Tennis. ATP/WTA - La Grèce, cette énigme du tennis mondial !
Par Dimitri MARTIN le 23/09/2015 à 17:45
Vidéo - Marcos Baghdatis casseur de raquettes - Australian Open 2012
L'actualité européenne pousse à avoir un œil attentif sur la Grèce. L'avenir de la péninsule hellénique donne lieu à de nombreux débats sur le plan international. Quel est le rapport avec le tennis me direz-vous ? Les problèmes systémiques au plus haut niveau gouvernemental posent question en Grèce. Pour ce qui est de l'aspect sportif cette fois-ci là, le pays de naissance des jeux olympiques peut en dépit des difficultés actuelles se targuer d'aligner parmi les meilleures équipes en basket-ball, volley-ball, voire de football (champion d'Europe 2004). Pourtant un sport en particulier reflète le mal grec à l'heure actuel, le tennis. La non présence de joueurs Grecs dans les meilleurs mondiaux aussi bien chez les femmes que chez les hommes est entourée de mystère. Il est donc légitime de se demander quelle est la place du tennis dans un pays où la tradition sportive est très importante.
L'évolution tennistique en Grèce
Tout était pourtant bien parti pour le monde de la petite balle jaune (d'ailleurs blanche à l'époque) en Grèce et plus précisément dans la capitale hellène, Athènes lors de l'organisation des premiers jeux olympiques modernes. A l'initiative du Français Pierre de Coubertin, les jeux olympiques modernes sont créés, et la première édition ne pouvait se tenir ailleurs qu'ici, la Grèce perpétuant en tant qu'héritière, les olympiades.
Décidé en 1895, l'événement doit se dérouler l'année suivante en 1896. A cette occasion Athènes construit un des tous premiers clubs de tennis au monde, destiné à accueillir les athlètes d'alors. L'Athens Lawn Tennis Club (ATCL) sur pieds, il voyait le Britannique John Pius Boland triompher pour la première compétition organisée en son sein. Un siècle plus tard la Grèce est toujours présente sur la scène internationale sur le plan tennistique, avec un tournoi ATP sur terre battue toujours à Athènes se déroulant jusqu'en 1994. Sergi Bruguera, actuel coach de Richard Gasquet enlevait d'ailleurs cette épreuve en 1991.
Malgré ça, le tennis était en perdition, depuis 1994, il connaît son inflexion la plus forte, et ce sport est tombé presque en désuétude. De nos jours (en 2015) si l'on fait le point, il est difficile de trouver trace d'un représentant du tennis grec au très haut niveau. Chez les Hommes il faut aller dans les profondeurs du classement pour trouver à la 605e place mondiale Alexandros Jakupovic (dans les 300 au top de sa carrière en 2008) pour trouver le numéro 1 grecque. Pour les Femmes, c'est à peine plus réjouissant avec comme meilleur classement un 210e rang pour la jeune Maria Sakkari (20 ans, photo ci-contre)). De plus, le tournoi le plus important organisé en Grèce est un tournoi Future (ITF). Le décalage avec d'autres pays européen est frappant, il est donc normal de s'interroger sur les causes d'un tel gouffre dans un pays de tradition sportive.
La Fédération responsable des maux
Dès 1998, Nicolas Kelaidis, ancien tennisman professionnel (dans les années 70-80) et professeur en France notamment, est chargé par la Fédération Grecque de Tennis de reprendre en main la discipline. Il doit mettre en place un système de formation pour les jeunes talents du pays.
Kelaidis quitte son poste quatre ans après. Interrogé par The Parthenon Post, il s'explique : « Je ne pouvais plus fonctionner ainsi : ça faisait près de deux ans que je n’étais pas payé ! Je ne voulais pas abandonner les jeunes, alors j’ai tenu pendant tout ce temps. Mais j’ai été obligé d’aller jusqu’au procès pour obtenir gain de cause ». Toujours selon cet entraîneur reconnu dans de multiples pays d'europe, il suffirait d’« une décennie pour voir émerger de très bons joueurs en Grèce. Mais il n’y a aucune structure pour que cela arrive, ni pour les joueurs amateurs, ni pour les pros. La fédération a laissé le tennis grec dans la nature ! ».
