Tennis. Justice - Bernard Giudicelli en correctionnelle pour favoritisme
Par Clémence LACOUR le 15/03/2017 à 11:20
Bernard Giudicelli élu, il pensait peut-être en avoir fini avec les soupçons de la Justice, il n'en est rien. Si les soupçons sur son "pacte de silence" qui visait à protéger son prédecesseur de poursuites pour trafic d'influence et détournement de bien public ne l'ont pas empêché de se porter à la tête de la FFT, il est à présent rattrapé par une affaire locale. Selon Corse Matin, le nouvau président de la FFT a été l'objet d'une enquête du pôle économique et financier du Tribunal de Bastia concernant des dysfonctionnements dans la publicité d'un marché public lancé pour la construction d'un centre territorial de la ligue de Corse à Lucciana. Devant les indices graves et concordants qui laissent à penser, si l'on en croit les sources locales, qu'il s'est rendu coupable de favoritisme, il va être renvoyé en correctionnelle. Le procès devrait se tenir à l'été.
Vidéo - Quand Bernard Giudicelli nous parle des valeurs... de la FFT
La construction du Centre de Ligue de Lucciana : une affaire rondement menée
Construire un bâtiment pour une instance institutionnelle réclame en effet de se donformer à une procédure stricte. Afin de garantir une concurrence satisfaisante, l'acheteur, en l'occurence la Ligue de Corse, doit appliquer des règles de publicité. Selon le coût estimé, il devait être publié au publication au BOAMP (Bulletin des Annonces des Marchés Publics), dans un journal habilité à recevoir des annonces légales (JAL), ainsi qu'au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE). En 2013, la ligue de Corse, avec à sa tête Bernard Giudicelli, a décidé de lancer la construction du centre de Lucciana afin de former sur l'île de futurs champions de tennis. Pour cela, il fallait faire faire un appel d'offre afin construire du sol au plafond cet ensemble qui comprend à présent six courts de tennis dont deux couverts, ainsi que les bureaux de la Ligue et des espaces sportifs et médicaux. Le budget est estimé, rappelle Corse Matin, à 2,8 millions d'euros, financés pour partie également par les collectivités territoriales (1.4 million d'euros) et le CNDS (390 000euros), le reste provenant d'un emprunt. Mais Bernard Giudicelli, lit-on sur Mediapart*, a pensé que la ligue pouvait être exonérée de cette obligation, faisant valoir qu'elle est une Association de Loi 1901. "En conséquence, le contrat conclu pour la construction du centre couvert sur la commune de Lucciana n’est pas soumis à l’obligation de publicité prévue au code des marchés publics." Mais les collectivités territoriales et l'Etat avaient bien eu part au projet... Donc, il aurait bel et bien fallu qu'une appel d'offre soit faite.
L'affaire est rondement menée : dès le délai légal de recours écoulé, la phase de concertation avec les entreprises est lancée, puis le chantier démarre en avril. Comme prévu, le bâtiment, flambant neuf, sort de terre pour être livré à l'été 2014. Il est inauguré en août 2014 en présence de Bernard Giudicelli, José Galletti, maire de Lucciana et Laurent Lokoli. La construction de ce Centre de Ligue est devenu un symbole de la bonne santé du tennis sur l'île de beauté, et la marque de la volonté de passer à l'étape suivante : avoir des champions emblématiques. Giudicelli confiait à Corsent Info le 21 février 2016 "Le tennis corse se porte bien c’est vrai. Nous sommes proches des 4000 licenciés, 34 clubs, des tournois de plus en plus importants notamment sur Ajaccio - le Corsica Open de Mezzavia - des jeunes qui montent à l’image de Laurent Lokoli et Clotilde De Bernardi, avec, en toile de fond, cette idée qu’à force de travail, on peut réussir. Les écoles de tennis marchent très fort et d’autres « raquettes » sont en train de pointer dans les différents clubs."
Des dysfonctionnements divers dans l'attribution du marché
Pourtant, dans les coulisses, tout ne se passe pas si bien. Selon une entreprise, la société Bastia Charpentes Armatures (BCA), la publicité de ce marché public a été "inadaptée", et elle n'a pas pu concourir. Comme elle s'est estimée lésée, elle a émis des protestations par l'intermédiaire de son avocat. Mais ce fut peine perdue. Au fil des courriers, rapporte Corse Matin, le ton est monté. L'avocat de l'entreprise a envoyé un huissier pour faire une sommation, et la Ligue, quant à elle a dénoncé "des (...) manoeuvres contraires aux règles déontaologiques s'appliquant quant aux avocats" et menacé de saisir le bâtonnier. Dans l'impasse, la société a déposé plainte auprès du procureur, et c'est ainsi qu'une enquête a été diligentée. En épluchant le dossier, un nouveau dysfonctionnnement dans la procédure classique a été mis au jour. Les gendarmes relèvent en effet que "les lots ont été attribués au moins disant, sans tenir compte des critères de qualités d'exécution des travaux". De quoi alimenter des soupçons de favoritisme... Et de quoi, surtout atterrir sur le bureau du tribunal une fois bien ficelé, fin 2015. Selon les sources locales, ce procès en correctionnel devrait se dérouler avant l'été. *L'heure est grave puisqu'un "renvoi" signife en termes judiciaires qu'après enquête, le parquet considère qu'il y a suffisamment d'éléments pour laisser penser que l'infraction a effectivement été commise.
*Ajout à 13:42 d'après les informations de Mediapart