Tennis. Sport - Yoann Offredo : "Ne jetez pas Alizé Cornet en pâture"
Par François BONNEFOY le 26/01/2018 à 10:21
Alizé Cornet actuellement visée par une procédure disciplinaire de la Fédération internationale de tennis pour infraction aux règles régissant la lutte antidopage. En effet, la Française ne s’est pas présentée à trois reprises lors de contrôles inopinés, ce que l'on appelle dans le jargon de la lutte antidopage des no show. Qu'en sera-t-il de la décision de la Fédération Française de Tennis concernant Alizé Cornet ? Va-t-elle être suspendue de toutes compétitions à titre conservatoire jusqu'à son audience en mars ? En 2012, le coureur cycliste Yoann Offredo avait connu pareille mésaventure et avait été suspendu un an par la Fédération Française de Cyclisme. Il est revenu pour CyclismActu sur cet épisode et sur l'affaire Cornet.
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Yoann, vous aviez aussi connu trois no show en 2012, que s'était-il passé à l'époque ?
En ce qui me concerne, c'était deux retards de soumission et un no show où j'étais présent sur une course en Belgique, et mon équipe était censée modifier ma localisation mais ne l'avait pas fait. Ce n'était donc pas exactement pareil que l'affaire d'Alizé Cornet. Surtout, c'était il y a six ans maintenant, donc c'était différent, car le logiciel ADAMS a bien évolué depuis. À l'époque c'était les prémices de ce système de géolocalisation, qui était encore perfectible et qui a grandement évolué depuis, même s'il n'est toujours pas parfait.
Que pensez-vous de l'affaire Alizé Cornet ?
Je ne connais pas l'affaire dans les détails. Cela dit, il y a souvent l'amalgame qui est fait entre dopage et géolocalisation. C'est un outil de régulation qui doit permettre aux agences de lutte antidopage de pouvoir contrôler les coureurs de manière inopinée afin de limiter le dopage. Pendant longtemps, on a permis à des athlètes de faire ce qu'ils voulaient, et maintenant avec le logiciel ADAMS on se doit de dire où on est tout le temps. Cela dit, un athlète, même s'il n'a pas du tout l'intention de tricher et qu'il est entièrement de bonne foi, peut ne pas penser à changer sa géolocalisation. Et cela peut parfois amener à trois retards de soumission ou trois défauts de géolocalisation qui entraînent une procédure disciplinaire.
Ce système de géolocalisation semble parfois extrème. Comment arrivez-vous à vivre avec au quotidien ?
Le système est perfectible, mais pour mon sport, il était nécessaire parce qu'il y a eu beaucoup d'abus pendant des années. il y a eu beaucoup de triche, de perversion, et il a fallu laver plus blanc que blanc. Les coureurs n'ont jamais dit que ce système n'était pas normal. Il est normal pourquoi ? Certes, c'est une privation des Droits de l'Homme, aucune personne au monde ne doit indiquer où elle est tout le temps, sauf les justiciables, quelqu'un de placé sous contrôle judiciaire. Même les fichés S, des personnes susceptibles de commettre des attentats terroristes, on ne sait pas où ils sont tout le temps. Un athlète professionnel, on doit savoir où il est tout le temps. Maintenant cela fait partie des règles du jeu, et les athlètes doivent accepter ces règles. Les coureurs cyclistes ont accepté beaucoup de choses parfois inacceptables, mais il faut que les règles du jeu soient les mêmes dans tous les sports.
Justement, on a souvent l'impression que le cyclisme est traité beaucoup plus durement que les autres sports...
À l'heure qu'il est, il y a forcément une différence de traitement. Le syndicat des joueurs de tennis a peut-être été plus fort, il n'a pas laissé faire certaines choses, à tort ou à raison. Ce serait arrivé dans le cyclisme, on ne laisse pas de place au doute, le coureur serait immédiatement suspendu. Maintenant, Alizé Cornet, même si je ne connais pas son cas en détails, reste une athlète de haut niveau qui doit se soumettre à des contraintes de géolocalisation. Peu importe la raison de ces trois no-show, il y a une commission de discipline qui va statuer, mais ça ne fait pas non plus d'elle une tricheuse.
Vous seriez surpris qu'elle ne soit pas suspendue ?
Je ne serai plus surpris de rien. Chaque cas est différent, l'histoire de chaque sport est différente, mais personnellement je suis très fier d'être dans un sport où il y a des règles auxquelles tout le monde doit se contraindre, et que l'on soit de bonne foi, de mauvaise foi ou que ce soit simplement une erreur administrative, on plie le genou et si ça peut faire avancer la lutte contre le dopage, alors c'est une bonne chose. Maintenant, chaque cas doit être individualisé parce qu'il est trop facile de taper sur la tête d'un coureur ou d'un athlète en disant qu'il est dopé juste parce qu'il a soumis en retard sa géolocalisation. Il faut vraiment faire la part des choses. Il ne faut pas jeter Alizé Cornet en pâture, elle seule connait la réalité. Il faut faire confiance aux instances dirigeantes, du tennis, du cyclisme, peu importe, et accepter la décision qui va être prise quelle qu'elle soit.