Tennis. Le Mag - Eric Perussault : "Ma belle histoire avec Henri Leconte..."
Par Alexandre HERCHEUX le 01/05/2020 à 18:09
Eric Perussault a eu plusieurs vies. Si lors d'une récente interview pour Tennis Actu, il nous avait parlé de son rôle de directeur du tournoi féminin de Contrexéville, cette fois, c'est en tant qu'ancien coach d'Henri Leconte qu'il a accepté de répondre à nos questions et de revenir sur son aventure avec l'un des hommes les plus populaires du tennis français. Une association avec Leconte qui a vraiment marqué Eric et lui a permis de vivre une superbe aventure humaine durant près de 2 ans au début des années 80. Pour les plus jeunes, rappelons qu'Henri Leconte a atteint la finale de Roland-Garros en 1988, battu par Mats Wilander, remporté 9 titres en simple et atteint le 5e rang mondial en septembre 1986. Eric Perussault a donc participé à cette belle carrière d'Henri Leconte et nous a narré "sa belle histoire" avec l'une des figures du tennis tricolore.
Vidéo - Eric Perussault nous parle de ses années Leconte
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"Je suis devenu un ami, un copain, qui pouvait aussi bien être un entraineur "
On vous connaît avec l’étiquette de patron du tournoi de Contrexéville. Mais vous avez aussi été coach d’Henri Leconte pendant 2 ans. Racontez-nous un peu cette aventure ?
C’était dans les années 80. Je suis parti aux Etats-Unis pour me perfectionner dans les entraînements sur les conseils de Patrice Hagelauer. Donc je suis parti au camp d’entrainement d’Harry Hopman en Floride. D’abord pour m’entrainer moi-même et voir comment je pouvais les aider. Comme il y avait l’Orange Bowl tous les mois de décembre, l’Equipe de France venait. Cette année-là, il y avait Henri Leconte et Thierry Tulasne de mémoire. J’ai vu avec eux pour voir comment les aider etc et ensuite j’ai sympathisé avec Henri. Après on a continué de converser ensemble et comme il n’habitait pas très loin, en région parisienne, on a sympathisé. J’avais des stages de tennis qui marchaient très bien à Contrexéville, j’étais là-bas de mai à août et ensuite je ne me souviens plus vraiment comment mais je suis devenu un ami, un copain qui pouvait aussi bien être un entraineur vous voyez. Pour moi c’était difficile de me dégager de mes stages à Contrex et donc il m’a dit « dans ce cas je viens à Contrex ». Il s’entrainait là-bas et on faisait Contrex-Stuttgart, Contrex-Kitzbühel etc..
Que faisiez-vous avant Henri ? Quels étaient vos buts et plans de carrière ?
J’étais bon joueur de seconde série mais je n’avais ni le talent ni l’envie d’aller plus haut donc j’ai continué mes études. J’ai fait des études en marketing et communication puis je suis entré dans une agence de communication pendant longtemps. La période 80-85-86 c’est ma période tennis. A l’époque, la station de Contrexéville appartient à Perrier. Il cherchait quelqu’un pour des partenariats sportifs et c’était un moyen pour moi de rentrer dans le monde de l’entreprise.
Comment s’est passé votre première rencontre avec Henri Leconte aux Etats-Unis ?
Déjà à ce moment, c’était quelqu’un de très sympathique, toujours le mot pour rire, vraiment dans l’empathie. On a tout de suite accroché. Tout le monde voyait son bras fabuleux. Il fallait voir s’il pouvait concrétiser mais avec un tel talent on voyait qu’il serait parmi les meilleurs. Ce n’est pas facile de driver des gens qui ont du talent comme ça.
"Henri, c’est un peu un humoriste du tennis"
Pour ceux qui n’ont pas connu Henri Leconte comme joueur, dont moi d’ailleurs, nous avons plutôt l’image d’un clown dans le bon sens du terme, d’une bête de divertissement ? Mais comment était-il à l’époque ? Que ce soit à l’entraînement ou dans le privé ?
