Tennis. ITW / Le Mag - Alexandre Müller : "Un titre ATP, ça me fait rêver..."
À l'âge de 13 ans, Alexandre Müller, atteint de la maladie de Crohn, pensait son rêve brisé lorsqu'un médecin avait affirmé qu'il ne pouvait plus pratiquer le sport de haut niveau. 13 ans plus tard, le Provençal est installé dans le Top 100 et a disputé sa première finale ATP, à Marrakech en avril dernier. Une belle leçon de courage et de détermination. Après une saison riche, notamment des affrontements contre Carlos Alcaraz à Wimbledon et Novak Djokovic à l'US Open, mais aussi trois victoires contre des membres du Top 50, le joueur du Blanc-Mesnil a fait le bilan de son année 2023 au micro de Tennis Actu. L'occasion pour le Français, présent depuis 2021 à l'Elite Tennis Center de Jean-René Lisnard, de parler de ses belles expériences, de sa gestion de la maladie depuis le plus jeune âge, mais aussi du futur, avec un rêve dans un coin de son esprit : disputer les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Il faudra être dans les 56 premiers à la Race Olympique le 10 juin 2024. Pour l'instant, Müller est 89e.
Vidéo - Maladie de Crohn et bilan 2023, Alex Müller avec Tennis Actu
Qu'est-ce que la maladie de Crohn ?
Pour ceux qui découvrent la maladie de Crohn, quelques explications. La maladie de Crohn se révèle par des symptômes variés et surtout digestifs : douleurs abdominales (spasmes, brûlures) parfois fortes, par crises, similaires à celles causées par l’appendicite ; diarrhée ; perte d’appétit, nausées et vomissements.
"J’ai joué de nouveaux tournois sur des grands courts. C’étaient des superbes expériences"
Alex, comment ça va après une saison plus qu’intéressante ? Tu as pris le temps de décompresser ?
Ça va très bien. Je suis rentré de vacances hier (dimanche). La saison a été longue, j’ai beaucoup joué. À la fin, je commençais à être touché physiquement et c’était plus compliqué mentalement. Je me suis bien reposé et la prépa foncière a bien commencé.
Cette année, tu es entré dans le Top 100, tu as battu tes trois premiers Top 50 dont Musetti, 21e , tu as atteint une première finale ATP, tu as découvert les grands tableaux de Wimbledon et l’US Open... Ça a été une année de rêve ?
De rêve… c’est un bien grand mot. On en veut toujours plus. Ça a été une très bonne saison. J’ai fait mon entrée dans les 100, de bons résultats et on repart sur une année 2024 avec de beaux objectifs.
Ta vie a changé en 2023 ?
Non, ma vie n’a pas changé. Je continue de m’entraîner avec les mêmes personnes, on fait notre boulot dans notre coin. J’ai joué de nouveaux tournois sur des grands courts. C’étaient des superbes expériences. On joue des plus gros tournois. Ça, ça change et c’est cool.
Est-ce qu’il y a plus de sérénité d’avoir des prize money plus importants ? Tu as savouré cet aspect ?
J’ai savouré, c’est agréable d’avoir de plus gros prize money. Après, on sait que ça peut aller vite dans un sens comme dans l’autre. J’essaie de continuer de bien travailler pour me stabiliser dans les 100 et monter plus haut.
Alexandre Müller au micro de Tennis Actu après sa finale à Marrakech
"C’était assez excitant de jouer des champions comme ça sur les grands courts. Maintenant, je sais ce que c’est, si je peux avoir des tirages plus cléments, ce serait sympa…"
En interview pour Tennis Actu après la finale à Marrakech, tu espérais ne pas jouer Nadal à Roland-Garros. Finalement, tu as pris Sinner, ensuite Alcaraz à Wimbledon et Djokovic à l’US Open. Tu t’es porté malheur non ?
Je ne sais pas… (sourire) à l’US Open, je disais à tout le monde que j’allais jouer sur le Central au premier tour et direct, je vois la notif au restaurant, et je jouais Djoko. Je n’ai pas eu de chance aux tirages, mais je n’étais pas mécontent non plus de les jouer parce que c’était une première. C’était assez excitant de jouer des champions comme ça sur les grands courts. Maintenant, je sais ce que c’est, si je peux avoir des tirages plus cléments, dont l’Open d’Australie, ce serait sympa…(sourire)
Comment as-tu réagi en apprenant un tirage comme ça ?
J’étais excité. C’est marrant une première fois, mais maintenant, je n’ai plus envie de les jouer.
Lequel t’a le plus marqué ?
Roland, je n’ai pas profité à cause de pépins physiques. J’étais quasiment sous morphine. À Wimbledon, j’ai essayé de profiter au max. On sent l’histoire de ce court. À l’US Open, une ambiance de dingue avec des célébrités dans le public, c’était sympa aussi.
Il y a eu ce petit jeu avec Djokovic, qui te dit que tu es beau, mais que ça ne suffit pas pour le battre. C’est un souvenir sympa ?
