Tennis. ITW - Aleksandra Wozniak : "A mon tour d'aider et de redonner... "
Par Alexandre HERCHEUX le 02/04/2020 à 21:52
Si le Canada dispose d'une génération exceptionnelle avec Félix Auger-Aliassime, Denis Shapovalov, Bianca Andreescu, Leylah Annie Fernandez et les expérimentés Vasek Pospisil et Milos Raonic qui sont toujours là, c'est aussi parce que certains joueurs et certaines joueuses ont donné envie aux jeunes générations de découvrir le tennis. Une des ces inspirations est sans aucun doute Aleksandra Wozniak. Retraitée depuis décembre 2018, la Québecoise s'apprête à ouvrir un tout nouveau chapitre de sa vie en tant que coach.
Vidéo - Aleksandra Wozniak au micro de Tennis Actu !
Fraîchement détentrice de la certification de coach, l'ancienne 21e mondiale compte bien rendre au tennis ce qu'il lui a donné et transmettre son expérience aux jeunes canadiens. Contrainte d'arrêter sa carrière à cause d'une blessure au genou, Aleksandra a tout de même marqué l'histoire de son pays en étant la première joueuse originaire du Québec dans le Top 50 mais aussi en étant celle qui a remporté le plus grand nombre de victoires pour le Canada en Fed Cup. Sa nouvelle vie, sa carrière, la génération dorée, le tennis au Canada mais aussi le regret de ne pas avoir écouté son corps... Aleksandra Wozniak a évoqué tous ces sujets pour Tennis Actu avec beaucoup de bienveillance et de bonne humeur.
"C’est à mon tour d’aider et de redonner au tennis professionnel"
Tout d’abord comment vas-tu ? Le Québec est la région du Canada la plus touchée par le COVID 19, comment ça se passe là-bas ?
J’essaye de ne pas sortir. Ce n’est pas évident pour les gens en ce moment car il y a beaucoup de cas et on dirait que ça continue de grimper chaque jour. J’essaie de m’occuper. Bien entendu, j’ai eu beaucoup d’évènements annulés mais j’ai tout de même eu ma certification d’entraîneur.
Tu es depuis mercredi (25 mars 2020) entraîneur de tennis certifié. Pas mal à seulement 32 ans ?
Oui tout à fait j’ai eu la certification donc j’ai hâte de commencer car j’ai un camp d’entraînement pour adultes et pour enfants prévus cet été. C’est sur les terrains où j’ai grandi, où mon père m’a appris à jouer, mais on va voir comment le COVID-19 va progresser au Québec.
Tu as rapidement tourné la page joueuse pour ouvrir celle de coach. Quels sont tes plans en tant qu’entraîneur ?
J’ai pris ma retraite le 19 décembre 2018 et j’était prête à relever des nouveaux défis. J’ai commencé la certification pendant l’année 2019 parce que j’aimerais donner un coup de main aux joueurs et aux joueuses. C’est à mon tour d’aider et de redonner au tennis professionnel.
J'ai officiellement terminé ma certification d'entraîneur 😊 Je suis entraîneur de tennis certifié @CAC_ACE 🎾 Merci @TennisCanada Maintenant, c'est mon tour d'aider les autres joueurs de tennis 👌ðŸ¼Rendez-vous sur le court de tennis!! pic.twitter.com/q3hVkkeoHz
— Aleksandra Wozniak (@alekswozniak87) March 25, 2020
"Un regret ? Ne pas avoir été assez à l’écoute de mon corps"
Durant ta carrière, tu as remporté un titre en simple, à Stanford, tu es montée au 21e rang mondial, tu as le record de victoires en Fed Cup pour le Canada avec 39 succès ? Es-tu pleinement satisfaite de ta carrière ou alors tu gardes en toi la frustration des blessures ?
