Tennis. Réforme - L'ITF a réussi son dégraissage mais ça grogne fort
Par Jules HÉRODE le 08/03/2019 à 17:49
La réforme de l'ITF provoque beaucoup de remoux. Après deux mois de fonctionnement, des voix s'élèvent pour dénoncer un petit scandale. Récemment, dans une video postée en espagnol (voir ci dessous), Toni Nadal n'a pas mâché ses mots. « Qui va venir jouer avec ces nouvelles règles ? Seulement les gens riches, les jeunes riches, les gens qui peuvent suivre le circuit. Est-ce que c'est normal ? Je ne pense pas. » Son discours a été apprécié par Patrick Mouratoglou notamment.
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In a video in Spanish he elaborated a bit more in the topic (first seconds missing because of the length limit, he only says he is Toni Nadal, former coach of Rafa and director of his academy). pic.twitter.com/mp3lQvzcsI
— Luis (@lu_tenis) 3 mars 2019
L'an passé, l'ITF a décidé de restreindre l'accès aux classements ATP et WTA. Soit. Mais, surtout, les conditions d'admission aux tournois Challengers ou dotés de 25 000 $ - les ex-Futures - sont devenus drastiques. L'ITF a également a décidé de raccourcir la durée des tournois: terminées les qualifs qui commencent le samedi. C'est un bon point.
Désormais, il faut posséder un classement ATP ou WTA décent ou alors un classement ITF extrêmement haut pour pouvoir jouer et donc gagner sa vie. Dans un ATP Challenger, il y a trente-huit entrants directs, trois joueurs issus du classement ITF, deux qualifiés et cinq wild-cards. Ce qui donnait, à Pau, par exemple, un cut à 286.
Un autre exemple tout simple: la semaine dernière, la Française Myrtille Georges, 240e mondiale, n'entrait pas dans le tableau final du 25 000 $ de Mâcon. Elle a eu la chance de pouvoir prendre part aux qualifications - ouvertes seulement à 24 joueuses - , avec deux tours le lundi. Donc de la fatigue accumulée avant d'attaquer le grand tableau. La Bas-Normande est le contre-exemple parfait car elle a remporté le titre mais cela souligne la difficulté grandissante de pouvoir faire son trou.
Lorsque, le 31 décembre 2018, l'ATP a sorti son classement écrémé - tous les points des Futures avaient été ôtés aux joueurs -, il y avait 679 classés. Lundi, à la parution du nouveau classement, le nombre a très peu bougé (682). On est donc dans un sorte de Ligue fermée, au sein de laquelle il est très difficile d'accéder. Les chances sont rares pour inscrire ce fameux point ATP. En 2019, seuls deux Tricolores sont parvenus à gratter les précieux sésames: Maxime Chazal, qui a franchi un tour au Challenger de Canberra, et Laurent Lokoli, qui a su faire fructifier une wild-card à Cherbourg. Il possède son point ATP, ce qui lui permet d'"exister" au 624e rang mondial. Mais quand on étudie le cv des 56 Français classés, certains vont immanquablement perdre leur matricule. Et vont probablement abandonner leur rêve. Dans leur malheur, les joueurs français sont chanceux car le circuit CNGT est bien organisé et permet de décrocher des revenus plus que corrects.
Consciente de la grogne, l'ITF a, le 27 février, revu sa copie en demandant aux directeurs de tournois d'ouvrir les qualifications à un plus grand nombre (ci dessous). Mais cela ne changera pas grand chose. Les joueurs éprouvent de plus de plus de difficultés à établir un programme cohérent. Le noeud de la lutte, c'est que les 25 000 $ n'accordent plus de points ATP. Ou presque. Un succès dans ce type de tournois rapporte une misère: 3 points.
Dans une chronique très intéressante parue dans Jeu, Set Et Match, Lou Adler, 608e mondiale, évoque un autre aspect de cette réforme: "À l’exception des 100 meilleures mondiales junior, il est désormais impossible d’entrer dans les qualifications des tournois du World Tennis Tour pour les joueuses n’ayant pas de point ITF. Qu’en est-il d’une joueuse qui a été blessée pendant un an et qui a perdu tous ses points ? Qu’en est-il d’une joueuse de 20 ans qui vient de terminer son cycle d’études et qui veut se lancer dans une carrière professionnelle ? Si cette réforme avait eu lieu il y a deux ans, à mon retour de fac américaine, je n’aurais jamais pu participer à un ITF." Cette réforme est très loin d'être parfaite. Le plus grave, c'est qu'elle est briseuse de rêve.