Tennis. Fête Le Mur - Noah : "J'ai voulu faire comme Arthur Ashe"
Par Clémence LACOUR le 03/07/2017 à 10:58
En 1996, Yannick Noah, auréolé de gloire, a pris le taureau par les cornes pour que le tennis puisse aller vers les enfants des quartiers difficiles. 20 ans après, l'association Fête Le Mur a rencontré un réel succès et permet à de nombreux jeunes, garçons et filles, de sortir de leur quartier, de voyager, de trouver du travail, et de s'épanouir grâce au tennis et à l'école d'arbitrage. Tennis Actu a rencontré Yannick Noah à Marseille, lors du tournoi national de l'association. Comment s'est-il engagé dans cette aventure humaine ? Quel est le but de son action ? Rencontre.
Vidéo - Quand Yannick Noah s'engage avec Fête Le Mur
Comment vous est venue l'idée de cette association ?
J'étais môme au Cameroun et j'ai été découvert par un joueur professionnel américain. C'est grâce à lui que j'ai pu vivre mon rêve. Il a parlé de moi à la Fédération, ici en France. Je suis venu à l'âge de 12 ans en sport étude. Il m'a conseillé, j'ai suivi sa carrière. C'était un peu mon héros, mon idole. C'était Arthur Ashe. Il était n°1 mondial, c'était un super joueur. Quand il a arrêté sa carrière, il a ouvert des centres dans la banlieue New-Yorkaise, et un peu partout dans les banlieues aux Etats-Unis, pour que les gamins puissent jouer au tennis. J'ai trouvé ça très chic, très beau et mon rêve, c'était de pouvoir développer le tennis dans les banlieues ici en France. Il m'a inspiré. En 1996, après la Coupe Davis, j'avais du temps. Je voulais rester dans le sport et il y avait des gamins que je connaissais, qui habitaient dans les banlieues, et ça me frustrait qu'ils n'aient pas accès au tennis. Quand j'étais gamin, on jouait contre le mur souvent. On n'a pas d'adversaire, on n'a pas accès au court. Le mur, en banlieue, ce n'est pas du tout synonyme de liberté, au contraire. Alors qu'en tennis, quand tu as un mur, c'est un super partenaire d'entraînement, d'où l'idée de fêter le mur. On s'est dit qu'il fallait ensuite aller plus loin.
Quel est votre rôle au sein de cette association ?
Les équipes sont en place et sont rôdées. J'essaie de motiver un peu les annonceurs et les municipalités. Il y a des bons et des mauvais côtés à la notoriété. Autant que ça aide. J'espère que je m'en sers à bon escient. Je suis content. Parce qu'il y a beaucoup de gamins qui jouent, mais surtout on est une équipe. Il y a les éducateurs, aussi. On va aussi chercher la Fédération pour qu'elle nous aide. Au début, les gens étaient un peu sceptiques. Et puis ils sont surpris de voir que les gamins se comportent bien. Ils sont sympas. A travers le tennis, on essaye de les encadrer, de leur inculquer des valeurs qu'on peut retrouver dans le sport, mais pas seulement. Les gamins sont bien. Ils sont très beaux.
La finale du tournoi de Fête le Mur se déroule ici à Marseille. C'est un regret pour vous que la demi-finale de la Coupe Davis ne s'y déroule pas, elle aussi ?
Je regrette, oui... Avec les joueurs, on était très excités à l'idée de jouer au Vélodrome, parce que ça aurait été une première, ça aurait eu de la gueule. On n'a jamais eu l'occasion de jouer dans un stade comme celui-ci, connu pour son ambiance. On a eu l'occasion de jouer à Marseille, mais ce n'était pas au Vélodrome. Ca aurait été bien ! Un France-Serbie au Vélodrome, ça aurait eu de la gueule. Il se trouve que ce sera à Lille. C'est bien aussi. Le stade est beau et il est couvert. Mais on y a déjà joué la finale. Ca aurait été bien d'être des ambassadeurs.
Le tennis et Fête Le Mur permettent une vraie mixité garçons-filles et un accès au sport pour les filles dans les quartiers, ce qui n'est pas si évident. C'est quelque chose que vous aviez en tête ?
C'est tellement une évidence ! C'était évident. Il n'y a aucune réflexion de ma part là-dessus. Au tennis, c'est une évidence qu'il y ait des garçons mais il y a des filles. Les gamins se rencontrent, passent du temps ensemble. C'est sympa de voir par exemple un match de gamins arbitré par une fille. C'est la chef, il faut la respecter. Mais ce n'est pas seulement dans le jeu. Autour du jeu, il y a l'arbitrage, d'autres sports comme le double dutch, du soutien scolaire. On essaye de faire tout ce qu'on peut avec les moyens qu'on a. Avoir les filles, c'est important. C'est l'avantage de ce sport que j'aime. Je suis capitaine des équipes de France des filles et des garçons, je passe de l'un à l'autre très naturellement.
Quel est votre but à présent, avec cette association ?
Dans un monde idéal, il n'y aurait pas besoin de l'association. On a plus de 30 sites. On vient de signer un nouvel accord, à Roland-Garros avec la FFT. Après 20 ans, on va travailler avec la Fédération, on va y avoir un bureau. La Fédération va vraiment s'investir. L'idéal ce serait que du jour au ledemain, les moyens de la Fédération, qui sont très importants, aillent vers ces enfants qui en ont besoin. Il faut pérenniser le projet. C'est un état d'esprit. Il faut le préserver. Ca crée des liens, c'est une aventure humaine.
Le but, ce serait de faire une République tennistique : Liberté, Egalité, Fraternité ?
C'est pas mal comme idée. Il y a de ça. En 1995, il y a eu des émeutes dans les banlieues. Il y en a toujours, il y en a eu avant, il y en a eu après. A la fin, la question c'est ce qu'on fait en tant que citoyen pour ces banlieues. Il faut y aller. Il y a trop de gens qui en parlent et qui n'y ont jamais mis les pieds. En parler c'est bien, mais il faut y aller, il faut agir.