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Tennis. Roland-Garros - Planque: "Sans le projet Ferro, j'étais sur le départ"

Par Alexandre HERCHEUX le 05/10/2020 à 11:22

Roland-Garros
Photo : @Tennis Actu

Fiona Ferro n'est plus une inconnue. Après un début de carrière discret mais régulier, la Niçoise se fait connaître de tous grâce à son superbe parcours à Roland-Garros. Huitième de finaliste Porte d'Auteuil, la Tricolore doit en partie son succès à un homme, Emmanuel PlanqueFiona Ferro LA belle surprise de ce Roland-Garros qui joue son huitième de finale ce lundi contre l'Américaine Sofia Kenin qui a par ailleurs gagné son unique confrontation contre Fiona Ferro, en 2017 à Charleston

Vidéo - Emmanuel Planque, coach de Fiona Ferro

 

Retrouvez le Tableau Dames de Roland-Garros 2020 en cliquant ICI

 

"Est-ce que je suis surpris ? Non, je ne suis pas surpris"

L'ancien coach de Lucas Pouille est un sacré sorcier. Rigoureux et toujours très proche de ses poulains, Manu Planque réalise un travail remarquable avec Fiona Ferro. La confiance est peut-être l'une des clés, car le coach a toujours cru en sa joueuse. "Est-ce que je suis surpris ? Non, je ne suis pas surpris, parce que même avant la reprise des tournois fédéraux à Nice et à Cannes, sur la période où on s'est retrouvé, le 12 mai, le lendemain du déconfinement, on a eu une assez longue période, jusqu'au début du mois de juillet, pour travailler. On était dans le Sud, elle a joué énormément, et elle a joué uniquement avec des garçons. Finalement, au départ, elle ne gagnait pas contre les joueurs, les garçons négatifs, et puis finalement, les moins 2, au bout de quelques semaines, elle ne perdait plus contre les moins 2, puis elle ne perdait plus contre les moins 4, et puis elle faisait toujours jeu égale avec les moins 15. Là, je me dis : il y a une augmentation des savoir-faire, elle fait plus de choses. Son niveau de jeu semble avoir franchi un petit palier. Après, évidemment, le match mixte n'est pas le match féminin, notamment sur le plan émotionnel. Évidemment, c'est très différent, les duels entre les femmes. Il restait à régler cela.

Puis finalement, j'étais assez agréablement surpris sur la Côte d'Azur. Et cela, c'était aussi assez riche pour nous, qu'il y ait ces tournois-là, où on pouvait jouer pas mal de matchs, chaque semaine. C'étaient des matchs franco-français, mais malgré tout, c'était très intéressant. Finalement, elle les a très bien négociés, elle a développé des aptitudes sur le plan mental, match après match. J'ai eu le sentiment que des choses s'étaient enclenchées. Cela s'est vérifié après, à Palerme. Malheureusement, elle a eu cette douleur à la côte, qui nous a un tout petit peu embêtés. Elle a dû arrêter de jouer au tennis pendant 5 ou 6 semaines, puis on a eu un peu de temps pour préparer Roland-Garros. Mais non, je ne suis pas vraiment surpris, non."

 

Emmanuel Planque raconte sa rencontre avec Fiona 

Mais Emmanuel Planque n'était pas forcément destiné à travailler avec Fiona. C'est cette dernière qui a pris l'initiative de contacter Planque et de lui présenter son projet. "La façon dont cela s'est déroulé, c'était assez simple : elle a décidé d'arrêter de travailler avec son entraîneur précédent, mais moi, je ne le savais pas. Je n'avais pas du tout l'information. Une fois qu'elle a fait cela, et qu'elle a averti le DTN, le responsable du haut niveau, elle m'a passé un coup de téléphone pour me demander si j'étais d'accord pour boire un café avec elle. On est allés boire un café dans le 15e arrondissement. J'étais assez surpris parce qu'on ne s'était jamais adressé la parole. Elle m'a exposé un peu son plan, son projet. Elle m'a demandé de devenir son entraîneur. J'étais extrêmement surpris, parce qu'on ne peut pas dire que j'ai de sérieuses références sur le tennis féminin, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle était très claire, le projet semblait très cohérent. Je lui ai simplement demandé de pouvoir réfléchir. Très honnêtement, j'avais décidé d'arrêter avec Corentin Moutet après l'US Open 2019, et évidemment, les groupes à la DTN étaient déjà constitués, donc je n'avais pas de travail.

