Tennis. Roland-Garros - Iga Swiatek, son secret : "J'ai profité un peu plus de la vie"
La domination d'Iga Swiatek sur terre battue a été sans partage cette saison. Ce samedi, la Polonaise a remporté sans trembler Roland-Garros 2024 en torpillant la pauvre Jasmine Paolini 6-2, 6-1 en 1h08. À 23 ans, Iga a décroché son cinquième titre du Grand Chelem, son quatrième Roland-Garros et surtout son troisième consécutif Porte d'Auteuil. La Polonaise a ainsi imité Serena Williams en devenant la première joueuse depuis l'Américaine en 2013 à réaliser le triplé Madrid-Rome-Roland. Seules Justine Henin et Monica Seles avaient su remporter Roland-Garros trois fois de suite auparavant. Détendue, souriante... mais pas pour autant trop bavarde en conférence de presse. "Non, on n'est pas en thérapie", a répondu Iga avec le sourire, interrogée sur ses côtés perfectionnistes dans la vie de tous les jours. La reine garde du mystère pour les journalistes et pour ses fans...
Vidéo - Iga Swiatek, gagnante de Roland-Garros 2024
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"Il y avait beaucoup de pression. Je suis heureuse d'avoir gagné le titre et d'avoir réussi à gérer tout cela"
Félicitation Iga. Troisième Roland-Garros d'affilée, quatrième au total. Parle-nous de cet accomplissement ?
Cela signifie beaucoup pour moi. Ce tournoi était surréaliste avec un début difficile au deuxième tour notamment et, ensuite, j'ai pu améliorer mon jeu après chaque match. Je suis fière de moi, parce que les attentes étaient très élevées de l'extérieur. Il y avait beaucoup de pression. Je suis heureuse d'avoir gagné le titre et d'avoir réussi à gérer tout cela et de remporter le titre.
As-tu l'impression qu'aujourd'hui tu as joué un match parfait ?
Quand je regarde l'ensemble du match et le fait que pendant la finale, il y a parfois beaucoup de pression, je pense que j'ai joué un très bon match. Bien sûr, je me suis fait breaker au départ, donc ce n'était pas un match parfait mais je pense que le niveau était très élevé et ce n'est pas un match aussi facile que le score le fait penser. Je pense que j'ai bien joué compte tenu de tout cela et de toute la pression.
Félicitations. Tu as la réputation de faire la course en tête, d’enchaîner les victoires, d’être loin devant. Cette année, tu es revenue de loin après le deuxième tour. Quelle satisfaction cela te donne-t-il de remporter ces matchs comme à Madrid avec Naomi ici ? Est-ce que cela te donne davantage confiance? Est-ce que c'est quelque chose pour ton évolution future ?
Bien sûr, cela me donne le sentiment que je dois toujours croire en moi, que je peux toujours trouver mon tennis, même si je suis dans une situation difficile et avec ce tennis, répondre et me rebeller et cela me donne de la confiance. J'essaie toujours de faire de mon mieux, quel que soit le score. Parfois cela va venir comme cela, parfois je vais perdre mais quand tu fais de ton mieux, c'est toujours la meilleure solution parce que comme ça, tu n'as pas de regret et tu peux transformer des tournois en quelque chose comme cela.
"Je me mets de la pression sur moi-même à cause de la pression de l'extérieur"
Quand on parle de cela, est-ce que tu te rappelles une version de toi-même qui aurait réagi différemment à ces moments tendus, que ce soit contre Naomi ou ces moments au deuxième set avec Coco, ou même aujourd'hui au début du match quand elle t'a breakée tout au début ? C'est elle qui a eu le premier break. Est-ce que cette version de toi-même aurait cru que tu allais atteindre ce que tu as atteint aujourd'hui ?
Peut-être pas parce que je n'ai pas une personne qui savait toujours que j'allais être au sommet du classement mondial et que j'allais remporter autant de tournois. Oui, je me rappelle de ce moment assez facilement mais cela n'a pas d'importance, parce que nous venons tous d'endroits différents et de situations différentes et j'ai beaucoup travaillé pour gérer les choses, pour pouvoir renverser les situations dans des moments de pression élevés.