Je suis vraiment reconnaissante d’avoir pu jouer aussi longtemps car j’ai commencé à 3 ans et arrêté à 31 ans. C’est sûr que j’aurais aimé continuer encore un peu mais j’ai eu une nouvelle blessure au genou qui m’a vraiment freinée et qui nécessitait une opération. J’ai déjà eu besoin d’un an auparavant pour revenir d’une opération à l’épaule en 2015. Je n’étais pas prête à avoir une autre chirurgie et perdre une autre année ou deux de ma carrière. C’était une décision assez difficile à prendre mais je suis restée quand même dans le milieu. J’ai quand même fait les Jeux Olympiques donc je suis reconnaissante. C’est un sport très physique et très mental, les blessures ne peuvent pas être contrôlées et il y a toujours de nouveaux obstacles à surmonter.
Pourquoi as-tu choisi la retraite ? Était-ce une lassitude après les blessures ou les perspectives de l’après-carrière ?
En fait, c’est assez drôle parce que pendant ma carrière on m’avait demandé et j’avais dit « non je ne veux pas être coach » Quand tu es joueur ou joueuse, tu es programmé pour écouter tes entraîneurs. Quand j’ai arrêté, j’ai voulu ouvrir un nouveau chapitre de ma vie. J’ai commencé dans le marketing, mon premier vrai travail directeur marketing. J’ai vraiment aimé ça. J’ai découvert des compétences que je ne savais pas que j’avais. Et en même temps, j’ai coaché une jeune joueuse canadienne, j’ai voyagé quelques fois avec elle pour l’aider. Et c’est là que je me suis dit que j’allais entreprendre ce rôle de coach pour partager mon expérience et mon parcours. C’est comme ça que j’ai commencé ma certification en 2019 parce que j’ai vraiment aimé ça. Il faut analyser plus, gérer son joueur mais j’ai appris que j’aimais ça. Mais en tant que joueuse, c’est clair que je ne voulais pas comme j’avais toujours joué et j’aurais voulu continuer mais à 31 ans, il faut se poser des questions sur sa santé.
En mai à Roland-Garros, Tennis Actu avait rencontré Romina Oprandi qui a connu de nombreuses blessures et opérations. On a envie de dire qu’elle a une malchance qui la poursuit. Et toi ? As-tu une idée de l’origine des blessures ? As-tu trop forcé ou est-ce tout simplement la fatalité ?
Maintenant, en retraite, le seul regret que j’ai, c’est qu’en tant qu’athlète, avec les nouveaux objectifs, je n’ai pas assez écouté mon corps. Les médecins te disent de prendre du repos mais en tant que joueur quand tu prends du repos tu as l’impression de prendre du recul. Dans le système du tennis, si tu ne joues pas une semaine, c’est ton classement qui paie. Le système de points fait qu’on se met plus de pression. Donc si j’ai un regret, c’est de ne pas avoir été assez à l’écoute de mon corps et de prendre du repos quand il fallait. C’est un équilibre difficile à trouver quand tu es compétiteur et avec les points.
Avec ce regret et ton expérience, ça va aussi te permettre de mettre en garde tes joueurs et joueuses et de les aider durant leur carrière.
Exactement. Mon sport m’a beaucoup appris la discipline, l’organisation, la combattivité, de ne pas abandonner. Mon sport m’a beaucoup appris pour la vie de tous les jours. Et donc aider les autres en tant qu’entraineur c’est la prochaine étape.
Officially a tennis coach🎾We received more entries today and I am so excited for the upcoming tennis camps for kids and adults this summer🙌🼠We continue all our planning and can not wait to see you at the tennis courts 😀 If you forgot to register e-mail us : aleks_woz@yahoo.ca pic.twitter.com/EK8D29uRlV
— Aleksandra Wozniak (@alekswozniak87) March 29, 2020
"J’ai vu Monica Seles jouer sur des grands terrains et je rêvais d’être là"
J’ai vu que tu avais évoqué des moments compliqués dans des interviews au Canada. Notamment à cause des réactions des gens alors que tu avais marqué l’histoire du Québec. Tu parlais même d’insultes envers tes parents… Comment tu as vécu cette période ?
