Tennis. Roland-Garros - Léolia Jeanjean... un roman : "Je n'ai pas de limites !"
Par Augustin PITRÉ le 28/05/2022 à 10:42
Au-delà de la 1000e place mondiale il y a un an, Léolia Jeanjean avait signé une magnifique performance au 1er tour en dominant l'Espagnole Nuria Parrizas-Diaz pour sa première dans le grand tableau à Roland-Garros. Bénéficiaire d'une wild-card grâce à sa victoire à la Race France, Jeanjean a encore déjoué tous les pronostics au 2e tour ce jeudi pour s'offrir le scalp de la 8e joueuse mondiale Karolina Pliskova sur le Simonne-Mathieu. Impitoyable avec l'ancienne n°1 mondiale, la Tricolore a inscrit neuf jeux de rang pour passer de 1-2 à 6-2, 4-0 et filer vers le 3e tour quelques minutes plus tard (6-2, 6-2). Le rêve se poursuit pour la 227e joueuse mondiale qui affrontera Irina Begu pour passer en deuxième semaine. Le chemin réalisé en un an et demi est hallucinant de la part de celle que Tennis Actu avait découvert et rencontré Léolia Jeanjean en décembre 2020 à Poitiers.
Vidéo - Léolia Jeanjean sur son exploit au 2e tour de Roland-Garros
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Merci beaucoup Leolia, et bravo tout d'abord. On a vécu encore de belles émotions ce matin sur ce Simonne-Mathieu. Un match qui a été dominé, on n'a pas peur d'utiliser le mot, parce que c'est vraiment ça, même si, dans la deuxième manche, on aurait imaginé que tu aurais peut-être pu conclure plus vite. Il n'empêche que c'est un match très abouti ; on sent que tu montes vraiment en puissance dans ce tournoi.
C'est sûr que c'est un match qui a été plein, j'ai envie de dire, du premier jusqu'au dernier point. J'ai réussi à mettre ma tactique en place, qui était de la faire beaucoup bouger, de varier assez les hauteurs, les effets de balles, etc. Je ne pensais pas que cela allait se passer comme ça encore une fois. Pour moi, c'est incroyable de me dire que je viens de gagner en deux sets contre une ancienne numéro 1 mondiale, actuellement Top 10. J'ai encore beaucoup de mal à réaliser, mais très contente du match que j'ai fait aujourd'hui.
Est-ce que vous vous surprenez, d'un point de vue émotionnel, comme ça, de passer ?
Oui, je suis très surprise de garder mon calme, d'être aussi concentrée. Pour être honnête, je suis normalement quelqu'un qui s'énerve un peu, qui râle un peu. Je n'ai pas la meilleure des attitudes sur le terrain. Mais depuis que je suis arrivée ici, je pense que je me comporte bien, ce que je fais, c'est bien. Et donc, oui, je suis assez surprise de gérer aussi bien les émotions, surtout sur un court comme le Simonne MATHIEU. C'est la première fois que je joue sur un stade aussi grand, avec autant de monde, autant de monde qui m'encourage, etc. Très contente !
Tu dis que tu gères tes émotions, mais, à des moments, on a presque envie de te dire : "Libère-toi, sois plus démonstrative !" Non, tu savoures l'instant, mais tu as envie de le savourer ce cette façon-là ?
Oui, je n'ai pas envie de m'éparpiller en fait, de perdre un peu d'énergie, j'ai envie de dire... En fait, je suis quand même très tendue quand je joue, et donc, j'ai quand même le cœur qui bat assez vite. Et donc, c'est pourquoi j'essaie de bien respirer, de garder mon calme, de ne pas crier dans tous les sens, parce que pour le moment, je pense que ça me desservirait plus que cela ne m'apporterait quelque chose. C'est la manière dont j'ai envie de célébrer.
Quand Tennis Actu rencontrait Léolia Jeanjean en décembre 2020 !
Tout ce que tu as vécu, ton parcours finalement, est-ce que cela t'aide à un peu dédramatiser l'instant sportif en te disant, il y a peut-être des choses plus graves dans la vie ? Tu as eu tellement de galères que finalement, tu as une forme de distance par rapport à tout ce qui t'arrive ?
Sûrement. Je suis quand même très contente de ce qui se passe, mais avec la vie que j'ai eue, surtout les expériences de vie, je pense que cela m'aide beaucoup à relativiser et à sortir le meilleur de moi-même dans ce genre de moment.
Juste au niveau tennis pur, il y a encore trois semaines, tu n'avais jamais joué contre une top 100, là, tu joues une top 50, tu la bats en deux sets, tu joues une top 10, tu la bats en deux sets. Est-ce que quand tu es sur le court, tu te dis, est-ce que je ne les voyais pas trop fortes, et finalement, j’arrive assez vite à me sentir tennistiquement à l'aise contre ces filles-là ? Es-tu surprise de cela ?