Félicitations pour cette victoire. Il y a une photo d'il y a 5 ans à Rome où tu n'as pas pu entrer dans les qualifications du tournoi. Maintenant tu es ici, 5 ans plus tard avec 5 titres de Grand Chelem. Est-ce que tu peux nous parler de ce parcours de ne pas pouvoir rentrer dans les qualifications et maintenant d'avoir un trophée à côté de toi ?
C'est absolument incroyable. Dans le tennis, j'ai l'impression que ce parcours est équilibré pour tout le monde, il faut vraiment se battre pour lutter contre les moments où on ne peut pas rentrer dans un tournoi et que l'on est à un haut niveau ITF et après, on commence à jouer sur le circuit WTA. Mais cela a été rapide pour moi, la progression a été élevée, je n'ai jamais vraiment arrêté. Je suis bien sûr très fière de cela. C'est étrange, mais c'est aussi normal parce que j'avais 18 ans et... Voilà.
Félicitations. Tu as dit sur le court tout à l'heure que c'était une victoire très émouvante aujourd'hui. Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi c'était émouvant ? Quand tu parles de pression, est-ce que tu veux dire la pression que tu te mets sur toi-même ?
Quand je parle de pression, je me mets de la pression sur moi-même à cause de la pression de l'extérieur. Bien sûr, je suis perfectionniste, donc il y a toujours de la pression derrière moi, mais je pense que je gère très bien ma propre pression. C'est plutôt quand la pression de l'extérieur me frappe que c'est un peu plus difficile. Mais j'arrive à bien la gérer, en particulier pendant ce tournoi et ça a été une victoire émouvante, parce que j'ai senti beaucoup de stress hier et ce matin aussi. Je savais que si je me concentrais sur le tennis, je pouvais surmonter cette pression et, en fin de compte, tout s'est déroulé comme je l'espérais et je me sens très fière de moi.
Perfectionniste aussi dans la vie ? "On n'est pas en thérapie, désolée !"
Tu viens de te décrire comme une perfectionniste. Est-ce que tu veux dire seulement par rapport au tennis ou dans d'autres domaines de la vie et si c'est le cas, si c'est plus large que le tennis, parle-nous un petit peu de comment, d'exemples que tu pourrais nous donner ?
Quand je fais quoi que ce soit, je veux le faire à 100 %. Donc, quand tu es perfectionniste, tu l'es partout, mais oui, en fait, ça se résume à faire tout à 100 % et parfois ne pas juste lâcher prise. Mais je travaille sur cela, c'est un peu difficile parce que, bien sûr, cela t'aide à t'améliorer mais, parfois, cela peut être contreproductif et donc, c'est bien d'arriver à bien le gérer.
Est-ce que tu veux bien partager une ou deux choses de ce qui se passe en dehors du court où tu te sens un peu perfectionniste ?
Non, on n'est pas en thérapie, non, désolée.
Tu as partagé la scène avec Martina et Chris, 2 championnes et 2 rivales. Tu as gagné des finales contre 4 personnes différentes et tu n'as pas vraiment une rivale, parce que tu es tellement dominante. Est-ce que tu imagines un moment où tu auras quelqu'un qui va pouvoir te défier et jouer de grandes finales contre toi et comment tu vas gérer ça mentalement ?
Nous avons déjà de grandes joueuses que je rencontre régulièrement comme Aryna, Coco, Elena, ce n'est pas qu'on n'a pas de rivales mais bien sûr ce n'est pas aussi évident qu'entre Roger, Novak et Rafa, mais je ne sais pas. Parfois c'est le tirage, parfois c'est le fait qu'une joueuse joue bien ici et une autre joue mieux sur d'autres courts. Je peux imaginer mais je ne sais pas laquelle de ces joueuses ce sera, ou peut-être que ce sera quelqu'un d'autre.
Tu as beaucoup parlé de ta première victoire ici, qui était si inattendue, qui a tout changé et maintenant tu l'as fait 4 fois. Comment a été ton expérience et comment elle t'a aidée dans ces moments difficiles, par exemple le match contre Naomi et aussi le stress avant ce match ?
