Tennis. Chronique Salliot - Lucky loser et stop à la magouille
Par Eric Salliot le 28/02/2016 à 18:15
Vidéo - Votre site TennisActu.net au coeur de l'Actu Tennis
La semaine dernière, à l’Open 13, Tristan Lamasine est resté au Palais des Sports jusqu’au jeudi, dans l’espoir d’être repêché. Petites histoires pas toujours recommandables d’un statut – LL – qui peut rapporter gros… Alors qu’on attend tous le lancement de la campagne des Noah’s boys aux Antilles, je voulais aborder un sujet périphérique au circuit ATP qui, si j’en juge par mes notifications sur mon compte twitter, intrigue les fans. Il s'agit du statut de lucky loser, littéralement de l’heureux perdant. L’idée m’en est venue après un tweet – supprimé depuis – d’un joueur qui a connu trois défaites en trois jours à l’Open 13 mais qui n’en a pas moins réalisé une des semaines les plus lucratives de son année.
Comment devenir un Lucky Loser heureux ?
Depuis quelques années, les instances réfléchissent pour lutter contre les matches arrangés. Et il est vrai que l’ancien système de repêchage ouvrait la porte à des magouilles de vestiaire inévitables.
Prenons un cas d’école qui remonte à plus de dix ans. Un joueur qui a la chance d’être tête de série numéro un des qualifications d’un Grand Chelem se trouve dans une position confortable. Il y a toujours des forfaits avant un Majeur et, évidemment, ça se sait… Donc, vous me suivez, il lui suffit de remporter deux matches de qualif et il sait que, quoiqu’il arrive, il va intégrer le grand tableau. Car la règle de l’époque est la suivante : le lucky loser est le mieux classé des battus de l’ultime tour.
Soit, le joueur verni joue le coup à fond, car il y a des points ATP en jeu, soit il lâche dans la tête et « offre » la victoire à son adversaire. Mais il n’est pas impossible que le terme "offre" cache une négociation financière effectuée dans le sacro-saint vestiaire. Car sur le papier, le LL est forcément mieux classé, meilleur donc.
C’est ce qui a « perdu » l’an passé le Français Elie Rousset l’an passé dans un Challenger marocain. Il avait été surpris de complot par le juge-arbitre et avait effectué un virement sur le compte du joueur convoité.
Négociations dans le vestiaire
Mais il y a pire. J’ai le souvenir d’un joueur français qui avait perdu au dernier tour des qualifications de l’Open d’Australie. Il avait été premier lucky loser, dans l’attente et désespéré, à l'affût d'un forfait. Le milieu savait qu’un joueur du grand tableau séchait les courts d’entraînement, assez sérieusement touché. Le Français est entré en négociation pour tâter le terrain. Celui-ci lui a répondu qu’il se retirait si, en échange, il lui donnait le prize money du premier tour. Notre Tricolore a refusé et le joueur blessé a effectivement abandonné au bout de cinq jeux.
De tout cela, les instances étaient au courant mais elles n’ont réagi que plus tard. Les tournois du Grand Chelem ont révolutionné en instaurant un système de tirage au sort parmi les quatre meilleurs battus des qualifications. C’était plus juste mais cruel pour le n°1 qui pouvait se retrouver dans la position du cocu. Un article d’un confrère américain raconte qu’à la fin des qualifications de Wimbledon, lors de ce fameux tirage au sort, un hurlement de bête avait été entendu à des miles alentours. Le gars avait gagné au loto en tirant le 1. Et le prize money n’était pas le même. Il passait du simple au double !
Le cadeau empoisonné de Gilles Simon
Le circuit ATP a copié l’ITF en fin d’année dernière. Avec une nuance. Si, avant la fin des qualifications, il n’y aucun forfait connu, on reste avec la formule « meilleur classé des battus ». En revanche, pour éviter les petits arrangements, si un retrait est officialisé avant la dernière balle des qualifs, on procède à un tirage au sort entre les deux meilleurs battus.
Là encore, le timing est important et peut changer beaucoup de choses. A l’Open d’Australie 2010, Gilles Simon est très mal en point. Finalement, il attend le dernier moment pour se résoudre à renoncer. Il le fait sans réfléchir avant la divulgation du programme du lendemain. Comme il était une grosse tête de série, le tableau a été modifié afin de le rééquilibrer. Et vous savez quoi ? John Isner a alors été promu tête de série n°33 à la place de Gilles Simon. Et l’Américain avait éliminé Gaël Monfils au troisième tour. Gilles Simon avait fait un cadeau empoisonné à son pote. S’il avait attendu le lundi, un lucky loser aurait pris sa place. Ce point de règlement, « Gillou » l’ignorait…