C’était très difficile c’est sûr. Si quelqu’un m’avait dit que je serai connu, que j’aurais un peu de notoriété, qu’il y aurait des critiques, je pense que je me serais mieux préparée mentalement. Mes parents n’ont jamais été joueurs de tennis. Le tennis n’était pas très populaire au Canada et au Québec. C’est sûr que quand t’es môme et tu reçois des messages comme ça alors que t’es la première Québécoise top 50. Parfois, c’est bienveillant et parfois ce sont des frustrés qui t’envoient des insultes. Parfois on est malade et les gens ne le savent pas et on est seul sur le terrain. Donc ce n’est pas évident. Quelques mois avant d’être 21e mondial j’avais eu une blessure à l’épaule et personne ne sait que j’ai joué blessée en Fed Cup un peu avant pour mon pays. Ce n’est pas évident mais j’ai toujours eu le soutien de ma famille. C’est important pour un jeune ou une jeune d’avoir le soutien de ses parents. Ce sont eux qui t’aident à accomplir tes rêves.
Avec les paris sportifs, ce genre de réactions s’est multiplié.
Tu reçois des menaces de mort, directement sur ton compte. Avec les réseaux sociaux, c’est directement sur ton compte maintenant. Avant les lettres étaient contrôlées par des compagnies. Maintenant, c’est direct.
Ça devait être d’autant plus difficile que tes parents ont tout fait pour que tu réussisses dans le tennis c’est bien ça ?
Mes parents sont arrivés en 1983 au Canada en provenance de Pologne. Ils ont recommencé à 0 et n’avaient pas beaucoup de sous. On ne pensait pas que je serais pro. Au début mon père ne voulait pas être mon coach car une relation coach/fille ce n’est pas facile. Il a commencé à m’entraîner et après j’ai vu Monica Seles jouer sur des grands terrains et je rêvais d’être là. Mon père travaillait la nuit et m’entraînais le jour. Il dormait 3h par nuit, ce n’était vraiment pas évident mais mes parents m’ont beaucoup encouragée pour accomplir ces grands rêves là.
"A mon tour d'aider les autres !"
Tu sembles déterminée à rendre au tennis ce qu’il t'a donné. Tu as utilisé cette expression à de nombreuses reprises en interview et sur tes réseaux sociaux. Qu’est ce que cela signifie pour toi ?
De beaucoup s’impliquer. Je fais pleins d’évènements pour les enfants etc. Je veux aider des jeunes parce que parfois certains n’ont pas assez de sous pour accomplir leur rêve. Pouvoir partager mon vécu, mes expériences.
J’imagine que tu éprouves une certaine fierté de voir arriver la nouvelle génération canadienne (Félix Auger-Aliassime, Denis Shapovalov et Bianca Andreescu) Tu as joué un rôle aussi pour donner envie aux Canadiens de jouer au tennis finalement ?
Ça s’est tellement développé ! C’est tellement populaire maintenant. Il y a beaucoup de joueurs et de joueuses sur le circuit. De mon temps j’étais la seule Québécoise présente. Et la fédération est là pour aider les joueuses. Quand je fais des conférences sur la persévérance, on me dit qu’on m’a regardé et suivi et ça c’est vraiment touchant.
Que penses-tu des difficultés de Bianca Andreescu sur le plan physique ?
Elle a une blessure au genou, je ne sais pas quelle partie mais ça n’est pas facile de guérir. Le tennis c’est beaucoup de stop and go et les genoux travaillent. Il faut prendre le temps qu’il faut et bien se reposer pour revenir. Avec le virus, elle va récupérer encore un peu plus mais une blessure au genou ce n’est pas facile c’est clair. Je suis content de voir autant de joueurs et joueuse canadiennes. Je les suis de près.
J’imagine que tu suis beaucoup ce qu’il se passe sur le circuit. Penses-tu qu’on rejouera en 2020 ?
Avec qu’il se passe, les tournois continuent d’être repoussés, mêmes les JO… C’est incroyable ce qu’il se passe. Je ne sais même pas si on pourra rejouer au tennis. On ne sait pas comment ça va se propager. Ce qui est important c’est de protéger maintenant.
Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Une longue carrière de coach. (rires) A mon tour d'aider les autres !