Pour être encore très honnête, j'étais, à ce moment-là, plutôt sur le départ parce que j'avais des possibilités dans le privé. J'étais à peu près persuadé de quitter la Fédération à ce moment-là, pas par plaisir, mais parce que le timing n'était pas bon, et que j'avais envie d'exercer mon métier, et que j'aime entraîner, et qu'il n'était pas question de ne pas pouvoir le faire. J'étais très surpris. Finalement, j'ai pris le temps de la réflexion. Elle est partie en Fed Cup, et les décideurs, une fois que j'ai donné mon accord, ont validé la possibilité. Je suis donc ravi", a-t-il dit. Et on peut le comprendre. Qui sait jusqu'où Manu Planque emmènera Fiona Ferro qui franchit les paliers à vitesse grand V...

 

Comment tu trouves ta joueuse ? Elle est très introvertie dans les émotions. (Inaudible)

Le problème, c’est que je n’ai pas vraiment entendu la question, c’est assez peu clair, assez peu audible.

 

J’ai le masque, je vais essayer de l’enlever.

Emmanuel, comment vous voyez l'émotion qui se passe chez Fiona ? Parce que nous, on a du mal à le ressentir. Elle est très introvertie dans ses émotions. C'est incroyable, ce qu'elle réalise sur ce Roland-Garros.

Non, j'ai l'impression qu'il y a deux choses. Il y a l'attitude et les émotions. Je crois qu'elle a vraiment fait des progrès très importants sur l'attitude. Elle a compris que c'était une part très, très importante de ce jeu. Elle régule un peu ses émotions. Elle ne les combat pas, elle cohabite avec. C'est le sentiment que j'ai. Elle les vit de façon assez positive. Dans un match de tennis, quand bien même elle a perdu le deuxième set, c'était un moment un peu compliqué, il y a eu un moment très compliqué aussi lors du match précédent contre Rybakina, l'idée, c'est de cohabiter avec cette frustration, avec cette peur parfois, avec ces émotions. Ce n'est pas forcément négatif. C'est tout simplement une partie de ce jeu. Cela fait partie de ce jeu. Dans l'expression de ses émotions, elle est plutôt claire, parce qu'elle a une très bonne attitude, en réalité.

 

Comment tu t’es jeté dans cette aventure, en sachant que tu venais du circuit ATP ? As-tu regardé le tennis féminin en vidéo, tu vas sur les matchs, tu espionnes tout, et est-ce que cela a changé ta façon de travailler, de passer des garçons aux filles ?

La façon dont cela s'est déroulé, c'était assez simple : elle a décidé d'arrêter de travailler avec son entraîneur précédent, mais moi, je ne le savais pas. Je n'avais pas du tout l'information. Une fois qu'elle a fait cela, et qu'elle a averti le DTN, le responsable du haut niveau, elle m'a passé un coup de téléphone pour me demander si j'étais d'accord pour boire un café avec elle. On est allés boire un café dans le 15e arrondissement. J'étais assez surpris parce qu'on ne s'était jamais adressé la parole. Elle m'a exposé un peu son plan, son projet. Elle m'a demandé de devenir son entraîneur. J'étais extrêmement surpris, parce qu'on ne peut pas dire que j'ai de sérieuses références sur le tennis féminin, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle était très claire, le projet semblait très cohérent. Je lui ai simplement demandé de pouvoir réfléchir. Très honnêtement, j'avais décidé d'arrêter avec Corentin Moutet après l'US Open 2019, et évidemment, les groupes à la DTN étaient déjà constitués, donc je n'avais pas de travail. Pour être encore très honnête, j'étais, à ce moment-là, plutôt sur le départ, parce que j'avais des possibilités dans le privé. J'étais à peu près persuadé de quitter la Fédération à ce moment-là, pas par plaisir, mais parce que le timing n'était pas bon, et que j'avais envie d'exercer mon métier, et que j'aime entraîner, et qu'il n'était pas question de ne pas pouvoir le faire. J'étais très surpris. Finalement, j'ai pris le temps de la réflexion. Elle est partie en Fed Cup, et les décideurs, une fois que j'ai donné mon accord, ont validé la possibilité. Je suis donc ravi.

Après, sur la deuxième partie de la question, est-ce que cela a changé ma façon de travailler ? Pas véritablement. Evidemment, il y a des particularités dans le jeu. On parle du tennis féminin, en fait, il y a une grande particularité. C'est que chez les filles, on joue tous les points, c'est-à-dire que les garçons sont capables, sur un jeu, d'avoir deux ou trois points gratuits avec le service, ce qui n'arrive pas chez les filles. C'est arrivé dans le passé avec Serena, quand elle était au top et qu'elle était capable de servir deux aces par jeu, ce qui est un peu moins le cas aujourd'hui. Tous les points sont disputés, à la différence des matchs de garçons où il y a des aces, des services qui ne sont quasiment pas retournables, ou alors à peine retournés, ce qui fait que le deuxième coup est un penalty. Chez les filles, d'une façon générale, tous les points sont disputés. Sur le plan émotionnel, c'est un tout petit peu plus violent, c'est-à-dire que vous êtes à la lutte sur chacun des points, et donc cela vous met sous pression. Donc émotionnellement, oui, c'est un tout petit peu plus complexe.

