Tennis. Roland-Garros - Giudicelli: "Messieurs, vous avez failli à votre mission"
Par Alexandre HERCHEUX le 05/06/2023 à 10:14
Ce Roland-Garros 2023 restera tristement dans les mémoires du clan français. Comme en 2021, aucun Bleu n'a pu se hisser au troisième tour des tableaux simples dames et simples messieurs. Directeur technique national de la Fédération Française de Tennis, Nicolas Escudé n'a pas hésité à évoquer la responsabilité des joueurs, aux commandes de leur propre projet. À qui vraiment la faute ? Au micro de Tennis Actu ce dimanche, Bernard Giudicelli, ancien président de la FFT, battu par Gilles Moretton en février 2021, a réagi. Président entre 2017 et 2021, le Corse, vice-président et membre du board de l'ITF (Fédération Internationale de Tennis), reproche à la fédération actuelle de ne pas avoir poursuivi la dynamique lancée durant son mandat. "Vous avez failli dans votre mission. Vous n'avez pas réussi à continuer sur une dynamique qui était de former une élite (...) C'est une vaste mascarade tout ce qu'on voit, une vaste mascarade". Entretien complet en vidéo... en attendant la réponse et réaction du président de la FFT, Gilles Moretton, et du DTN de la FFT, Nicolas Escudé.
Vidéo - Bernard Giudicelli au micro de Tennis Actu ce dimanche
"Ils ne comprennent rien ! Ils ont failli à leurs responsabilités"
Interrogé d'abord sur l'échec des Français lors de ce Roland-Garros 2023, l'ancien président, âgé aujourd'hui de 65 ans, a été très cash. "J'ai envie dire qu'on a limité les dégâts. Ce système mis en place depuis 40 ans, c'est celui que nous avions combattu en 2017 quand nous avons pris les rênes de la fédération. Nous l'avions fait avec succès. Ceux qui sauvent les meubles, ce sont les jeunes qui sortent du dispositif que nous avons mis en place. Ce système à la française est laminé depuis les années 2000 par la concurrence étrangère. Dès que le circuit international s'est ouvert aux 12 ans, les Français ont disparu. Le vrai sujet, c'est la capacité des gouvernants à comprendre et connaître ce qu'il se passe. Ils ne comprennent rien ! Ils ont failli à leurs responsabilités. Quand le DTN dit : "Ce n'est pas la responsabilité de la FFT de former des vainqueurs de Grands Chelems." Monsieur, il y a une loi en France. Ce sont des missions de services publics. La première, c'est le développement du tennis. La deuxième, former une élite pour représenter la France. Vous avez une délégation du ministère pour ça messieurs ! Vous avez failli dans votre mission ! Vous n'avez pas réussi à continuer sur une dynamique qui était de former une élite. Ça commence à se lâcher : Tsonga, Santoro... les langues commencent à se délier."
Petite précision : les mots sont importants, je ne parlais pas du vestiaire qui est évidemment réservé aux joueurs + coachs, mais « truc » = zone joueurs appelée « players lounge » où joueurs, staff ou encore agents peuvent se retrouver. J’ai dû demandé ðŸ™ðŸ¾ j’ai désormais accès 🙌🾠https://t.co/ntyM7kyiGZ
— Jo-Wilfried Tsonga (@tsonga7) June 3, 2023
"Il n'y a pas de vision partagée. C'est une vaste mascarade tout ce qu'on voit, une vaste mascarade..."
Bernard Giudicelli n'a pas été tendre avec le DTN actuel, Nicolas Escudé. "Je n'ai pas de question à poser à Nicolas Escudé. Son body language parlait pour lui. C'est quelqu'un qui est perdu, qui est en perdition. Il n'y a pas de vision partagée", a-t-il lâché avant d'évoquer le travail autour du DTN. "C'est une vaste mascarade tout ce qu'on voit, une vaste mascarade. En 2021, ils partent dans les Vosges pendant trois jours. Qu'est ce qui est sorti de ce séminaire ? Il y avait déjà Louis Borfiga. En 2022, pas catastrophe mais semi-échec. On a un rapport réalisé par Nicolas Escudé, Paul-Henri Mathieu, Sébastien Grosjean et Julien Benneteau ? Qu'est ce qui en est sorti ? Maintenant, on sort Ljubicic. Il a quand même sa propre académie. Il arrive là. Il va faire quoi ? Pour faire quoi ? Donc je le dis, c'est une vaste mascarade."
Nicolas Escudé, DTN, sur l'échec des Bleus à Roland-Garros
"Bien sûr qu'on a tout bien fait..."
Questionné sur son bilan, très contesté à son départ en 2021, l'ancien président a pourtant été très direct : "Bien sûr qu'on a tout bien fait." Il a ensuite poursuivi : "Quatre Juniors en demi-finale à Roland ? Où a-t-on pu le voir ? Le vrai bilan d'une fédération, ce sont les Juniors. Quand vous prenez un gamin de 12 ans et que quatre ans après vous l'emmenez en demies d'un des plus grands tournois. Arthur Fils et Luca Van Assche n'étaient pas dans une chambre dans un pôle soir. Ils étaient chez eux, dans leur maison. On l'oublie. Moretton dit que ce sont des projets individuels. Non monsieur Moretton ! Ce sont des projets familiaux. Pensez-vous que les familles Rune, Alcaraz, soient étrangères au projet de leur enfant ? Non ! Ce sont des projets familiaux. Elle est là l'explication. Ce que je vois, c'est que la FFT ne sait pas où elle va. Ils ne connaissent pas la concurrence. Quand vous vous lancez dans les affaires, la première chose que vous faites, vous regardez ce que fait la concurrence. Le modèle à la française est laminé. En 40 ans, on a gagné un Roland-Garros chez les hommes et un chez les femmes, basta (...) Chez les Juniors filles, il y a une Française dans le Top 100. C'est Bartashevich, russe naturalisée française en janvier 2022. C'est la désertification. Ils ont tout cassé. C'est ça le problème. Ce que nous avions mis en place pouvait permettre ensuite de continuer la dynamique. Il y a un manque de cohérence totale."
Gilles Moretton et Nicolas Escudé sur le fiasco français en 2021
"Ce n'est même plus de l'inquiétude, c'est de la fatalité. Ce système va dans le mur. Il est perdu car c'était le système d'avant"
Et la suite ? Y-a-t-il un espoir de voir le tennis français se relever ? "Ce n'est même plus de l'inquiétude, c'est de la fatalité. Ce système va dans le mur", assure-t-il. "Il est perdu car c'était le système d'avant. Nous, notre système bourgeonne. Je les appelais les apprentis, pas les espoirs. Je n'aime pas ce terme. On a de beaux apprentis avec leur ligne d'épaules haute et leur confiance. Ça vient de l'amour de leurs parents. Quand vous les privez de leurs parents, vous les fusillez..."