Voilà, il est comme ça. Il est très sympa et de l’extérieur il ne donne pas l’image de quelqu’un qui va travailler avec rigueur. D’ailleurs son principal adversaire, c’était Ivan Lendl à l’époque, qui est l’opposé d’un Leconte, sérieux, un peu taciturne etc... Et Leconte, on lui a toujours reproché ça, un côté jemenfoutiste, alors qu’il n’est pas comme ça en fait. C’est quelqu’un de très appliqué, très sérieux mais à un moment il a besoin de s’extérioriser. Il est comme ça, détendu, le cœur sur la main. Ce n’est pas un clown quand on le connaît. C’est sa manière de fonctionner. C’est un peu un humoriste du tennis. Dans le travail, il était rigoureux. Il s’entrainait avec Thierry Tulasne qui était très rigoureux et travailleur. Henri faisait ce qu’il voulait avec son bras mais il avait le défaut de ses qualités j’imagine. Dans un grand chelem, il jouait des matches fabuleux puis à un moment ça bloquait, mais il a eu une superbe carrière.
Quel rôle vous aviez ?
Le motiver, être le copain avec lui, réserver le court d’entrainement, les moments pour la presse etc… Un peu tout vous voyez. Après je ne pouvais plus continuer et c’est Patrice Dominguez qui m’a remplacé.
Pourquoi votre collaboration s’est arrêtée ?
A un moment donné, Henri voulait passer à autre chose et avait d’autres ambitions. Moi je n’avais peut-être pas les temps mais aussi les capacités pour l’aider à aller plus haut, il faut reconnaitre. Mais ça n’enlève rien à tous les beaux moments qu’on a pu passer ensemble.
"On est arrivés 10 minutes avant le début d'un match contre Connors"
Est-ce que vous voyez un équivalent à Henri aujourd’hui ? Un joueur qui lui ressemble que ce soit sur le court, et en dehors ?
Pour moi, le profil qui s’en approche c’est Gaël Monfils. Il a ce côté relaxé et détendu et tout le monde pense qu’il aurait pu avoir une toute autre carrière même s’il joue très très bien.
Si vous aviez une anecdote concernant Henri, une histoire ou un souvenir qui vous revient tout de suite en tête, ce serait quoi ?
Ce sont des souvenirs marrants plutôt. Une fois, on était à Londres et il jouait Jimmy Connors au premier tour. On y allait en voiture. Il me dit « je connais bien l’hôtel pour arriver au stade etc ». Manque de chance, il y a un accident sur la route et on est retardé. Là, il commence à paniquer et finalement on arrive 10 minutes avant le début du match. Il arrive à fond dans les vestiaires pour se changer etc…Connors était déjà en train de faire ses étirements dans le couloir. Finalement, Henri a perdu mais il avait fait un premier set de rêve. C’était Leconte, il sera toujours comme ça et c’est ce qui fait son charme. Il a ce côté proche des gens. Il a le cœur sur la main, il a vraiment ce côté humain que j’aime bien. Aujourd’hui c’est plus aseptisé. J’ai adoré les Nastase, les McEnroe, Leconte… Des joueurs qui jouaient super bien et qui avaient une valeur ajoutée à leur tennis : leur caractère.
Vous auriez aimé que ça dure plus longtemps ? Ou vous voyez ça comme une réussite et un beau chapitre de votre vie ?
Pour moi c’est un beau moment de ma vie. Être avec un joueur parmi les meilleurs, j’ai vécu une vie d’entraineur pro donc voilà. Jai toujours voulu avoir une capacité à faire autre chose que le tennis.
Vous êtes encore en contact ?
Oui oui ! Bien sûr de temps en temps. Henri il doit avoir 10 vies dans sa propre vie. Il fait tellement de choses…
Enfin, si vous aviez un message à lui faire passer ? Ou un bilan un peu de votre association ce serait lequel ?
Une belle histoire…