Tennis. Roland-Garros - Marc Maury : "Kuerten en 1997... LA découverte"
Par Alexandre HERCHEUX le 26/05/2020 à 18:56
En cette deuxième quinzaine de mai, il règne - crise sanitaire oblige - une atmosphère bizarre autour du stade Roland-Garros. Une impression de vide absolu. Habituellement, le quartier est bouclé, l'effervescence est palpable, les vrais amateurs de tennis sont au bord des courts. L'édition 2020 des Internationaux de France devait se dérouler du 24 mai au 7 juin sous le soleil parisien. Pour tenter de combler ce vide, Tennis Actu décide de regarder "Dans le rétro de Marc Maury" pour vous présenter durant la quinzaine un évènement qui a marqué l'histoire du Grand Chelem français. Pour cette troisième chronique de la série "Roland-Garros - Dans le Rétro de Marc Maury", retour sur le jour où Gustavo Kuerten a remporté Roland-Garros en étant 66e mondial. Une performance réalisée en 1997 et qui n'a jamais été égalée.
Vidéo - Roland-Garros : Dans le rétro de Marc Maury
Lire la suite de l'article
Guga et Roland-Garros... C'est sans doute la plus belle histoire d'amour après celle de Rafael Nadal avec le tournoi parisien. Si le Brésilien a su charmer le public de la Porte d'Auteuil avec son sourire et son charisme, c'est avant tout ses performances et ses trois titres à Roland qui ont tissé ce lien si particulier avec la France. Et sans doute même le premier en 1997. Un des plus beaux titres de l'histoire de Roland-Garros sans aucun doute. Pourquoi ? Parce qu'un jeune garçon de 20 ans, classé 66e à l'ATP, habillé en jaune et bleu, comme un symbole de sa bonne humeur, est parvenu à la surprise générale à remporter l'un des plus prestigieux trophées du tennis.
Gustavo Kuerten, un jeune brésilien dans l'ombre
Qui peut imaginer remporter un tout premier titre ATP en Grand Chelem ? Guga l'a fait. Ce 26 mai 1997 commençait alors Roland-Garros, et avant ce tournoi, le jeune Gustavo Kuerten n'avait pas fait d'étincelles. Un an auparavant, il avait déjà pu goûter à la folie d'un grand chelem. C'était déjà Porte d'Auteuil, il s'était incliné contre le Sud-Africain Wayne Ferreira 6-4, 7-5, 7-6(4). Un avant-goût. Comme pour s'imprégner de l'atmoshère si particulière d'un grand chelem. En un an, Kuerten a grignoté 65 places au classement, a remporté le Challenger de Campinas chez lui au Brésil, et un autre Challenger, juste avant Roland-Garros, à Curitiba encore une fois chez lui. Mais sur le circuit ATP nada. Guga n'a rien prouvé. Difficile de l'imaginer titiller les Michael Chang, Yevgueni Kafelnikov ou Carlos Moya. Et pourtant...
Des débuts fracassants et l'exploit face à Musterminator
L'aventure parisienne commence contre le Tchèque Slava Dosedel, 73e mondial. Sur le papier, un duel plutôt équilibré même si Kuerten le terrien part tout de même avec un avantage qui se confirmera sur le terrain. Une victoire 6-0, 7-5, 6-1 pour se lancer parfaitement dans le tournoi et rejoindre le Suédois Jonas Bjorkman, 23e mondial, au 2e tour. Plus à l'aise sur surface rapide, le Suédois ne fait pas le poids. Guga s'impose 6-4, 6-2, 4-6, 7-5 et atteint pour la première fois le 3e tour d'un grand chelem. Une belle perf' mais seulement le début d'un conte de fées.
En mars 1997, à Indian Wells, Gustavo Kuerten s'était payé son premier top 10. Il s'agissait de Wayne Ferreira. De quoi lui donner confiance avant son 3e tour face à Thomas Muster. L'Autrichien est une vraie machine de guerre sur terre battue. Mais, le vainqueur de Roland-Garros 1995 arrive toutefois face à Kuerten sans réelle confiance. Sa saison sur terre battue a été manquée jusque-là puisqu'il n'a pas fait mieux qu'un 8e de finale à Hambourg lors des Masters 1000 de préparation. Guga s'engouffre dans la brèche. Malgré la perte du premier set, Kuerten s'accroche et surclasse même Muster pour mener 6-7(3), 6-1, 6-3. L'expérience est du côté de Muster qui recolle à 2 manches partout. A 20 ans, on se dit que Kuerten est peut-être un peu juste pour faire tomber la machine Muster. Mais non ! Guga s'impose 6-4 au 5e et décroche la plus belle victoire de sa carrière jusque-là 6-7(3), 6-1, 6-3, 3-6, 6-4. Direction la deuxième semaine et le défi Medvedev.
