Tennis. ITW - Enzo Couacaud : "Contre Djokovic, c'était mon plus grand moment"
Par Alexandre HERCHEUX le 13/02/2023 à 09:29
Pour Tennis Actu, le Mauricien avait accepté de revenir sur son bel Open d'Australie. Une sortie de qualifs, un premier tour géré d'une main de maître avant de défier le roi de Melbourne, Novak Djokovic, sur la Rod Laver Arena. Lucide et serein, le Frenchie a savouré ce grand moment, le plus grand de sa carrière. Il fait aussi partie de ceux qui ont pu voir Novak Djokovic de près et l'observer sur le court. Les étirements du Serbe, pourtant blessé à la cuisse avec une lésion de trois centimètres d'après Craig Tiley, ont d'ailleurs attisé la curiorisité du Français. Retour sur son expérience mais aussi son avis sur la blessure de Djoko. "Tu voyais Novak s’étirer tout le temps… Tu te dis, soit ils ont une nouvelle méthode en Serbie, soit c’est bizarre… C’est vrai que ça paraît dur à croire".
Vidéo - Enzo Couacaud revient sur son duel face à Novak Djokovic
Ma cheville, c’est un processus qui prend six à huit semaines. Ce n’est pas extrêmement long. ça aurait pu être pire"
Enzo, déjà, comment vas-tu ? Tu as annoncé deux ligaments de la cheville droite déchirés après ton match contre Novak Djokovic. Quelles sont les nouvelles depuis ?
Oui… Une entorse en début de match. J’ai l’IRM en Australie qui a confirmé que deux ligaments étaient déchirés. Ça suit son cours. C’est un processus qui prend six à huit semaines. Ce n’est pas extrêmement long. ça aurait pu être pire.
Donc là tu te ressources chez toi, à l’Ile Maurice ?
Oui, je fais les soins de kiné ici et j’en profite pour voir la famille.
"D’être le seul à avoir pris un set à Novak Djokovic ou pas… ça ne change pas grand-chose !"
Tennis Actu voulait revenir avec toi sur ce match fou contre Novak Djokovic. Tu es le seul à avoir pris un set à Djoko pendant l’Open d’Australie. Qu’est-ce que ça représente ?
D’être le seul ou pas… ça ne change pas grand-chose ! Ça fait un peu le buzz mais ça ne change pas grand-chose. Ce qui était génial, c’est que je jouais super bien. J’avais compris assez tôt que je ne pourrais pas tenir avec ma cheville. Sur un set, j’ai tout donné, j’ai produit un tennis cohérent. On a été au coude à coude pendant un set et ça c’est très positif.
Ce match, c’était un grand moment qui aurait pu très mal tourner. Blessure à la cheville dans la première manche, on voit quasiment des larmes monter… Qu’est-ce que tu dis à ce moment ?
J’avais surtout très mal et j’ai senti craquer. J’ai déjà eu des entorses donc j’ai l’expérience on va dire (sourire). C’était un peu une grosse injustice au départ. Beaucoup de « Pourquoi ? ». Ensuite, j’ai réussi à vite basculer, tu prends une décision et tu assumes. Soit tu décides de jouer, tu y vas et tu n’y penses pas, soit tu arrêtes et le tournoi est terminé. C’est la décision que j’ai prise, tu as mal, c’est dur, allons-y et on voit ce que ça donne. Je ne regrette pas du tout. C’était risqué comme choix.
Sais-tu si tu as aggravé ta blessure ?
Non, impossible de savoir. Ce qui est sûr, c'est que si le troisième ligament avait été rompu, il aurait fallu passer par l’étape chirurgicale. Personne ne peut dire que ça s’est aggravé. Je ne crois pas.
Tout autre match que contre Novak Djokovic, tu aurais abandonné ?
Oui je pense. Ça arrive en fin de match, tu peux essayer au bluff voir ce qu’il se passe. Là, je voulais voir ce que je valais contre un mec comme ça. Je pars du principe que j’essaie de prendre les meilleures informations avec ce que je sais à l’instant T.
C’est le plus grand moment de ta carrière ?
Oui oui, je pense. D’avoir pu me rendre compte qu’on avait fait jeu égal pendant un set et demi...
"On m’a toujours dit de ne pas m’étirer avec une lésion. Tu voyais Novak s’étirer tout le temps… Tu te dis, soit ils ont une nouvelle méthode en Serbie, soit c’est bizarre…"
On voit beaucoup de débats autour de Novak Djokovic. Des doutes concernant sa blessure, notamment des médecins. Toi, tu vois ça comment ? Comment tu l’as ressenti sur le court ?
