Tennis. Roland-Garros - Guy Burgel : "Respecter Roland-Garros"
Par Clémence LACOUR le 06/11/2016 à 09:20
Vidéo - La promo de la FFT pour Roland-Garros
Pourquoi une telle rage dans les batailles juridiques qui opposent depuis 2011 la FFT et la Mairie de Paris aux opposants à l'extension de Roland-Garros ? Dans une tribune pour Libération, Guy Burgel, professeur de géographie à l'Université Paris-Nanterre, membre de l'Académie d'architecture, tente d'expliquer les raisons de cette crispation tout en se posant en faveur d'une autre solution que celle de la FFT, qui prendrait en compte selon lui la nécessité d'agrandir l'espace dévolu au tournoi de Roland-Garros tout en respectant les Serres d'Auteuil. La décision sur le fond du dossier sera rendue le 10 novembre par le TGI de Paris. La FFT, elle, avance qu'elle respecte le site tout en l'associant à la modernité du tournoi international. Tennis Actu vous propose de retrouver les arguments de Guy Burgel, opposé à ce projet.
"Le sport participe à la vie sociale et économique d’une nation et d’une capitale mondiale "
Pourquoi les diverses parties se livrent-elles une telle bataille juridique depuis 2011 ? Le géographe livre son avis sur la question : "Si l’on veut comprendre l’enjeu d’un débat qui défraie la chronique judiciaire depuis plusieurs années sur l’avenir des Internationaux de France de tennis, il est nécessaire de distinguer quatre points de vue" explique-t-il pour le quotidien. "Le premier intéresse la place du sport de haut niveau dans la société contemporaine". Guy Burgel reconnaît l'importance de ce sport de haut niveau : "Contrairement à beaucoup d’intellectuels, qui soulignent ses dérives mercantiles, je pense qu’il participe à la vie sociale et économique d’une nation et d’une capitale mondiale comme Paris. Roland-Garros, avec ses foules, ses engouements communicatifs, ses champions mythifiés, fait partie de "l’avantage métropolitain" de Paris." Si la question d'une délocalisation s'était posée, à l'image de Flushing Meadows, le géographe estime qu'elle n'était pas la bonne solution : "A l’étroit, porte d’Auteuil, fallait-il qu’il y reste ? Là encore, les adeptes de la "ville émergente" n’ont pas manqué pour proposer de desserrer la compétition dans la périphérie, à l’instar de l’US Open à Flushing Meadows. Mais New York n’est pas Paris, avec sa centralité historique. Pour des raisons autant symboliques de continuité que fonctionnelles, surtout d’accessibilité, Roland-Garros devait rester porte d’Auteuil."
Un projet qui soustrait des usages sociaux au lieu d'en rajouter
Si le problème n'est donc pas d'avoir gardé Roland-Garros Porte d'Auteuil, quel est-il ? Eh bien, c'est le choix du lieu sur lequel le tournoi, une fois agrandi, s'étendra. En effet, plaide-t-il, ce choix va supprimer des usages de l'espace qui existaient, au lieu d'en rajouter. C'est donc, sociologiquement, une mauvaise option si l'on en croit l'auteur de cette tribune : "Le site d’extension choisi est le pire qui soit en zone d’urbanisation dense. Chasser des implantations sportives scolaires pour construire le Centre national d’entraînement de la Fédération française de tennis (FFT), empiéter sur un jardin historique classé pour un court semi-enterré de 5 000 places est un non-sens urbanistique. En pareille situation, il faut s’efforcer de créer du sol urbain pour ajouter des fonctions, au lieu de soustraire des usages sociaux existants."
Un autre projet, alternatif : recouvrir l'autoroute
Guy Burgel estime que pourtant : "l’alternative existait : recouvrir les infrastructures autoroutières à ciel ouvert, attenantes au site actuel. Malgré le surcoût, mesuré, du projet, et les craintes phobiques des tunnels autoroutiers avancées par certains, c’était un investissement d’avenir pour tous, le tennis, la ville, l’environnement. Il nous aurait épargné bien des développements hasardeux sur les rapports de la modernité et du patrimoine. Evidemment, sous peine de devenir une ville fossilisée et muséifiée sous son histoire architecturale, une ville doit évoluer, se transformer, mais pas dans n’importe quelles conditions."
Burgel attaque la FFT et la Mairie de Paris
Dans sa tribune, Guy Burgel attaque la FFT, qui, selon lui, voudrait à terme annexer les serres : "le manque d’ambition d’une Fédération incapable de voir ses intérêts à long terme, en choisissant de fractionner ses nouvelles implantations, sauf à lui prêter l’intention perverse d’annexer à terme l’ensemble du jardin des serres d’Auteuil", mais également la Mairie de Paris : "Les démêlés judiciaires actuels ne sont que le résultat de l’effacement d’un pouvoir municipal, qui de la piscine Molitor aux serres d’Auteuil s’est montré ici peu soucieux de l’usage social des lieux. Il est toujours regrettable de demander au juge de trancher les faiblesses de la décision politique. La financiarisation de la ville n’explique pas tout."