Les combats en 5 sets ? Même pas peur !
Demi-finaliste en 1993 et habitué de la deuxième semaine parisienne, Andrei Medvedev part favori contre Kuerten. Comment le Brésilien va-t-il réagir après son gros combat en 5 sets face à Muster ? Et bien de manière phénoménale ! Comme face à l'Autrichien, Guga cède la première manche. Et comme au 3e tour, il réalise un 2e et 3e set tonitruants pour prendre les commandes de la partie et s'approcher d'un nouvel exploit. Si Medvedev n'est que 20e mondial, il reste un sacré client sur terre. Il revient d'ailleurs à 2 sets partout. Mais ce Kuerten-là a un mental exceptionnel. Encore une fois, le 66e mondial s'impose au forceps 5-7, 6-1, 6-2, 1-6, 7-5 et file en quart de finale à la surprise générale.
Le quart contre Kafelnikov : la finale avant l'heure ?
Le défi est encore de taille en quarts. Numéro 3 mondial, Yevgueni Kafelnikov est tout simplement le tenant du titre et le favori de l'édition 97. Tombeur de Cédric Pioline en 5 sets puis sans trembler de Mark Philippoussis, le Russe se présente comme le légitime favori face à Kuerten. Mais d'entrée de jeu, Guga joue relâché et emballe la première manche 6-2. Un coup derrière la tête de Kafelnikov qui réagit dès la seconde manche et reprend même les commandes 6-2, 5-7, 2-6. Gustavo est-il fatigué ? Du tout ! Il inflige un cinglant 6-0 à son adversaire avant de remporter la dernière manche 6-4 et de filer dans le dernier carré. Un match qui marquera le Russe, et le poussera à déclarer bien plus tard : "Guga est le meilleur de sa génération. Pour l'avoir joué dans ses grandes années et surtout en 2001, je pense qu'il est plus complet que Nadal et que si les deux s'étaient confronté à leur meilleur niveau, c'est Kuerten qui aurait gagné." Guga avait fait un grand pas vers le titre en domptant Kafelnikov. Mais il fallait finir le travail.
Guga met fin au rêve de Dewulf
La demi-finale est incroyable. Gustavo Kuerten, 20 ans, 66e mondial, se retrouve face au Belge Filip Dewulf, 124e mondial et issu des qualifications. C'est la meilleure performance d'un qualifié à Roland-Garros. Un record qui tient toujours en 2020. Déjà tombeur du gaucher brésilien Fernando Meligeni au 2e tour, Dewulf semble capable de tout. Mais ce huitième match pour le Belge sera celui de trop. "Guga" s’impose en quatre sets 6-1, 3-6, 6-1, 7-6 et décroche la première finale de sa carrière.
Le rouleau compresseur Kuerten écrase Bruguerra en finale
Après 3 combats en 5 sets, 2 en 4 sets, Kuerten se présente en finale de Roland-Garros face à Sergi Bruguerra. Vainqueur en 92 et 93 de Roland puis demi-finaliste en 94, l'Espagnol est bien entendu le favori de cette finale. Vainqueur du numéro 2 mondial, Michael Chang, en huitième de finale, le Barcelonais semble promis à un troisième titre à Roland-Garros. Comment ce jeune joueur de 20 ans va-t-il appréhender cet évènement ? Son physique peut-il tenir après 15 jours très intenses et des batailles acharnées ?
La finale est à l'image du tournoi de Kuerten : complètement dingue et surprenante. Dans une rencontre à sens unique, Kuerten s'impose 6-3, 6-4, 6-2 et s'adjuge son tout premier titre en grand chelem. Sans aucun doute l'un des plus beaux de l'histoire tant la surprise est immense. Il est d'ailleurs le joueur le moins bien classé à avoir remporté Roland-Garros. Sacré à Paris en 2000 et 2001, Kuerten montrera ensuite que ce n'était pas un hasard et qu'il était bien l'un des meilleurs de l'histoire sur l'ocre. Sans doute aussi grâce à son coach, Larry Passos, loin d'être étranger à cette réussite. Mais avec beaucoup de modestie, Guga avait tout de même reconnu "Je gagne ce tournoi du Grand Chelem presque sans le faire exprès et je me retrouve dans les quinze meilleurs joueurs du monde alors que mon niveau en dehors de Roland-Garros est plus proche de la quarantième place en 1997" Un grand moment de l'histoire de Roland-Garros...