Tennis. Interview - Alice Robbe, la 242e mondiale : "Je voulais arrêter à 17 ans..."
Après avoir vécu une année 2023 très enrichissante, avec notamment deux titres en 25 000 dollars, Alice Robbe va-t-elle encore franchir un cap en 2024 ? Pour la première fois, la Normande a pu disputer l'an passé les qualifications de Roland-Garros (où elle a atteint le troisième tour), de Wimbledon puis de l'US Open. Début 2024, elle a même pu compléter la liste en jouant les qualifs australiennes. Ajoutons à cela le rôle de porte-drapeau et une médaille de bronze aux Jeux Universitaires 2023. Mise à l'honneur lors de la Soirée des Champions de la Ligue de Normandie, et également nommée athlète universitaire féminine de l'année 2023, Alice Robbe, qui a pour la première fois eu un bilan financier annuel positif dans sa carrière, a aussi connu des galères.
Vidéo - L'ENTRETIEN, Alice Robbe a échangé avec Tennis Actu
Touchée à l'épaule, la joueuse de 23 ans n'a pas pu s'illustrer dans le dernier tiers de la saison 2023. Encore gênée début 2024, la Hermanvillaise a désormais trouvé la cause de sa blessure à l'épaule et va beaucoup mieux. Libérée de la douleur, l'actuelle 238e mondiale est prête à refaire parler d'elle. Dans le coup pour être dans le cut qualifs de Roland-Garros, Robbe pourra également viser une wild-card de la FFT si son classement ne lui permet pas d'entrer directement. Son année 2023, la première saison sans perdre d'argent, ses doutes, ses ambitions... L'Entretien Tennis Actu avec Alice Robbe.
"Athlète universaire de l'année 2023, je ne m’y attendais pas trop"
Alice, tu as été récemment mise à l’honneur par la Ligue de Normandie pour ton année 2023, mais aussi nommée athlète universitaire féminine de l’année 2023. Des belles fiertés ?
Oui, je ne m’y attendais pas trop, surtout sportive universitaire. C’était vraiment extraordinaire.
C’est aussi du positif dans une période compliquée en ce moment…
C’est vrai que ça me permet de me rappeler que j’avais fait une bonne année en 2023, même si ça fait quelques semaines que c’est compliqué. Ça m’a redonné un peu le moral.
Depuis la finale à Cherbourg en octobre dernier, il y a eu une série de 9 défaites de suite et 14 défaites sur les 18 derniers matchs. Comment expliques-tu ces difficultés ?
Il y a eu plusieurs choses. J’ai eu des soucis d’épaule qui ne m’ont pas obligée à m’arrêter mais qui m’ont handicapée. Ça a été très compliqué. Je ne pouvais ni jouer ni m’entraîner comme je voulais. Les résultats ont été moins bons, surtout que je jouais des tournois plus forts. J’ai eu la chance de ne pas m’arrêter complètement. Ça a été frustrant de ne pas pouvoir jouer complètement.
T’arrêter complètement ne servait à rien ?
Non pas vraiment… J’ai mis sept mois à comprendre ce qu’il se passait. Il n’y a pas d’intervention à faire mais au moins je sais ce que j’ai. Il faudra de la rééducation et il y a une solution. Mon épaule n’est pas assez renforcée et la tête de l’humérus ne tient pas à sa place. Ça pince les nerfs de muscles, notamment le biceps. Je n’avais plus de force au service donc je servais à la cuillère parfois. Il faudra du kiné et de la rééducation.
La tenniswoman Alice Robbe (classée 14ème française et 222ème WTA), co-porte drapeau tricolore avec Benoît Campion, décroche une belle médaille de bronze aux 31èmes Jeux Mondiaux Universitaires de Chengdu (Chine) ! 🇫🇷ðŸŒðŸ‡¨ðŸ‡³
— FFSU (@FFSportU) August 6, 2023
Bravo Alice ! ðŸ‘🥉🎾#FFSU #TeamFranceU pic.twitter.com/QIJIO04p77
"2023 a été ma première année où je n’ai pas perdu d’argent, c’est appréciable"
Il faut rappeler que tu as vécu de belles expériences en 2023. Ça représente quoi d’avoir pu jouer les quatre tournois du Grand Chelem d’affilée.
C’était inattendu pour moi, car l’année d’avant j’étais encore 450. Ça a été génial, d’autant que je n’ai pas joué les Juniors donc c’était la découverte. J’ai profité un max et ça donne envie pour la suite.
Ça a aussi permis de gagner de l’argent. Tu avais lancé une cagnotte en ligne pour te financer quand tu avais 19 ans. Fin 2022, c’était encore la galère car tu ne gagnais pas ta vie, comme la plupart des joueurs hors du cut Grand Chelem. Ça a été un soulagement d’empocher ces beaux chèques en Grand Chelem ?
