Tennis. Coupe Davis - Interview - Yannick Noah : "Je suis belge"
Par Tennis Actu & Emmanuel POTIRON le 20/09/2017 à 11:55
Petite exclusivité du jour de notre confrère belge Yves Simon de Sudpresse, en collaboration avec Tennis Actu et Emmanuel Potiron. Yannick Noah, champion de tennis pour les anciens, chanteur de sagas pour les jeunes ou capitaine de l’équipe de France pour les passionnés de Coupe Davis, a accepté de nous livrer une interview au lendemain de la qualification de la France pour la finale face à la Belgique. Un entretien au cours duquel le capitaine tricolore évoque notamment ce que signifient l'équipe de France, la coupe Davis et ses joueurs à yeux, avant d'évoquer son futur adversaire et... ses origines belges. Retrouvez l'intégralité de cet entretien ci-dessous.
Vidéo - Yannick Noah évoque la Belgique au micro de Tennis Actu
Yannick Noah, félicitations pour ce nouvel accès en finale. En Coupe Davis, un match n’est jamais gagné d’avance, n’est-ce pas (NDLR : la France a battu une Serbie déforcée, 3-1 à Lille, mais a d’abord été menée 0-1…) ?
C’est dommage qu’on ne les gagne pas à l’avance ces matches, ça nous oblige à les jouer… Non, c’est évidemment le charme de cette épreuve qui réserve toujours quelque chose de dramatique à un moment. L’histoire de la Coupe Davis s’écrit toujours sur le terrain, jamais à l’avance ! C’est pourquoi, c’est toujours un beau spectacle à vivre.
La Coupe Davis que vous avez remportée en tant que capitaine en 1991 et 1996, ça vous fait toujours autant vibrer qu’avant ?
Toujours ! Même si le temps passe… C’est une épreuve qui me tient vraiment à cœur, ce qu’on y vit est toujours quelque chose d’extraordinaire. Rien de comparable avec les autres tournois du circuit. Là, tu joues pour tes potes, ton pays, ton public. L’interaction entre les joueurs et les gens est beaucoup plus forte. On est plus dans une ambiance de foot que de tennis, où c’est généralement beaucoup plus feutré. J’aime beaucoup ça.
Vous avez aussi disputé une finale de Coupe Davis en tant que joueur, perdue 1-4 contre les USA, à Grenoble, en 1982.
Jamais je n’aurais dû laisser filer mon premier match face à McEnroe (NDLR : défaite en cinq sets). Ce fut une expérience douloureuse, mais cette défaite m’a appris beaucoup de choses pour la suite, j’ai gardé le meilleur. On apprend tout le temps en Coupe Davis, on peut toujours s’améliorer. Si on croit qu’on sait tout, qu’on a plus que des certitudes, c’est le moment d’arrêter…
Vous sortez plus fatigué d’un match de Coupe Davis en tant que capitaine ou d’un concert ?
La dépense d’énergie n’est pas comparable. Il y a bien sûr, des deux côtés, un aspect physique, mais mentalement et nerveusement, c’est plus dur en Coupe Davis. Il y a beaucoup de tension qui ne s’évacue que lors de la dernière balle de match, et là, la victoire est très intense, mais ça reste un moment très court. En concert, je prends du plaisir de la première à la dernière note, il n’y a pas de tension.
Vos joueurs, Tsonga, Pouille, Mahut, Herbert, etc., vous les considérez comment ?
Comme mes fils ! Ils ont d’ailleurs tous plus ou moins l’âge de mon fils Joakim (NDLR : le basketteur des Knicks de New York a 32 ans) et moi, j’ai 57 ans… C’est évidemment très différent de ma première époque de capitaine où je côtoyais des collègues que je venais de quitter sur le circuit. Là, les joueurs sont plus proches entre eux. C’est normal, il y a le décalage de génération avec tout ce qui va avec, les smartphones, les réseaux sociaux… Mais il faut vivre avec son temps, ça vient naturellement chez moi. Je vis d’autres choses, mais ça reste tout aussi passionnant.
Lors de cette demi-finale contre la Serbie, on vous a entendu particulièrement rude avec vous-même et votre rôle de capitaine.
