Tennis. Roland-Garros - Djokovic : "Les arbitres ne courent pas, eux"
Par Clémence LACOUR le 04/06/2017 à 23:05
Roland-Garros se joue actuellement dans un contexte troublé. C'est un moment de fête dans la tourmente, alors que des attentats de fanatiques ensanglantent l'Europe. Novak Djokovic que l'on a connu en joyeux luron du circuit ATP, est revenu sur la place qu'occupe le sport dans notre société inquiète. Il a aussi évoqué la "polémique du chronomètre" qui oppose certains joueurs -dont Rafael Nadal- aux rigueurs de l'arbitrage.
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Un premier set très difficile, évidemment. Comment expliques-tu ce départ un peu lent ?
Ce n'est pas parti comme je le voulais. Il a commencé avec un jeu très solide, sans faire de fautes, avec beaucoup d'effet dans sa balle, en renvoyant beaucoup. Beaucoup de break, de rebreak dans le premier set. Mais cela aurait pu basculer dans un sens ou dans l'autre. Je suis content d'avoir réussi à gagner ce set, parce qu'évidemment, là, j'ai eu plus de liberté, plus de confiance. Au bout d'une heure 15 - une heure 20, on est mieux évidemment que d'être mené d'un set.Ensuite, le deuxième et le troisième se sont bien passés j'ai trouvé, surtout le deuxième. J'ai fait pas mal de choses. J'ai évité de lui laisser des zones de confort. Et cela a bien aidé, cela a été clé.
Novak, vous avez développé une relation très particulière avec Roland Garros, avec le public, avec les garçons de balle. Tu fêtes chacune de tes victoires.Est-ce important pour toi, pour te donner la dynamique qui t'emmène dans la deuxième semaine ?
Oui, bien sûr, je crois qu'au fil des ans, le désir de gagner ce tournoi et le fait que je n'y ai pas réussi durant plusieurs années, à la dernière étape, je crois que les gens reconnaissent mes efforts, ma ténacité, mon désir de saisir ce trophée.Mais en même temps, on a créé un rapport entre nous, qui est très important pour moi. Surtout au cours de la finale de l'année dernière, contre Murray, j'ai eu l'impression que tout le monde me soutenait, surtout dans les phases finales. Et ça, c'est quelque chose qui ne s'oublie pas. Je garderai toujours cela dans mon cœur.Bien sûr, l'atmosphère de ce soir était incroyable. C'est le dernier match de la journée. Le public avait vraiment envie de voir du bon tennis, mais aussi de s'amuser. J'espère que cela a été le cas. C'était tout à fait incroyable. Les deux joueurs ont reçu des standing ovations à plusieurs reprises. C'est vraiment génial de voir que le public reconnaît nos efforts en tant que joueurs de tennis. Et évidemment, jouer devant un tel public, c'est toujours un grand plaisir. Mais surtout pour moi, à cause de mon expérience ici l'année dernière. Ce qu'ils m'ont donné, c'est quelque chose que je n'oublierai jamais.
Novak, Rafa Nadal a perdu 20 jeux en 4 matchs, 5 jeux par match, 1,6666 par set. Mais il a eu un avertissement pour une infraction sur le temps.J'aimerais connaître ton opinion. Si on joue 20 échanges, ce n'est pas juste que je n'ai que 20 secondes pour reprendre mon souffle, et recommencer. Etes-vous favorable au chronomètre ? Mettriez-vous un chronomètre en fonction de la longueur des échanges ? Que ferais tu pour résoudre ce problème ? Vous aussi, parfois, vous avez des problèmes de temps.
Écoute, j'en ai déjà parlé. Je sais que je suis un des joueurs qui est visé, avec mes petits rebonds de balle, et puis un peu de lenteur à certaines phases du match. Quand je reçois un avertissement, je l'accepte, quand j'ai un pré-avertissement, une espèce de... L'arbitre de chaise qui dit : "Attention, là, il faut accélérer un peu." En fait, on ne sait pas si on est en retard ou pas. Parfois, cela arrive. C'est-à-dire que, si d'abord, j'ai un coup de semonce avant l'avertissement, je ne me plaindrais pas, même si, par moments, c'est un peu frustrant quand l'arbitre de chaise ne tient pas compte des circonstances. Parfois, ça ne dépend pas de soi, cela dépend de la vitesse à laquelle arrive la serviette. Peut-être qu'un garçon de balle perd une balle, on perd quelques secondes ici ou là, et après on est sous pression. Parce que quand on revient, chacun a son petit rituel, Nadal aussi. On sait bien tout ça ! Parfois, j'ai l'impression qu'il faudrait qu'il y ait une certaine tolérance pour certaines situations. Mais évidemment, les règles sont là pour être respectées, les mêmes règles s'appliquent à tous les joueurs. Mais je crois qu'on participe tous au match, même l'arbitre de chaise, ils ne sont pas en train de courir dans tous les sens, mais connaissent bien le tennis. La plupart d'entre eux sont bons et justes. Il arrive parfois qu'on reçoive un avertissement en plein milieu du match, et puis, je ne sais pas, c'était juste après un échange, ou il y a juste eu une fois où vous avez pris un petit peu plus de temps, et ça, ce n'était pas tellement juste de recevoir un avertissement direct comme ça. Mais bon, tout le monde commet des erreurs de jugement.
Vous avez participé à des matchs de Coupe Davis très difficiles. Quel est le rôle du tennis à votre avis ? Le tennis aide-t-il à réunir les gens ? Est-ce un sport frivole et inutile, quand nous nous retrouvons tous, toutes ces cultures différentes lors d'un tournoi, penses-tu que cela aide un peu ?
Nelson Mandela a dit que le sport était un langage universel qui donne de la force aux hommes et crée une union entre les individus comme rien d'autre au monde. Si Nelson Mandela l'a dit, vous pouvez imaginer la puissance et l'influence du sport. Et c'est indéniable. Partout dans le monde, cela dépend des parties du monde, il y a un sport qui est le plus suivi, le plus populaire. Et on voit à quel point le sport attise les passions, les véritables valeurs sportives dans lesquelles les gens peuvent se reconnaître. Ils peuvent se reconnaître dans les sportifs, dans leurs sacrifices, le fair-play, l'esprit d'équipe, toutes ces valeurs-là. Ne jamais renoncer... Le travail, l'intégrité. Nous sommes tous en compétition bien sûr, mais avant toute chose, nous sommes tous des êtres humains. Moi, je ne pourrais imaginer, je n'aurais jamais imaginé que j'aurais eu autant de fans, de gens qui suivent ma carrière et aiment ce que je fais. J'essaie toujours de ne jamais oublier d'où je viens, et où je suis aujourd'hui. Donc, au-delà de ce que je fais au tennis, j'essaie de créer, de faire des choses sur le court et en dehors du court, particulièrement avec les jeunes. Les jeunes qui vous regardent et vous admirent, qui suivent ce que vous faites, qui suivent votre carrière. Ce n'est pas toujours possible pour vous d'avoir un comportement toujours irréprochable, mais, moi, personnellement, j'essaie toujours de faire de mon mieux pour partager autant que je peux ces émotions et cet amour que je ressens.Et dans mon pays, c'est très visible. Je vois à quel point le sport influence les gens de façon positive, a un impact positif sur leur vie. Je suis très content de pouvoir être un de ces sportifs qui participent à cet impact.