C’est dur de répondre. C’est la première fois que je le jouais. Entre la télé et la réalité, rien à voir. Après… la blessure qu’il dit avoir, elle est importante, et beaucoup d’athlètes combattifs ne peuvent pas continuer avec la même chose. Nadal a eu une lésion, il ne pouvait plus courir. Là, Mbappé est out deux semaines. On parle des plus grands athlètes, pas de ceux qui n’ont pas accès aux soins ou au meilleur matériel. Difficile de croire qu’un seul sur terre y arrive.
Tu fais partie des sceptiques ? Tu ne te vois pas jouer avec cette blessure ?
Non, moi je ne peux pas. Je n’ai ni son niveau, ni ses soins, ni son corps… Mais quand tu prends les exemples de Nadal ou Mbappé, mais surtout Rafa, avec une lésion à Wimbledon, il ne pouvait même pas servir. Il est dur au mal… Quand tu vois les plus grands qui ne peuvent pas mettre les pieds sur le terrain, et un autre qui gagne un Grand Chelem en jouant tous les jours pendant 15 jours… Ca parait quand même un peu tiré par les cheveux. Entre avoir une douleur chronique ou une lésion, ce n’est pas pareil. Il y a des petits trucs qui ne me paraissent pas logiques. J’ai grandi avec les connaissances médicales françaises. On m’a toujours dit de ne pas m’étirer avec une lésion. Tu voyais Novak s’étirer tout le temps… Tu te dis, soit ils ont une nouvelle méthode en Serbie, soit c’est bizarre… Des petits trucs comme ça… il a son staff, je suis trop loin pour juger de l’authenticité de quoique ce soit. C’est vrai que ça paraît dur à croire.
Au-delà de cette polémique, 22e titre du Grand Chelem, extrême domination en deuxième semaine… Est-ce que tu as eu l’impression de faire face à un monstre, une machine de guerre ?
Bien sûr, et même quand tu rentres sur le terrain et que tu vois neuf fois le panneau de Novak dans le couloir… Si je faisais le tournoi de mon village à Maurice, je ne gagnerais même pas dix fois. Ce sont des chiffres d’une autre planète, c’est irréel.
Ce fameux couloir de la Rod Laver Arena, ça t’a mis un coup de pression ?
Je ne l’ai pas ressenti comme un coup de pression. J’ai vraiment ressenti une chance incroyable de faire ça avec Novak derrière moi. Je ne l’ai pas ressenti comme un moment pesant ou sous pression. Je n’ai pas eu plus de pression que ça. Je me suis senti hyper à l’aise très vite. Je n’ai pas souffert de ça.
"J’ai envie de gagner quelques titres en challenger et d’utiliser ça en rampe de lancement (...) J’ai envie de jouer des Grands Chelems, d’être sur des grands courts contre des grands joueurs"
Te concernant, quels sont les plans à moyen terme ?
Essayer de continuer de produire les très bonnes choses vues en Australie. Je suis certain que ce niveau me fera gagner des matchs et quelque chose à valider sur le circuit challenger pour gagner des tournois et affronter plus souvent ce genre de joueurs.
Il y a eu un déclic psychologique ?
Oui, c’est sûr. On n’a jamais joué ce genre de joueurs. On se dit que c’est une montagne et on joue libéré, et au deuxième set, c’était possible. Ça donne envie de reproduire ça.
Le Top 100, un rêve ou un objectif cette année ?
Pas du tout un rêve… je ne fais pas du tout partie de ces joueurs qui mettent un mythe sur la barre du top 100. Ça n’a même pas trop d’importance pour moi. Je suis plus attaché aux évènements. J’ai envie de jouer des Grands Chelems, d’être sur des grands courts contre des grands joueurs. Le classement… C’est une suite logique mais je ne serai pas malheureux 101 et heureux 99. J’ai envie de gagner quelques titres en challenger et d’utiliser ça en rampe de lancement.
Ce qu’il s’est passé en Australie, ça te donne du carburant pour vivre la même chose à la maison, à Roland-Garros ?
Bien sûr ! Ce serait spécial mais j’ai été surpris par les gens qui me soutenaient contre Novak. C’était une bonne surprise.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter à part un bon rétablissement ?
De rester en bonne santé et mon tennis fera de bonnes choses !