Il faut bien que je serve de paravent ! Ce n’est pas que les ficelles du métier. J’ai à cœur de protéger mes joueurs un maximum.
D’après les médias français, l’ambiance est, disons, un peu tendue autour de cette équipe de France…
Vous savez dans une vie de groupe, il y a toujours des petits soucis, des problèmes. J’ai connu ça avec toutes les équipes. Mais c’est toujours incroyable le décalage qu’il y a entre ce qu’on vit depuis 10 jours ensemble, presqu’en famille à l’intérieur du groupe, et tout le foin qu’il y a autour. On fait du bon travail avec parfois de franches rigolades et quand on sort de notre bulle, on découvre tout ça avec un peu d’étonnement. Ça a beaucoup jasé, ici. À un point tel qu’on a presque mis de côté le fait qu’on s’était qualifié pour cette finale de Coupe Davis, presque comme si on allait en finale tous les ans…
Parlons justement de cette finale. Que connaissez-vous de l’équipe belge de Coupe Davis ?
J’ai regardé dimanche le dernier set joué par Goffin et tout le match de Steve Darcis. Ils jouent trop bien, là, vos gars ! Plus sérieusement, Goffin, je le connais mieux. Il est très apprécié sur le circuit. Il est en train de se construire une belle carrière et a encore de très belles années devant lui. Darcis, c’est le joueur type de Coupe Davis qui se transcende pour l’épreuve, pour son équipe, pour son pays. En fait, la Belgique et la France ont ce même engouement énorme pour cette compétition unique. C’est une belle finale qui s’annonce : c’est le derby ! Avec des joueurs qui se connaissent très bien aussi. Je vais vous livrer une anecdote : vos joueurs ont envoyé à Tsonga ou à Pouille, je ne sais plus lequel, une vidéo où ils chantent après leur exploit. C’est quand même sympa, les France-Belgique !
Voici exactement 20 ans, vous aviez pourtant perdu la rencontre à Gand 3-2, alors que vous meniez 1-2, et que la France venait de gagner la Coupe Davis en 1996…
C’est marrant, mais j’avais complètement oublié ça… Il y avait ce Van Garsse, c’est ça ? Il avait joué le match de sa vie, à 2-2, il s’était battu comme un guerrier. Mais voilà, on y revient encore à cette magie de la Coupe Davis…
Vous risquez de perdre un peu de votre popularité en Belgique…
Oui, mais juste un week-end, le temps de gagner la Coupe Davis ! En 20 ans de concert, j’ai toujours d’excellents souvenirs de mes passages en Belgique. Ce sont des dates de concert, à Forest ou ailleurs, que je vois toujours arriver avec un grand plaisir. C’est toujours une étape spéciale pour moi. Je suis belge ! J’aime mon pays !
Comment ?
Lors d’un concert à Namur, un spectateur qui était spécialiste de généalogie avait fait des recherches sur mes origines. Et il a retrouvé ma grand-mère à Saint-Pierre (NDLR : près de Libramont). Je n’ai pas connu cette grand-mère car ça fait partie des vieilles histoires cachées de la famille, mais ça se tient puisque je suis né à Sedan, ce qui n’est pas très loin. Donc j’ai du sang belge dans le corps, ça se voit non ?
Au niveau de l’autodérision, oui…
Je ne bois pas une… bière, mais je bois des… bières (il rit). J’ai quelques histoires belges, mais je garde les bonnes pour la finale… Vous savez, nous les Français, quand on arrive en Belgique, on se sent proche, on sait ce qui nous attend de l’autre côté de la frontière. Et l’inverse est vrai aussi pour les Belges, je pense. Ça va être bien, cette finale France-Belgique…
Vous avez déjà votre stratégie en tête ?
Vous me prenez un peu à froid. On vient juste de se qualifier pour la finale, c’est le moment de savourer un peu. Je suis content que ce soit terminé et de rentrer à la maison.
Vous vivez en France ou à l’étranger ?
Là, en fait, ça fait un an que j’ai le grand privilège de vivre sur un bateau avec ma femme et le petit dernier. On va sans doute prendre la direction des Caraïbes… Loin de toute cette tension…