Tennis. Chronique - Leconte : "Le tennis n'est pas en perdition mais pas loin"
Par Alexandre HERCHEUX le 16/05/2020 à 08:13
Henri Leconte, c'est l'un des joueurs, si ce n'est LE joueur le plus populaire du tennis français. Finaliste de Roland-Garros en 1988, vainqueur de la Coupe Davis en 1991 et ancien numéro 5 mondial, Henri Leconte, également consultant pour Eurosport, est connu et aimé pour son franc-parler. Un véritable passionné et amoureux de tennis qui a forcément un avis sur tout ce qui touche à la petite balle jaune. C'est donc pour cette raison qu'Henri, également consultant pour Eurosport, a accepté de nous proposer sa chronique sur Tennis Actu. Après nous avoir parlé de Roland-Garros et avoir tirer la sonnette d'alarme concernant les clubs la semaine passée, "Riton" a décidé de nous parler de la lettre d'Ines Ibbou adressée à Dominic Thiem et d'évoquer la situation compliquée du tennis en France, mais aussi dans le monde : "Le tennis n'est pas en perdition mais pas loin… "
Vidéo - Leconte : "Le cri du coeur d'Ines Ibbou est génial"
"Je trouve ça magnifique, c’est quelque chose de fort de la part d’une passionnée"
D’un côté, on a la réaction de Dominic Thiem, très prudent, qui réagit aussi en fonction de sa personnalité, car il est introverti, ce n’est pas un Nick Kyrgios, il faut le comprendre un petit peu. Et de l’autre, on a une personne qui fait une lettre très forte pour le monde du tennis. Je pense qu’on ne parle pas assez de ce qu’il se passe derrière. On parle beaucoup des tops players mais il faut trouver un système qui est plus performant. La fusion ATP/WTA pourrait être une bonne chose en ce sens. Il est vrai que lorsque tu joues dans certains pays, tu es plus désavantagé que d’autres. Moi, j’ai eu la chance d’être né en France. Après, il n’y a pas que le tennis qui a ces problèmes, je pense que ça peut être dans tous les sports. Dans le foot, c’est pareil. On parle de l’élite mais combien sortent pour jouer au PSG ? Ensuite, à l’époque, sans internet, on ne pouvait pas communiquer aussi bien qu’aujourd’hui. Maintenant, on est à l’écoute, plus près des gens. On va peut-être pouvoir réagir et aider ces personnes qui ont un potentiel.
Après, attention, on ne peut pas aider tout le monde. C’est très délicat… Je trouve ça magnifique, la lettre est belle, c’est quelque chose de fort de la part d’une passionnée. C’est génial ! A 16 ans, Tiriac (Ndlr : Ion Tiriac, ancien joueur Roumain, vainqueur de Roland-Garros en double en 1970) m’a pris sous son aile, j’étais sparring et c’est ce qui m’a sauvé. Je pense que c’est un « au secours » de la part d'Ines, c’est beau mais elle dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Il ne faut pas oublier que beaucoup de joueurs aident, comme par exemple Roger Federer. Il prend des joueurs sous son aile lorsqu’il va à Dubaï. Il n’y a pas que du négatif.
My open letter to @ThiemDomi
— Ines Ibbou (@InesIbbou) May 9, 2020
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"Ines est la porte-parole de ce tennis qui souffre"
Encore une fois, c’est très beau et elle a eu le courage de le faire ! Tout le monde du tennis et du sport souffre. Nous avions évoqué les clubs la semaine passée, le tennis souffre ! Ines est bien sûr la porte-parole de ce tennis qui souffre, de ces jeunes qui sont obligés de trouver un autre job. Il y a beaucoup de joueurs en difficulté. On parle beaucoup de Roland-Garros en France, mais ce n’est pas le fond du problème : ce sont les clubs le problème. Ce sont les présidents, les bénévoles, les jeunes... Je pense qu’on rate de très bons joueurs. Il faut redynamiser le tennis, redonner un second souffle. On a la possibilité de pouvoir évoluer malgré le confinement qui a duré 2 mois. Il faut aider ces clubs en difficulté, on n’en parle pas assez. On vit dans un microcosme à Paris, mais en dehors de Paris, c’est très compliqué. Il faut redonner un nouvel élan et aider ceux qui ont le potentiel pour y arriver.
"On aura toujours des gens lésés, on le sait !"
On ne peut pas aider tout le monde. Il y a beaucoup d’argent qui va vers les tops players. Que faut-il faire pour améliorer ? Aujourd’hui, il y a une belle évolution, il ne faut pas voir que le négatif. C’est vrai que les déplacements sont de plus en plus chers, donc on pourrait réfléchir à comment aider ceux qui sont en difficultés financières. Le prize-money augmente aussi : quand tu perds à Roland-Garros maintenant, ça n’a plus rien à voir avec ma génération. Les instances et fédérations doivent trouver comment aider ceux qui connaissent des difficultés. C’est politique. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore la solution. On ne l’aura pas tout de suite. Créer un fonds avec les meilleurs joueurs du monde pour aider les joueurs en difficultés, je trouve ça très très bien ! Je pense que tout le monde réfléchit. Honnêtement, je ne sais pas comment on pourrait aider ces joueurs… Les clubs peuvent aider peut-être en trouvant des solutions, en créant quelques fonds, quelques animations… Aujourd’hui, on ne peut pas faire grand-chose dans la situation actuelle. Le Covid-19 nous bloque encore. Ce qui m’interpelle, c’est que ça parle en ce moment ! Ca discute et donc ça réfléchit ! Après, on aura toujours des gens lésés, on le sait !
"On ne va pas dire que le tennis est en perdition mais pas loin…"
Dans chaque difficulté, il y a toujours un moment où l’on réfléchit pour améliorer notre système. Pour l’instant, l’année est blanche, on a eu un seul tournoi du grand chelem qui a fonctionné, Roland-Garros on ne sait pas encore. Ça nous permet de réagir pour remettre à niveau le tennis mondial, améliorer le système mis en place depuis des années et comment reconquérir les spectateurs et téléspectateurs. On a la chance d'avoir les 4 Grands Chelems mais si tu regardes les autres tournois...c'est compliqué ! On ne va pas dire que le tennis est en perdition mais pas loin… Aujourd’hui tout le monde a peur pour la suite, mais c’est dans les moments difficiles que l’on rebondit d’une autre façon. C’est très intéressant de pouvoir compter sur des joueurs et des joueuses qui parlent et posent les problèmes. Il faut s’entraider, être solidaire, pour faire grandir et évoluer le tennis français et mondial. C’est en ce moment qu’il faut vraiment éviter de se tirer dans les pattes.