 

Bonsoir Emmanuel. Je voulais savoir, on rentre dans ces huitièmes de finale dans un autre monde, la deuxième semaine dans un tournoi du Grand Chelem. Fiona nous disait qu'elle ne se fixe pas de limite. Est-ce que vous vous dites qu'il y a peut-être un super coup à jouer sur ce Roland-Garros si particulier ?

Je vais répondre à votre question par une question : pourquoi pas ? Pourquoi elle ne pourrait pas gagner le prochain match ? Pourquoi ? Je ne sais pas. Si vous avez, vous, une réponse, je veux bien, mais en tout cas, je me dis qu’on va le préparer très sereinement, sans s'emballer. Comme vous l'avez dit, cela ne reste que des huitièmes de finale. Ce n'est pas une finale de Grand Chelem ou une demi-finale de Grand Chelem, on en est encore loin. Modestement, humblement, on va essayer de se préparer avec beaucoup d'ambition, évidemment, sans pour autant manquer d'humilité et de respect à qui que ce soit, on va continuer à être ambitieux.

 

Bonjour Emmanuel. Fiona a la réputation d'être une grande travailleuse. Avez-vous été témoin de son investissement et de son travail, depuis le début de votre collaboration ?

Oui. Par rapport à la façon dont elle m'a présenté son projet, lorsqu'on s'est rencontré pour la première fois, et la façon dont elle se comporte, il y a une vraie cohérence. On s'est rencontré, elle m'a dit qu'elle était ambitieuse, qu'elle avait besoin de quelqu'un comme moi pour franchir un palier supplémentaire. Après, cela ne reste toujours que des mots. Après, il va se passer quand même des choses sur le court, à l'entraînement, et puis, j'ai envie de dire quotidiennement. Elle est extrêmement, extrêmement déterminée. Elle travaille beaucoup. Elle est là-dedans. Elle a envie de progresser. Elle sait que rien n'est impossible sur le plan des progrès, mais que cela passe naturellement et nécessairement par du travail. Elle prend plaisir à beaucoup travailler, elle s'investit beaucoup, elle est très curieuse. On ne s'interdit rien sur le plan technique. On a envie, chaque jour, d'enrichir son bagage. Je suis assez content de la voir jouer des amortis, des coups touchés, des « chips », des volées. Il y a encore plein de chantiers, bien entendu, mais elle est extrêmement travailleuse, et il y a une forme de cohérence entre ce qu'elle produit à l'entraînement, et le discours qu'elle m'a tenu lorsqu'on s'est rencontré.

 

Salut Manu. Tu connaissais évidemment le circuit masculin par cœur, tu avais évidemment des références, tu connaissais tout le monde. Comment tu t’es fait à la vie sur le circuit féminin, et est-ce que cela a été un peu un saut dans l'inconnu pour préparer les matchs, les adversaires, ou tu es resté le plus souvent focus sur Fiona ?

Finalement, la vie sur le circuit, que le circuit soit masculin ou féminin, il n'y a pas une énorme différence. La grande question, c'est de savoir pourquoi vous voyagez. Par le passé, j'ai eu parfois un peu le problème, c'est que cela perdait un peu de sens. Être sur le circuit, cela ne veut pas dire grand-chose. Ce qui m'intéresse, c'est l'aventure humaine. C'est un peu cette espèce de pacte que l'on fait quand on décide de travailler avec un joueur ou avec une joueuse, c'est-à-dire qu'à un moment donné, on dit « OK », et là, chacun des protagonistes a une vraie responsabilité. Sur le plan de l’itinérance, cela ne change rien. Évidemment, entraîneur sur les circuits, c'est un métier itinérant, mais quotidiennement, il y a un vrai sens, c'est le progrès, c'est la volonté de travailler dur pour aller chercher des victoires, pour développer des choses sur le plan du jeu.

