus fortes. Elle me dérangeait plus que moi je ne pouvais la déranger. J'attendais chaque fois que la tempête passe, parce que je sais qu'il y avait des moments où même dans le deuxième set, elle mène 40-0, 3/3, 40-0, je reviens, je fais le break et après je finis par gagner le set. Comme par hasard, elle a un peu perdu le fil du match, parce que j'ai résisté. Même si ce n'était pas du tennis forcément brillant, ce que je faisais, je sais que je résistais et je la poussais à l'erreur et c'était mon but d'essayer de la pousser le plus possible à l'erreur et de la faire se déplacer le plus possible. Je n'ai pas assez réussi aujourd'hui.
Il y a beaucoup de joueurs français qui, quand Roland-Garros se termine, ne pensent qu'à une chose, c'est revenir à Roland-Garros l'an prochain, plus forts, mais vous, vous n'êtes pas française mais vu votre amour pour le tournoi et la ville, est-ce que c'est pareil pour vous ?
Oui, c'est pareil, c'est clair. C'est quelque chose que je remarque de plus en plus, c'est que j'aime tellement Roland que je me réjouis chaque année de Roland. C'est mon moteur pour énormément de choses et je me dis à chaque fois : « Je vais tout faire pour, je vais être toute l'année pour m'améliorer sur pas mal de plans pour être encore plus forte à Roland », mais en fait je pense qu'il y a un état d'esprit à changer de ce côté, c'est de continuer à me réjouir de tous les tournois de la même façon et pas que lorsque Roland s’arrête, bam ! C'est parti pour 365 jours d'attente et puis de travail, fixer quasiment ses attentes uniquement sur un tournoi. Je pense que de ce côté, je peux encore énormément évoluer. Revenir à cet enthousiasme de jouer chaque match, peu importe les circonstances, où c'est. Je ne dis pas que je ne l’ai absolument pas fait mais je pense que je vais le faire, parce que cela ne peut que m'aider pour le reste de ma carrière, ainsi que pour Roland l'année prochaine ou les années suivantes.
Vous allez quand même fêter votre anniversaire aujourd'hui (jeudi 8 juin), ce soir ?
Yes, je peux enfin boire de la bière ! (Rires). Non, quand même pas. C’est le coup de la pression. On l’a tous entendu. Bientôt cela va être du has been. Je ne sais pas, je pense que oui, je pense que c'était, quoi qu'il arrive, un super tournoi pour moi. Et il y a déjà une fête d’anniversaire qui est organisée pour quand on rentre, que je vais fêter avec mon copain qui lui est du 14 juin. Avec Andreas, on est tous les deux des Gémeaux, ils sont bizarres les Gémeaux, mais on est bien et du coup ce sera surtout la fête mais là, en tout cas je sais qu'il y a beaucoup de personnes qui sont venues de la Suisse ainsi que de la France, parce que mes nièces sont françaises, mon beau-frère est français et du coup je suis très, très contente que mes 2 petites puces aient pu être là aujourd'hui, demain elles ont l'école. Aujourd'hui, elles étaient là, je vais essayer de profiter de ce moment avec eux et puis je suis.... (en pleurs)
Je pense très fort à ma maman tout simplement. Par superstition elle ne voulait pas venir, parce qu’elle est venue il y a 2 ans et puis j'ai perdu et elle n'est pas venue, mais ce n'est pas grave. C'est seulement grâce à elle que je suis là. C'est aussi une belle fête à elle. J'aurais bien voulu être avec elle aujourd'hui.