Tennis. Roland-Garros - Saga des qualifications : "le record" de Filip Dewulf
Par Jules HÉRODE le 24/05/2020 à 06:46
En cette deuxième quinzaine de mai, il règne - crise sanitaire oblige - une atmosphère bizarre autour du stade Roland-Garros. Une impression de vide absolu. Habituellement, le quartier est bouclé, l'effervescence est palpable, les vrais amateurs de tennis sont au bord des courts annexes. C'est une semaine magique. On peut voir de près des joueurs qui jouent souvent leur peau pour toucher le Graal : l'accès au grand tableau d'un Grand Chelem. On revoit des anciens, on découvre des jeunes loups affamés. Tennis Actu s'est amusé à effectuer le Top 5 des qualifiés les plus prestigieux du French. L'occasion de revivre des épopées inespérées. Un classement forcément subjectif mais au final, il n'y aura guère de surprises si vous maîtrisez vos qualifs... Après le parcours du lucky loser David Goffin en 2012, Andrei Medvedev en 1992, l'épopée de Thierry Champion en 1990, les fulgurances de Marat Safin en 1998, revivons la saga de Filip Dewulf en 1997.
Vidéo - Filip Dewulf, son Roland-Garros 1997, des qualifs à sa demie
Filip Dewulf a réussi la même prouesse que John McEnroe, Porte d’Auteuil !
En 1977, un jeune new-yorkais nommé John McEnroe avait atteint les demi-finales de Wimbledon en provenant des qualifications. En 1997, Filip Dewulf a réussi la même prouesse Porte d’Auteuil et c’est donc tout naturellement que Tennis Actu le désigne kalife des qualifs de Roland. Reverra-ton, un jour, un joueur capable de remporter huit matches sur la terre battue parisienne ? Pas sûr…
« C’est un souvenir inoubliable, j’ai joué mon meilleur tennis. C’était super grand pour moi et pour la Belgique, raconte Filip Dewulf, aujourd’hui journaliste. C’était fort suivi en Belgique. Des gens me stoppent dans la rue et me racontent qu’ils ont raté des examens car mes matches étaient retransmis en direct. »
« Je me suis fâché avec mon coach »
Le Belge était arrivé à Roland avec le dossard 124. Et sans aucunes certitudes. « Je m’étais donné une entorse à la cheville deux mois avant et j’avais très peu de matches. » Mais le tableau des qualifs lui va comme un gant. D’abord l’Italien Stefano Pescosolido puis le Français Cyril Buscaglione. « Au troisième tour, je tombe sur Julien Chauvin. Je ne le connaissais pas très bien. C’était une grosse opportunité pour les deux. C’était tendu mais je m’en étais sorti. Pour l’anecdote, ma copine était là durant le week-end des qualifs et je voulais profiter de Paris avec elle mais mon coach voulait que je retape la balle une heure tellement le niveau n’était pas bon et je me suis fâché avec lui. »
La répartition des qualifiés dans le tableau final est toujours un moment crucial. Le Belge n’a pas à se plaindre : il hérite d’un autre qualifié : l’Italien Cristiano Caratti. Derrière, il se sort du piège tendu par le gaucher brésilien Fernando Meligeni. Un dur à cuire sur terre…
Au troisième tour, il retrouve un faux qualifié. Albert Portas est 68e mondial. Et pour cause, l’Espagnol venait d’atteindre la finale à Barcelone. Une semaine après le cut pour Roland-Garros. Il était en pleine confiance. La chance de Dewulf, c’est que cette rencontre avait été programmée sur le court 10. Une grosse colonie belge avait envahi Roland pour acheter des annexes et prendre place dans les petites tribunes. « Ca m’a boosté », avoue Filip Dewulf. Pas sûr qu’ailleurs il aurait pu arracher la qualif 8-6 au cinquième set.
Corretja emporté dans les bourrasques
En huitième de finale, son parcours doit théoriquement s’arrêter face à Alex Corretja, 7e mondial, l’un des tout meilleurs spécialistes de l’ocre. C’est sans compter sur une météo épouvantable. Des bourrasques de vent qui font dérailler le Catalan, très perturbé avec ses grandes préparations. Le Central est le cimetière du sympathique Alex.
En quart, c’est le Suédois Magnus Norman, alors 65e mondial. Dewulf s’impose en quatre manches. La Belgique est en folie. Arrive cette fameuse demi-finale face à Gustavo Kuerten, 66e à l’ATP et totalement inconnu. Mais le longiligne brésilien avait tapé Andreï Medvedev et Thomas Muster. « Ma copine était prof de français et elle avait des cours à assurer le matin, se souvient Filip Dewulf. Elle ne pouvait pas venir en voiture. Alors, un journal local lui a affrété un hélicoptère et elle était arrivée juste à temps. Je crois qu’elle avait apprécié le voyage. »
Mais ce huitième match sera celui de trop. « Guga » s’impose en quatre sets (6-1, 3-6, 6-1, 7-6). Fin du rêve. Mais quel toboggan ! Monté 58e à l’ATP au lendemain de son épopée, Filip Dewulf remportera son deuxième titre en juillet à Kiztbühel. Il connaîtra un pic à 39. En 1998, il se hisse en quart de finale à Roland-Garros. Mais cette fois, Alex Corretja prendra sa revanche. Et Filip Dewulf ne jouera plus Roland-Garros…