Le président de la Fédération hellénique de tennis, Spiros Zanias, se contente de répondre que « le réseau d’entraîneurs qui avait été créé était trop cher », et que « les résultats du projet n’étaient pas conformes à ses attentes ». Alexandros Zafiropoulos, le seul professeur permanent de l'ATLC, apporte lui une autre explication : « Les gens de la Fédération craignaient que, avec le recrutement de Kelaidis, l’argent n’aille plus dans leurs poches mais dans le financement de la formation, des infrastructures, etc. Malheureusement, il y a beaucoup d’individualisme en Grèce. » Spiros Zanias, systématiquement réélu président depuis une vingtaine d’années, doit faire face à de nombreuses contestations mais reste en place à la tête de la fédération.
Au début des années 2000, il a fait voter une loi traduisant les problèmes causés par la fédération : elle interdit le recrutement, par l’institution qu’il préside, de personnes ayant exercé auparavant une activité rémunérée liée au tennis. « Lui-même n’a jamais tenu une raquette de tennis de sa vie »,explique Kelaidis avec sarcasme. Zanias confirme.: « En parallèle de mon poste, je suis ingénieur civil diplômé depuis 1977. ». Si la Grèce n'existe pas sur la planète tennis, la responsabilité est sans doute largement imputable à la fédération et à son président Spiros Zanias. Pour pouvoir développer leur talent les joueurs grecs s'exilent pour diverses raisons, c'est ainsi qu'il est possible de retrouver quelques noms à consonance hellène sur le circuit.
L'expression du tennis grec à travers l'immigration
Marcos Baghdatis né à Chypre d'une mère grecque possède un nom avec une terminaison rappelant les noms grecs. Outre le Chypriote très connu des Français pour avoir été formé sur le sol tricolore d'autres joueurs ont des origines grecques. Revenons d'abord sur les différentes causes de l'immigration ayant formé une grande diaspora grecque. Hormis les migrations pour des raisons économiques (notamment au début du XIXe siècle les marchands ont été amenés à bouger) les migrations politiques font partie des plus nombreuses. Que ce soit au début du XXe siècle (épuration ethniques par l'empire ottoman) où dans les années 1960-1970 où la Grèce a été aux mains de dictateurs des vagues d'immigrations ont été importantes, et notamment vers l'Australie.
Une forte communauté grecque est installée à Melbourne, lieux où se déroule l'Open d'Australie en Janvier. De cette communauté-là sont issus trois joueurs de tennis australiens. Le premier et le plus vieux d'entre eux, Mark Philippoussis (actuellement à la retraite mais invité à jouer les qualifications de Newport à partir du 13 juillet prochain) est originaire d’Europe. Né d'un père grec dont il a hérité le nom, l'ex finaliste à Wimbledon en 2003 est fier de ses origines et les mets d'ailleurs en avant. Il est tatoué en l'honneur de celles-ci sur le dos et sur les doigts. En évoquant ces jeunes compatriotes avec lesquels il partage ces origines-là, il les encourage à être fier de celles-ci : « D'abord nous sommes Australiens. Mais notre héritage est là juste derrière. Ils doivent être très fiers de qui ils sont… c'est génial de voir des noms avec quelques lettres en plus ».
Nick Kyrgios est le deuxième joueur aux origines helléniques. Ses deux parents sont grecs, (son père Giorgios est né en Grèce, sa mère en Thaïlande mais de parents grecs) d'où son nom. Le jeune compère de Kyrgios d'un an son cadet, Thanasi Kokkinakis (19 ans) est le dernier joueur australien du top 100 à être issu de la communauté grecque. Son père Trevor Kokkinakis est né à Kalamata dans le Péloponnèse et lui a transmis son nom en « is » caractéristique des noms de familles hellènes.
Si la Grèce était un des pays précurseurs en ce qui concerne le tennis sur le plan international, l’intérêt décroissant pour ce sport et sa gestion ont fait de la péninsule hellénique un pays « de seconde zone tennistique ». En conséquence les joueurs grecques sont largement en deçà du niveau mondial moyen. Pour le tennis, si les grecques veulent vibrer ils ont le choix de le faire par procuration (via des joueurs avec leurs origines), où regarder Konstantinos Effraimoglou à l’œuvre, en tant que numéro un mondial des vétérans de plus de 50 ans !