C’était marrant. J’ai essayé de faire de mon mieux. Je suis content de ce que j’ai vécu.
Entre Alcaraz et Djokovic, lequel t’a impressionné ?
Djoko ne te laisse pas respirer. Il y avait 6-0, 2-0, j’avais peur… On se dit « est-ce que je vais mettre un jeu ? » Alors qu’Alcaraz, il est plus flamboyant, mais j’ai eu des petits jeux où j’ai pu gagner facilement. Djokovic est plus impressionnant.
Alexandre Müller avant de jouer Carlos Alcaraz à Wimbledon
"Quand la maladie de Crohn a été diagnostiquée, j’avais 13 ans. Le premier médecin m’a dit que je devais arrêter le sport de haut niveau. S’il y a une revanche, c’est plutôt sur lui."
Tout ça, c’est une revanche aussi pour toi, qui a dû te battre contre la maladie de Crohn ?
Oui, je continue de me battre tous les jours. Je dois me piquer toutes les deux semaines. Ce n’est pas si simple. Pour ceux qui veulent se renseigner, ils tapent Maladie de Crohn au colon sur Internet. Ça ne m’empêche pas, au moins, de jouer au haut niveau.
Tu n’en avais pas parlé avant cette année ?
Non, non, car je pense que beaucoup de joueurs ont des problèmes de santé ou physiques. Je ne sais plus comment c’est venu à l’US Open. J’en ai parlé et j’ai reçu plein de gentils messages de gens qui m’ont soutenu ou m’ont posé des questions.
Le fait que tu sois malade et sportif de haut niveau, ça envoie aussi un message d’espoir aux personnes atteintes de cette maladie.
Oui, c’est surtout ça. Quand la maladie a été diagnostiquée, j’avais 13 ans et j’étais au CREPS. Le premier médecin m’a dit que je devais arrêter le sport de haut niveau. S’il y a une revanche, c’est plutôt sur lui.
Ça a été un moteur ?
Sur le coup non, ça a été compliqué. J’avais 13 ans, je voulais être fort dans ce sport. J’ai réussi à gérer. Il y a des périodes plus simples, d’autres moments où c’est gênant. Ça fait partie de moi et je ne me plains pas. Ça m’a peut-être fait une force mentale supérieure.
Tu peux avoir des séances d’entraînement qui vont « sauter » ou avoir des forfaits ?
Non, pas les séances. Pour être direct, je vais plus aux toilettes que les gens normaux. Donc je préfère jouer à 10h, en première rotation. Si je joue en fin de journée, je vais aller souvent aux toilettes et j’arrive sur le court sans énergie. À l’entraînement, il y a des semaines où ça va et d’autres où l’énergie est moins là. Mes entraîneurs sont au courant. Ils savent que je suis dur au mal, que je m’investis à fond. On gère un peu parfois et voilà.
US Open : Alexandre Müller, de la maladie de Crohn à Djokovic à New York #USOpen #Djokovic #Muller #AlexandreMuller #ATP https://t.co/Ji1gMoW2TJ
— TennisActu (@TennisActu) August 28, 2023
"Si je joue bien et que je peux participer aux JO, ce serait incroyable. Je n’y avais jamais pensé et maintenant, je ne suis pas si loin que ça"
L’année prochaine, tu vas commencer 81e, quelle sera la stratégie ? Tu vas continuer à grappiller en Challenger ou te tourner seulement vers le circuit ATP ?
Pour l’instant, les ATP sont prévus en début d’année si je suis tableau. Si je suis qualifs, peut-être que je jouerai en Challenger parce que c’est intéressant en 125 000. Je ne suis pas fermé aux Challengers. Je préfère jouer des ATP, mais on verra.
Quels sont les nouveaux objectifs fixés avec ton coach, Jean-Christophe Faurel ?
On n’en a pas parlé. J’aimerais un premier titre et entrer dans le Top 50.
Il ne manque pas grand-chose.
Oui, si je suis Top 50 avec un challenger ou ATP c’est pareil. Ça peut aller très vite vers le haut.
Il faudrait quoi pour que 2024 soit une année de rêve ?
Déjà un titre, ça me fait rêver franchement. Ça marque. Ensuite, il y a les JO qui arrivent. Je suis assez loin sur la liste, mais pourquoi pas. Si je joue bien et que je peux participer aux JO, ce serait incroyable. Je n’y avais jamais pensé et maintenant, je ne suis pas si loin que ça (89e à la Race Olympique). Ce serait génial. Je reste concentré sur ma carrière ATP, mais si je joue bien et que je rentre dans les clous, ce serait super oui.
La Coupe Davis, c’est dans un coin de ta tête ?
Je n’y pense pas trop non plus. Je suis à la fois loin et pas loin. Si j’ai la surprise un jour d’être sélectionné, ce sera super. Sinon, je continue mon petit bout de chemin.