Oui, très surprise. Celle que j’ai jouée au premier tour, la top 50, je ne pensais pas gagner. Aujourd'hui, encore moins. Ce qui me surprend, c'est le fait de voir que mon jeu les dérange autant, finalement. Je pensais que je serais prise de vitesse, que j'allais prendre des coups gagnants dans tous les sens, et finalement, ce n'est pas le cas. Même en termes de services, je pensais qu'elle ferait plus d'aces, que je serais beaucoup plus embêtée. Et oui, je suis très surprise, mais en même temps, très contente, parce que ça veut dire, finalement, que j'ai peut-être le niveau d'être à leur place aussi !
Ça fait un an et demi que tu t'es mis dans la tête de disputer ce Roland-Garros. Sur quoi as-tu le plus bossé pour en arriver là, sur quel aspect de ton jeu, de ton physique, de ton mental ? Sur quoi as-tu le plus bossé ?
Surtout sur le physique. Aux Etats-Unis, j'avais quand même perdu un peu de condition physique, j'avais pris un peu de poids, ce n'était pas évident de revenir. C'est là où j'ai fait le plus gros travail. Après, tennistiquement, j'ai toujours joué comme ça. Forcément, on s'entraîne, on améliore deux ou trois lacunes que j'avais avant. Le gros point a été le physique et l'attitude, surtout.
Léolia Jeanjean évoquant sa vie, son parcours... en février 2021 au micro de Tennis Actu !
Avec ta victoire aujourd'hui, dans le pire des cas, tu devrais être autour de la 150 ème place mondiale, même si cela devait s'arrêter au prochain tour. En début de saison, tu t'étais fixé des objectifs par rapport à ça ? Et j’imagine qu’ils sont totalement explosés aujourd’hui. C'est un peu tôt, tu es dans le tournoi, mais comment vois-tu la suite ? Et le fait d'avancer aussi vite dans ce tournoi, ça change beaucoup de choses pour toi ?
L'objectif, c’était de rentrer qualif de Grand Chelem, pour Roland-Garros. C’est sûr qu’avec ce qui se passe, ça change un peu les plans. Ça change surtout la programmation, parce que j'étais repartie à faire des ITF, des 25, des 60. Là, finalement, je vais pouvoir faire des WTA, et donc ça change beaucoup. J'ai oublié ce que vous avez dit, désolée...
L'objectif de début de saison, avais-tu un cap ?
En vrai, je ne mets pas du tout de limite de classement, surtout quand je vois comment ça se passe là. Dans ma tête, c'était d'être top 100 et tableau de Grand Chelem. En vrai, je joue, et puis je vois comment ça se passe surtout !
Du coup, quand tu arrives dans ce monde-là, Grand Chelem, troisième tour de Grand Chelem, 150ème mondiale, il y a tout qui arrive, la sollicitation des médias, évidemment, une structure à mettre en place. Clairement, est ce que tu as l'impression d'être un peu débordée par tout ce que tu vas devoir organiser ?
C'est surtout les médias, je pense, qui prennent beaucoup de place. C'est quelque chose dont je n'ai pas du tout l'habitude, et où je ne me sens pas très à l'aise. Je pense que ce sera le plus dur à gérer. Après, le reste, je suis quelqu'un d'assez simple, je ne me prend pas du tout la tête. Je vis le moment. Forcément, je suis très, très contente, mais je ne suis pas non plus dans l'euphorie, j'ai envie de dire. Juste, je savoure, et puis voilà ! J'espère surtout que ça ne va pas être ma dernière fois en troisième tour de Grand Chelem.
�'� La belle victoire de Leolia Jeanjean !
— FFT (@FFTennis) May 26, 2022
La Française se qualifie pour le 3e tour de Roland-Garros en battant la tête de série n°8 Karolina Pliskova 6-2, 6-2 ðŸ‘#RolandGarros pic.twitter.com/3RksPpouwG
Bien joué ! Le dropshot sur balle de break, cela arrive d'où ? Vous avez confiance ?
C'est le coup en lequel j'ai le plus confiance, je pense, c'est un coup que j'adore faire depuis toujours. C’est un coup que je trouve joli, efficace, surtout contre ce genre de filles qui sont assez grandes et ne se déplacent pas très bien vers l'avant. C'est instinctif. Je préfère faire ça qu'un décalage coup droit, par exemple ! (Rire.)
Je ne pense pas que Karolina PLISKOVA ait dit : « Leolia who ? » ! Mais est ce que la forme d’anonymat dans laquelle tu avances, est une forme d'avantage pour toi ?
Oui, c’est certain, parce que les filles n'auront aucune idée de qui je suis, de comment je joue. Au contraire de moi, où Karolina, j'ai eu la chance de la voir jouer beaucoup de fois. Je sais qui c'est, ses points forts, ses points faibles. Quand j'arrive sur le terrain, je peux mettre une tactique en place, tandis qu'elles, elles doivent se dire : « Mais, c'est qui cette fille. » Si je suis là, forcément, c'est que je dois bien jouer, je pense, mais je pense que c'est un avantage.