Tennis. Chronique - Henri Leconte : "Il va falloir se réveiller les enfants"
Par Alexandre HERCHEUX le 09/05/2020 à 17:00
Il est de retour sur Tennis Actu pour nous distiller régulièrement sa chronique sur l'actualité tennis, comme il a pu le faire déjà par le passé. Henri Leconte, c'est l'un des joueurs, si ce n'est LE joueur le plus populaire du tennis français. Finaliste de Roland-Garros en 1988, vainqueur de la Coupe Davis en 1991 et ancien numéro 5 mondial, Henri Leconte, également consultant pour Eurosport, est connu et aimé pour son franc-parler. Un véritable passionné et amoureux de tennis qui a forcément un avis sur tout ce qui touche à la petite balle jaune. C'est donc pour cette raison qu'Henri a accepté de nous proposer sa chronique sur Tennis Actu. Cette semaine, "Riton" a décidé de nous parler de la reprise du tennis à partir du 11 mai, de rendre hommage à la décision prise par Roland-Garros mais surtout de tirer la sonnette d'alarme quant à la situation du tennis français et de ses clubs : "Il va fallloir se réveiller les enfants !"
Vidéo - Henri Leconte : "Bravo à Roland-Garros pour son courage !"
"On va pouvoir retrouver un petit peu une vie de club"
"Je pense qu’il faut arrêter de dire le 11 mai comme si on allait pouvoir tout remettre à 0 ! Tout peut changer, je pense qu’on ne va pas rouvrir les vannes tout de suite. Il va falloir attendre un petit peu. Dans d'autres pays, on a pu voir que ça commençait à reprendre tout doucement. Ça va être étape par étape. Moi ce que je pense, c'est qu’on ne peut pas prévoir un plan tout de suite en disant on va faire si on va faire ça. Je crois que cette année 2020, on va s'en souvenir parce que ça ne va pas reprendre tout de suite. Il va falloir mettre en place énormément de choses. Dans les clubs, on va pouvoir retrouver un petit peu une vie de club qu’il n'y avait plus auparavant, je pense sincèrement. Et puis le tennis, la compétition et tout... ce n’est pas avant au moins minimum 1 mois…2 mois… c'est clair.
Il faut arrêter de se prendre la tête en disant qu'est-ce qu'on va faire etc… avec des si on ne fait rien. Il faut que tout le monde se mette autour d'une table. Ce qu'il faut savoir : c'est que les joueurs, ils ne se sont pas entraînés du tout depuis un certain temps donc il peut y avoir aussi pas mal de blessures. Je ne vois pas comment en un mois ou deux remettre en place un circuit aussi rapidement. Organiser des exhibitions, des tournois pour pouvoir remettre tout le monde en place oui ! Le problème qu'on va avoir, c'est que tu ne peux pas faire un tournoi parce que les gens ne peuvent pas regarder et donc tu fais à huis clos donc voilà…Il y a tellement d'interdictions qu'on ne sait pas où on va donc tant qu'on n'aura pas vraiment le canevas des différentes autorisations, il faut arrêter de faire des plans. On n’a rien, on ne sait pas !
"Je trouve que Roland-Garros a eu le courage d'agir !"
Roland-Garros c’est septembre, on est qu’au mois de mai… Mai juin juillet août, il y a 4-5 mois. J'espère et je souhaite qu’on se sorte de cette situation-là dans 2 mois et qu'on y verra un peu plus clair. On est en aveugle ! On ne peut pas se permettre de dire « on va faire ça ». Ce qui est très important avant tout, c'est que tout le monde puisse reprendre, faire du sport. La compétition arrivera après.
Après, sincèrement, je trouve que Roland-Garros a eu le courage d'agir et bravo ! Je trouve ça très bien ! Alors tout le monde les critique en disant qu’ils auraient pu parler avec les autres... non ! Ils ont pris tout de suite la décision de reporter Roland Garros. Quels sont les tournois les plus forts ? Ce sont les tournois du Grand Chelem. On s'organise tous chaque année lorsqu'on fait son calendrier en sachant qu’on a l’Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l’US Open. Après, on prend tous les tournois pour faire la préparation pour ses 4 tournois. Quand il y en a un qui prend une décision rapide, intelligente et pour pouvoir se protéger, les partenaires, et les joueurs aussi, c'était audacieux donc bravo ! Il fallait le faire quoi ! Il faut toujours garder des points de repère. On a un point de repère, c’est Roland Garros. Donc les gens se disent "super, on va quand même voir Roland, voilà ça sera en septembre ça va être différent" En plus, il y a le toit maintenant donc on peut jouer quoiqu'il arrive, ça va être des conditions assez particulières mais je trouve ça vraiment fantastique et audacieux ! Ça donne de l'espoir ! Quand on voit dans les autres disciplines, toutes les décisions qui ont été prises, notamment le foot… donc pour le tennis je trouve ça fantastique, c'est génial !
Le tennis ne va pas si bien que ça, le tennis souffre !
Est-ce que l'on va avoir des rencontres en compétition en 2020, on ne peut pas le savoir. Mais on rêve, on y croit bien sûr. Il va y avoir quelque chose, on ne peut pas ne rien avoir. Les instances ou les fédérations par rapport à leurs structures, que ça soit française allemandes anglaises, vont devoir voir comment elles peuvent aider certains clubs et certains tournois pour que ça se réalise. Il va y avoir une organisation un petit peu indépendante pour faire quelques tournois et quelques manifestations. Je le souhaite. En tout cas, moi j'y crois. Je pense que cette période-là va permettre aussi sincèrement de faire réagir les instances du tennis français et mondial parce que le tennis ne va pas si bien que ça. Je suis président de club, je peux dire que ça souffre ! Moi je refuse des licenciés parce que je suis à Paris mais pour d'autres c'est une catastrophe. Il faut vite se réveiller ! Et on a la chance d'avoir Roland-Garros !
Partir d'une page blanche non ! Parce que toute la structure qui a été mise en place avec la fédération est bonne. On a eu des centres de formation, de recrutement, qui étaient très bon. Maintenant, concernant le haut-niveau, il faut revoir un peu sa page mais il faut vraiment se mettre aujourd'hui autour d'une table et bien réfléchir, savoir ce qu'on veut faire avec les clubs, avec les ligues, avec le haut niveau, et comment se repositionner dans le tennis mondial. Sincèrement, ce n’est pas parce qu'on a un Grand Chelem qu'il faut penser que c'est bon ça va. Non non, il faut travailler, encore repenser comment s’organiser dans les clubs, comment retourner à cette image du tennis accessible pour tous, qu’on avait à un moment. Nous devons faire attention parce que notre génération actuelle est vieillissante, un raz-de-marée va arriver prochainement, il va falloir se réveiller et vite ! On ne parle pas de ceux des galères, des clubs qui sont ou vont être en faillite totale ou avec 6 ou 8 courts mais malheureusement plus que 2 courts qui fonctionnent. Est-ce que le fait d'avoir eu ce confinement, d'avoir eu ce problème aussi bien matériel que financier qui est une catastrophe parce que tout le monde est à l’arrêt, ça va permettre de donner un second souffle et même une remise en question ? Je l'espère... !