Tennis. ITW - S. Houdet : "J'ai lancé deux pavés dans la mare"
Par Bastien RAMBERT le 03/02/2016 à 09:21
Vidéo - Stéphane Houdet et l'avenir du tennis fauteuil
A 45 ans, Stéphane Houdet est de retour à la place de numéro un mondial en simple du tennis fauteuil. Le Français, vainqueur de l'Open d'Australie en double avec son compatriote Nicolas Peifer en sauvant deux balles de match à 0-5 dans le dernier set, raconte à Tennis Actu ce qu'il a vécu à Melbourne et notamment ce moment très sympa avec Angelique Kerber, la gagnante dames. Il ne veut surtout pas s'arrêter sur son nouveau classement et explique qu'il entend bien continuer à faire évoluer son sport, dans tous les domaines.
Stéphane, avec le recul, réalisez-vous encore plus votre exploit en finale du double de l’Open d’Australie avec ces deux balles de match sauvées ?
Avec Nicolas on s’échange plein de textos. J’ai regardé le match dans l’avion du retour. On réalise encore plus. On sauve deux balles de match à 0-5, 15-40 mais de mémoire je ne me souvenais pas que les autres jeux furent aussi disputés. C’était plus chaud que ce que je pensais.
Que représente ce quatrième sacre en double à Melbourne ?
Maintenant que j’ai pris le goût de la victoire en simple, le double a un côté un peu plus accessoire. Cela représente le fait qu’une paire française est capable de rivaliser avec tout le monde. On est 2, 3, 4 (Houdet, Peifer, Jeremiasz) au classement mondial en double. 2016 est une année où la France devrait briller.
De nouveau numéro un mondial à 45 ans, c’est un sacré accomplissement…
Il y a quelques années j’ai pris le pari de changer de position. L’année dernière en avril j’ai changé de fauteuil. Il y a eu des critiques, des points de pénalité cette année à l’Open d’Australie mais on répond aux interrogations. Il y a une évolution technologique, tennistique. Je mets le pied dans la mare. On a tous joué d’une certaine façon depuis longtemps. Il est temps de se poser de nouvelles questions pour faire évoluer notre sport. C’est intéressant qu’un joueur plus âgé comme moi puisse être numéro un. Les Chinois m’ont pris en photo dans tous les sens. Les choses ne sont pas figées.
Pensez-vous qu’il y ait une certaine méfiance ?
C’est naturel d’être conservateur. Le monde actuel est gouverné par la peur. Des gens avec une vision différente sont capables de faire différemment. Aujourd’hui la façon assez douce est de montrer qu’il ne faut pas avoir les deux pieds dans le même sabot.
Prenez-vous le temps de savourer cette place de n°1 ou il faut tout de suite repartir à l’abordage en cette année olympique ?
C’est la vie d’un joueur de tennis. Il est hors de question de se reposer sur ses lauriers. L’Open d’Australie est déjà fini. Bientôt il y aura Roland-Garros, Wimbledon pour la première fois en simple, les Jeux Paralympiques de Rio. On a l’habitude de fonctionner comme cela. Rien n’est indéboulonnable. Il faut prendre les victoires comme elles sont. Je suis très loin des qualités de déplacement des autres. Cela donne des perspectives d’évolutions. Le poids du corps est supporté par le fauteuil, je ne me suis pas blessé depuis longtemps, je m’amuse, j’adore faire le tour du monde... En fait, j’ai lancé deux pavés dans la mare et un nouveau défi : Etre numéro un à 45 ans (rires).
Racontez-nous votre photo avec Angelique Kerber, la gagnante de l’Open d’Australie 2016…
Nicolas et moi on s’entraînait sur un court couvert juste à côté de Kerber, tranquille dans son coin. Toute la presse était à l’entrée. On lui a souhaité bon match. Elle a fait de même avec un grand sourire. Les gens autour ne s’attendaient pas à cela. J’ai dit à un copain venu exprès de Paris : "Si tu veux prendre une photo avec une gagnante de Grand Chelem, c’est maintenant." Il ne l’a pas prise tout de suite. Au restaurant des joueurs, on a vu son coach avec un grand sourire, pour elle et pour nous. Angelique était très demandée et suivie par la chaperonne du contrôle antidopage. On était tous un peu dans l’euphorie. On lui a raconté notre exploit. Elle a dit que c’était génial. Son coach était bluffé et ensuite il était très chaud pour fêter cela (rires).
Estimez-vous que le traitement médiatique du tennis fauteuil en France est à la hauteur des performances tricolores ?
Cela dépend des pays. Le tirage au sort de l’Open d’Australie a été diffusé en direct et réalisé sur la Margaret Court Arena en présence de Pat Rafter et Jonas Bjorkman avec une vingtaine de photographes. La TV japonaise a acheté les droits des tournois du Grand Chelem. Shingo Kunieda (maintenant numéro deux) m’a dit : "Tu es une star dans mon pays." En France il y a une volonté de suivi. On n’est pas encore à la page mais cela avance. Quand on joue en Afrique du Sud on a des conférences de presse alors que l’on en a eu zéro à Melbourne. Après Il n’a y pas eu non plus de demandes après les matchs de Pouille et Mannarino.
Propos recueillis par Bastien Rambert, pour Tennis Actu