Oui… Je ne me plains pas, c’est un choix de vie. Mais, c’est difficile. Ça a été ma première année où je n’ai pas perdu d’argent. C’est la première année où je n’ai pas été dans le négatif, sans en gagner beaucoup. C’est appréciable. J’ai 23 ans, je n’ai pas envie de demander de l’argent à mes proches. C’est un soulagement. Ça a été une année différente de ce point de vue. Ça soulage l’esprit de moins compter.
On se sent plus léger de voir un peu plus loin ?
Oui, je peux voir quatre, cinq mois devant moi, alors que d’habitude c’est quatre, cinq semaines. Je vois un petit plus loin et c’est appréciable.
As-tu étoffé ton équipe ?
Non car elle était bien construite mais j’ai pu amener mon coach plus souvent. Ça permet de progresser aussi plus facilement.
Est-ce que tu considères que ton projet a été relancé avec ce bilan positif ?
Je ne me mettais jamais dans le rouge. Je me mettais une limite de déficit par an. Ensuite, je jouais moins loin ou en CNGT. On est pro en étant 800e mais quand on perd 10 000 ou 15 000 par an, on a du mal à voir ça comme un vrai métier. Là, en voyant du positif, on considère plus facilement l’activité comme un métier.
Alice Robbe avait passé deux tours lors des qualifications de Roland-Garros 2023
"Je voulais arrêter après mes 17 ans"
As-tu eu des doutes sur le fait de continuer ?
Oui beaucoup. Je voulais arrêter après mes 17 ans déjà. Le Covid m’a fait remettre ça en question. J’ai trouvé ça long et je n’ai pas pu m’entraîner. Finalement, à la reprise ça s’est bien passé. Même récemment, les soucis d’épaules font aussi se poser des questions. Il y a eu plusieurs moments…
Les doutes sont balayés maintenant ?
Oui, je ne suis pas sortie d’affaire mais je vois le bon bout. Je joue sans douleur depuis quelques semaines. Ça fait plaisir et du bien au moral.
Il y avait aussi eu les Jeux Universitaires en 2023 : porte drapeau et médaillée de bronze finalement. Un grand souvenir ?
C’était génial. C’est arrivé quand j’étais dans le dur cet été. Ce sont des moments que j’adore avec la FFSU. Les JU, même si ce ne sont pas les vrais, ça y ressemble et la cérémonie était digne de JO.
C’était plus fort que les qualifs de Roland ?
C’est dur de comparer mais ça arrive très vite dans les grands moments de l’année.
C’était dur de redescendre de ton nuage ensuite ?
Peut-être mais je ne l’ai pas trop vécu comme ça. Je sais que c’est un moment où c’est compliqué pour moi. Je me suis laissée emporter parce que je jouais bien mais on n’a pas été raisonnable. J’aurais dû prendre des vacances un peu plus tôt.
Le tennis normand était à l'honneur le 22 mars dernier...
"J’aimerais vraiment refaire Wimbledon"
Concernant la suite, il y aura environ 170 points à défendre jusqu’à Roland-Garros. C’est difficile à gérer ? Quelle approche as-tu ?
Je ne savais même pas. C’est mon entraîneur qui gère. Je n’ai jamais fonctionné comme ça. Ça ne m’intéresse pas trop. Je fais de mon mieux chaque semaine et je ne compte pas trop les points.
Quel va être l’objectif ? Sauver avant tout le cut qualifs de Grand Chelem ?
Oui et non. J’étais déjà sur des objectifs de jeu sans douleur déjà. Après, oui on est comme tout le monde. Je ne suis pas loin du cut qualifs donc on va essayer. Mais je ne raisonne pas trop comme ça. Tant pis si ça ne fonctionne pas, on visera le Grand Chelem suivant.
A quoi ressemblerait une année 2024 réussie ?
De jouer sans douleur, de profiter, de partager des bons moments avec mon équipe, de progresser, de refaire des qualifs de Grand Chelem… La blessure m’a fait voir les choses différemment. Se sentir bien sur le terrain, c’est un truc important.
Nos entretiens sur Tennis Actu se terminent toujours avec la traditionnelle question des rêves. Tu as 23 ans, tu as découvert les tournois du Grand Chelem. Quels sont tes rêves en tant que joueuse de tennis ?
J’aimerais vraiment refaire Wimbledon. J’ai aimé jouer sur gazon, je n’avais pas eu l’occasion avant. J’ai été frustrée car sur la fin de mon match (défaite au premier tour des qualifications de Wimbledon contre Ashlyn Krueger, 6-4, 3-6, 6-1), j’ai eu l’impression que je commençais à vraiment m’amuser mais c’était tard. Je pense que je peux bien jouer et m’amuser là-dessus. La surface, on ne la retrouve pas ailleurs. C’est une raison de plus de faire celui-là.