L'autre point, je pense que c'est très important à mon sens, c'est qu'il y a eu pas mal de journaux qui ont parlé des rapports bizarres qu'il y avait entre les entraîneurs, les athlètes, etc. Et finalement, la chose dont je suis le plus fier, c'est cette espèce de rapport basé sur le respect, la confiance que l'on a, au-delà même des résultats. Il y a beaucoup de respect, beaucoup de confiance. Les choses sont au bon endroit, et je trouve cela très, très riche. Je pense que c'est un bon signal à envoyer aux parents en disant : oui, quand vous envoyez vos gamins ou vos gamines dans un club de sport, ils peuvent faire aussi de superbes rencontres, et il y a de supers éducateurs qui vont permettre aux jeunes garçons, aux jeunes filles, de vivre des moments géniaux, dans une forme d'équilibre affectif riche. En réalité, elle m'apprend autant de choses que je lui en apprends, je ne sais même pas si je lui en apprends, finalement. En tout cas, c'est un échange très riche. C'est assez nouveau pour moi, cette espèce de relation affective avec une fille, cette relation professionnelle. Je trouve cela vraiment très intéressant. Pour moi, c'est très différent des quêtes des garçons. Les filles sont en quête de progrès, de dépassement. J'ai le sentiment qu'elles mettent beaucoup d'elles-mêmes dans le travail, et je trouve que c'est très touchant. J'ai une vraie responsabilité. Je suis assez content de cette relation.

 

Question un peu cash, mais est-ce que tu en avais un peu marre, aussi, du circuit masculin, avec toutes les dérives dont tu viens de parler ?

Non. Non, je n'en avais pas marre. J'ai eu une chance inouïe, c'est de vivre des aventures formidables, que ce soit avec Mika Llodra, que ce soit avec Guillaume Rufin, ou Lucas Pouille pendant 7 ans, ou les 9 mois avec Corentin Moutet. C'était aussi super riche. Après, il est particulier, je crois être aussi un peu particulier, j'ai mes exigences. Je ne crois pas que ce soit finalement très facile de travailler avec moi. Je ne suis pas le plus facile, j'en suis conscient, mais malgré tout, je suis prêt à quitter ma famille 10 mois ou 11 mois par an, je n'ai pas de problème avec cela, mais j'ai besoin de sens. J'ai besoin de savoir pourquoi je le fais, et si je le fais par intermittence, si la somme de travail n’est plus cohérente par rapport aux exigences que l'on a, les uns et les autres, là je m'en vais. S'il y a un petit décalage, je m'en vais.

Donc non, je n'en ai pas marre. Je suis assez content de pouvoir vivre une expérience comme cela, avec une fille. Mais finalement, que ce soit une fille, cela ne change pas fondamentalement les choses. Je crois que ce qui est touchant, encore une fois, c'est cette relation basée sur le respect et la confiance, et le fait que tous les deux, on soit responsable de quelque chose, c'est-à-dire qu'elle attend des choses de moi, et j'attends des choses d'elle. Pour le coup, je ne suis vraiment pas déçu.

 

Bonsoir Emmanuel. Vous avez bien raconté à quel point Fiona était une travailleuse, d’exigence et d’envie de travailler. Est-ce que vous n'êtes pas un peu étonné ou surpris, quand même, de voir à quel point les résultats arrivent assez rapidement, et surtout depuis la reprise, elle n'a pas perdu ?

Est-ce que je suis surpris ? Non, je ne suis pas surpris, parce que même avant la reprise des tournois fédéraux à Nice et à Cannes, sur la période où on s'est retrouvé, le 12 mai, le lendemain du déconfinement, on a eu une assez longue période, jusqu'au début du mois de juillet, pour travailler. On était dans le Sud, elle a joué énormément, et elle a joué uniquement avec des garçons. Finalement, au départ, elle ne gagnait pas contre les joueurs, les garçons négatifs, et puis finalement, les moins 2, au bout de quelques semaines, elle ne perdait plus contre les moins 2, puis elle ne perdait plus contre les moins 4, et puis elle faisait toujours jeu égale avec les moins 15. Là, je me dis : il y a une augmentation des savoir-faire, elle fait plus de choses. Son niveau de jeu semble avoir franchi un petit palier. Après, évidemment, le match mixte n'est pas le match féminin, notamment sur le plan émotionnel. Évidemment, c'est très différent, les duels entre les femmes. Il restait à régler cela. Puis finalement, j'étais assez agréablement surpris sur la Côte d'Azur. Et cela, c'était aussi assez riche pour nous, qu'il y ait ces tournois-là, où on pouvait jouer pas mal de matchs, chaque semaine. C'étaient des matchs franco-français, mais malgré tout, c'était très intéressant. Finalement, elle les a très bien négociés, elle a développé des aptitudes sur le plan mental, match après match. J'ai eu le sentiment que des choses s'étaient enclenchées. Cela s'est vérifié après, à Palerme. Malheureusement, elle a eu cette douleur à la côte, qui nous a un tout petit peu embêtés. Elle a dû arrêter de jouer au tennis pendant 5 ou 6 semaines, puis on a eu un peu de temps pour préparer Roland-Garros. Mais non, je ne suis pas vraiment surpris, non. Merci beaucoup.



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