Bien sûr, l'expérience, c'est que je me suis sentie stressée, je savais que c'était très important et un match à haute pression, mais j'étais capable de le gérer et je peux l'utiliser quand j'ai d'autres situations comme celles-là. Ce n'est pas comme si c'était : c'est ma cinquième finale du Grand Chelem, je n'ai aucun stress. Généralement, cela ne fonctionne pas comme cela. Oui, l'expérience m'a aidée bien sûr. C'est plus facile de le faire quand on est un outsider, donc cela me donne des sentiments positifs, encore plus positifs d'avoir bien géré tout correctement.
The champion again, Iga Swiatek!#RolandGarros pic.twitter.com/eabrnq8DeA
— Roland-Garros (@rolandgarros) June 8, 2024
"J'ai pu profiter un peu plus de la vie. Donc, j'ai ressenti plus d'énergie sur les courts"
Un des défis pour tout champion de Roland-Garros, c'est le peu de temps entre Roland-Garros et Wimbledon. Est-ce que tu peux imaginer un moment où tu voudrais consacrer plus de temps à te préparer pour Wimbledon ? Est-ce que tu ressens cela maintenant ?
J'ai eu ces pensées pour faire une présaison sur gazon, mais les résultats de l'année dernière étaient assez bons. J'ai l'impression que chaque année, il est plus facile pour moi de m'adapter au gazon. Je pense que ce n'est pas nécessaire de faire cela. Je dois continuer le travail que je fais, bien sûr cela devient de plus en plus facile chaque année, en particulier avec mon coach qui, avec Radwanska, a eu de très bons résultats sur gazon, et qui sent bien le gazon. Oui, c'est un grand défi et si je perdais plus rapidement ici, je pourrais jouer 2 semaines de plus sur gazon et être une meilleure joueuse sur gazon, mais j'adore jouer sur terre battue. Si je devais choisir, je ne laisserais pas tomber cette surface.
C'était après son quatrième titre ici que Rafa a gagné son premier Wimbledon. Je me demande comment tu te sens par rapport à tes changements d'une année après l'autre. Tu as senti qu'il y avait une amélioration l'année dernière, tu te demandes si tu arrives à faire un équilibre entre aller loin ici et t’ajuster après ?
Je n'ai pas tellement d'années d'expérience dans cela. L'année dernière, j'ai pu m'adapter plus rapidement et aussi voir par rapport au plan pour cette année ; l'année dernière, c’était la première fois que j'ai pu jouer ce tournoi avant, vous savez, j’ai joué Bad Homburg. Je pense que jouer certains matchs avant Wimbledon sur gazon, c'est bien mais, d'un autre côté, j’ai joué pratiquement chaque match à Stuttgart, Madrid, Rome et ici. On doit donc s'occuper de ma forme physique. On va voir quels sont les plans, mais je pense que le plus grand progrès que je peux faire sur gazon maintenant, c'est d'utiliser mon service qui s'est amélioré, mais je ne m'attends pas à grand-chose parce que les balles sont différentes. Dans l'ensemble, le tennis est différent sur gazon. Je vais devoir travailler d'arrache-pied pour jouer de mieux en mieux.
Gagner Madrid, Rome, Roland-Garros avec tout le monde qui te dit : « tu ne peux pas perdre », je me demande si tu t’es prouvé quelque chose ou si tu as appris quelque chose par rapport à toi dans ton parcours ?
J'ai appris que je pouvais y arriver parce qu’au départ, il y a eu 8 semaines, quand je suis allée à la Fed Cup et que je ne suis pas rentrée chez moi pendant toutes ces semaines, je me suis dit : « quand je regarde mon agenda dans mon téléphone, cela a l'air totalement fou, comment je vais survivre à cela ? ». Mais je suis ici. Honnêtement, j'ai appris que si j'aime la vie en dehors du court, j'ai vraiment aimé être à Madrid, Rome et ici. Cela m'aide également à être fraîche sur le court. J'ai eu moins de situations difficiles par rapport à l'année dernière. J'ai pu profiter un peu plus de la vie. Donc, j'ai ressenti plus d'énergie sur les courts.