Tennis. ATP - Aziz Dougaz : le futur du tennis en Tunisie
Par Clémence LACOUR le 17/08/2016 à 16:25
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La Tunisie est parvenue, devant son public, et avec l'aide de Malek Jaziri (62e) qui a tant donné de fil à retordre à Jo-Wilfried Tsonga lors des Jeux Olympiques, à se maintenir dans le groupe II Europe-Afrique, et elle a compté dans ses rangs un nouveau venu, Aziz Dougaz, un joueur que Tennis Actu suit depuis un an, et qui espère bien devenir la relève du 62e mondial. Ancien n°46 juniors , le gaucher de La Marsa a actuellement de jolis résultats sur le circuit ITF. Il reste sur deux 16e de finale sur des Futures au Maroc, a remporté un titre en double avec Skander Mansouri à Nador fin juillet ; un tournoi dont il a été également finaliste en simple. Tennis Actu l'a rencontré pour faire le point sur sa carrière.
La dernière fois que nous nous étions contactés, c'était il y a un an, juste avant Wimbledon junior, où vous aviez été battu par Geoffrey Blancaneaux, vainqueur cette année de Roland-Garros Junior.. Vous hésitiez entre poursuivre votre carrière tennistique ou arrêter. Que s'est-il passé depuis ? Quelles sont vos aspirations à l'avenir ?
Après ma dernière année de Juniors, avec mes parents, j'ai décidé que la meilleure option pour moi était d'intégrer une université américaine qui est dans le top 20 des universités. Nous avons opté pour ce choix là car c'est une option qui me permet de me développer énormément en tant que joueur et me préparer pour le haut niveau. En plus, les règles du sport universitaire ont changé et j'ai quand même pu faire 15 Futures en 2015. J'en ai fait 8 cette année et je vais en refaire trois en septembre. L'objectif c'est de rester 3 ans à l'université, où je vais beaucoup m'améliorer et faire des Futures en parallèle. L'objectif c'est d'avoir un classement dans les 500-600 ATP et puis vers 21 ans, une fois que je sentirai que je suis prêt pour jouer sur le circuit à 100%, je pourrai m'y impliquer aussi à 100%. Financièrement, c'est une décision qui est la meilleure. L'aspect financier a beaucoup joué car je suis pris en charge pour tout ce que je fais là-bas. C'est donc pour moi une occasion en or de me développer en tant que joueur et de rester sur le circuit tout en étudiant, bien évidemment. Je compte faire encore une année pleine en université, où je compte beaucoup me développer tennistiquement, physiquement et mentalement et beaucoup gagner en maturité. Je vais essayer de faire le maximum de Futures pendant cette période.
Le choix de l'université américaine est donc selon vous la meilleure façon d'aller vers une carrière de professionnel ?
Les Etats-Unis c'est vraiment pour moi l'opportunité de garder mon rêve en tête. C'est ce qui me permet d'avoir d'excellentes conditions d'entraînement pour pouvoir jouer ensuite à haut niveau. Je suis suivi par trois coachs qui sont excellents. L'assistant-coach a été 150 ATP, il a joué tous les Grands Chelems, donc c'est quelqu'un qui va beaucoup m'aider et m'apporter énormément. On a deux autres coachs, un préparateur physique, un préparateur mental et donc des conditions propices au développement d'un joueur de haut niveau. Pour moi, l'université américaine, contrairement aux idées reçues, ne sonne pas le glas d'une carrière professionnelle, et beaucoup de joueurs commencent à comprendre cela car on a des conditions d'entraînement extraordinaires et qu'il n'est pas possible d'avoir dans une académie. Nous avons de très bons coachs, nous jouons des matchs de très haut niveau chaque semaine, c'est à dire des matchs du niveau top 300 ou top 400. En 6 mois, je me suis énormement amélioré. C'est un tremplin, et, dans l'avenir, de plus en plus de joueurs vont aller dans cette voie. Quand on voit le nombre de joueurs de 21 ans environ, qui sont aux portes du top 100 et qui arrêtent leur carrière car ils sont épuisés mentalement et financièrement, je me dis qu'il faut prendre son temps et ne pas s'attaquer au circuit professionnel sans avoir les armes. Beaucoup de Juniors font cette erreur-là, qui est, à 18 ans, d'aller sur le circuit en pensant que ça va être facile, et qui se retrouvent à 21 ou 22 ans 500 ou 600 ATP et c'est alors trop difficile de continuer.
Comment voyez-vous le présent, et le futur du système ATP/ ITF qui, actuellement, paraît problématique avec les divers scandales qui ont éclaté cette année autour des matchs truqués et qui ne permet pas de vivre correctement quand on est hors du Top 100 ?
C'est sûr que cette décision a aussi été amenée par le fait que survivre sur le circuit lorsqu'on est hors du top 100 ou 200 c'est très compliqué. Les écarts en tournois entre les gars sont très faibles. C'est très dur d'assurer sa survie quand on est dans les 300/400 ATP. C'est pour ça que les universités américaines sont une bonne option pour moi. Et j'espère ne pas rester longtemps dans le giron des 300/400 ATP. J'ai fait huit tournois cette année, et j'ai gagné 21 points, ce qui me classe autour des 690e ATP. Je vois que j'ai le niveau pour jouer parmi les 300 / 400 premiers mais je suis encore loin des 100 premiers. C'est pour cela que ça ne sert à rien de brûler les étapes, de me lancer trop jeune sur le circuit, de m'épuiser financièrement et moralement. J'ai fait le choix de faire un pas en arrière sur le circuit ATP : je vais être moins présent sur ce circuit là, et faire 10 pas en avant après le cycle universitaire, où je serai plus fort en tant que joueur. J'ai un sponsor, qui fait parti de mon projet, qui sponsorise aussi Malek Jaziri, c'est une société en Tunisie qui s'appelle Libero Peaudouce, c'est un ancien champion de tennis, c'est une société qui sponsorise énormément d'athlètes, dont des athlètes qui sont aux Jeux Olympiques. Ils font eux aussi partie de mon projet et m'encouragent à fond et m'aideront aussi lorsque je serai sur le circuit, ce qui est la raison pour laquelle je joue au tennis.
Vous êtes Tunisien, une fédération moins forte certes que la FFT ou la fédération espagnole, mais qui a eu et a actuellement de beaux joueurs, comme Malek Jaziri, avec lequel vous avez joué la Coupe Davis. Quelle est la place de votre Fédération dans votre projet et quelles sont les perspectives pour les jeunes joueurs tunisiens ?
Ma Fédération m'a poussé vers ce choix-là et est tout à fait d'accord, elle pense aussi que c'était la meilleure des décisions à prendre et m'encourage vers cela. On attend ensemble que ce soit le bon moment pour que je passe professionnel à temps plein et elle est prête à m'aider. Concernant la Coupe Davis, c'est une expérience magnifique de pouvoir jouer pour son pays. C'est l'une des plus belles consécrations pour un athlète. Le fait de la jouer aux côtés d'un joueur qui est Top 60, Malek Jaziri, c'est quelque chose qui nous met encore plus en confiance, qui nous permet de rêver et d'y croire. On se dit que si un autre Tunisien l'a fait alors c'est possible.J'ai gagné mon premier match dans le groupe II. On a gagné face à la Bulgarie. C'est un week-end qui m'a énromement donné de confiance en si peu de temps. Nous nous sommes maintenus dans le groupe II et j'espère que l'aventure va continuer l'an prochain et que l'on va réussir de bonnes rencontres, et pourquoi pas monter dans le Groupe I. Nous avons joué en Tunisie, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. Je pense que cela a permis aux jeunes joueurs de voir Malek et les autres joueurs, de voir que c'est possible avec de l'ambition et des objectifs. J'espère que beaucoup de jeunes en Tunisie croient en eux. Après, c'est une route semée d'embûches. J'espère que les joueurs tunisiens vont faire de mieux en mieux dans le futur.
Propos recueillis par Clémence Lacour