Tennis. Roland-Garros - Stan Wawrinka : "Nadal, c'est un monstre"
Par Clémence LACOUR le 11/06/2017 à 15:03
Stan Wawrinka a joué un match fabuleux face à Andy Murray. Le Suisse, tout en puissance et solide mentalement, a réussi à faire plier le coriace Ecossais. Pour remporter un deuxième ce dimanche, il devra jouer Rafael Nadal, en promenade à Paris, dans son jardin. Jamais l'Espagnol n'a baissé pavillon sur le Chatrier, son court à lui, en finale de Roland-Garros. Ceci dit, il aura des arguments à faire valoir : lui n'a jamais été battu au dernier tour d'un Grand Chelem.
Vidéo - Stan Wawrinka : "Nadal, c'est le défi ultime"
Stan, vous auriez pu remporter ce match en 4 sets. Était-ce difficile d’être mené deux sets à un ? Finalement, il vous a mené à un moment donné et vous avez su faire preuve de force mentale pour revenir et finalement remporter le match. Comment avez-vous fait ?
Lorsque j'étais mené, c'était difficile. Je sais qu'Andy peut dominer. Moi aussi. Mais voilà, c'est un adversaire sérieux. Il sait jouer le bon tennis au bon moment. C'est pour ça qu'il est numéro 1. Lorsque vous arrivez dans un tournoi du Grand Chelem et que vous jouez un joueur comme lui, il faut être concentré. J'ai essayé de me concentrer vraiment sur mon jeu. J'ai eu de la chance aux premier et troisième sets. C'était positif pour moi. À un moment donné, il menait deux sets à un, j'ai à ce moment-là pu revenir et trouver la solution pour au final remporter le match.
De quel compartiment de votre jeu êtes-vous le plus satisfait aujourd'hui ? Pensez-vous qu'il vous reste encore des améliorations à apporter à votre jeu pour le match de dimanche ?
Mentalement, c'était une bataille difficile contre Andy en 5 sets. Avec du vent, c'était très difficile. Au final, je suis content de ce que j'ai fait sur le court. Je pense que je me suis bien battu même si à un moment donné j'ai été mené. J'ai continué à être agressif, à me battre même si parfois j'ai perdu des points parce qu'il jouait très bien. Lorsqu'on joue contre Murray, on sait à quoi on s’expose. Il faut se battre du début à la fin.
Vous avez fait des points extraordinaires, vous avez fait l'essuie-glace, vous êtes monté au filet, vous êtes revenu en arrière, vous avez fait des amorties. C'était magnifique et magique.
C'est vrai. C'est vrai que c'était un match merveilleux. J'ai beaucoup aimé jouer ce match. Lorsqu'on gagne, c’est encore mieux. On a eu des échanges extraordinaires, un niveau de tennis élevé, en demi-finale, à Roland-Garros contre Andy numéro 1. C'est particulier pour moi. J'ai pris beaucoup de plaisir.
Vous a-t-il surpris sur certaines balles que vous lui avez envoyées ? Il a su répondre ? Ou était-ce juste normal pour vous qu'il renvoie toutes les balles ?
C’est clair, avec Andy, beaucoup de balles reviennent. Cela ne m'a pas toujours satisfait mais il est numéro 1, c'est normal. On connaît son jeu. Il joue très bien. Il faut donc l'accepter et il faut continuer à se motiver, à se pousser pour gagner même si de temps en temps il va remporter des points contre vous.
Le public vous a beaucoup soutenu. L'avez-vous ressenti ? Cela a-t-il influencé votre jeu aujourd'hui ?
L'atmosphère était énorme. J'ai pris énormément de plaisir, j'ai adoré. D'ailleurs depuis le début du tournoi, c'est très différent ici. Le public est derrière moi, il me soutient énormément. Cela a été comme ça depuis le début du tournoi, cela me fait très plaisir.
Vous avez joué des matchs extraordinaires à chaque fois que vous avez joué des finales en Grand Chelem. Vous prenez quoi au petit déjeuner le jour de la finale d'un Grand Chelem pour jouer aussi bien ?
Les trois finales que j'ai jouées en Grand Chelem étaient différentes. La première, j'étais heureux et détendu, même en entrant sur le court. La seule chose qui m'a stressé est lorsque j'ai vu que je pouvais remporter le tournoi. Les deux autres, c'était différent. J'étais nerveux, fébrile. Je me disais : « C’est peut-être la dernière fois, ma dernière chance ». J'étais tendu, c'était difficile pour moi, pour les gens autour de moi, pour mon équipe. Ce qui est important est qu'une fois que l'on entre sur le court, il faut focaliser sur ce que l'on sait faire, ce que l'on a appris à faire, ce que l’on a fait à l'entraînement, ce qui a réussi depuis le début du tournoi. C'est ce qui permet de gagner au final.
On ne sait pas quel sera votre adversaire dimanche. Vous pouvez nous parler d’eux ? Nadal d'abord. Si vous deviez le rencontrer dimanche, quelle serait la chose la plus importante pour vous ? En tant qu'athlète, lorsque vous pensez qu'il est là pour potentiellement remporter une dixième fois le trophée concrètement, cela vous fait quoi ?
Rencontrer Rafa en finale du tournoi de ce Grand Chelem, à Roland-Garros, est le défi suprême. C'est le meilleur joueur au tennis sur terre battue. Il a un palmarès hors du commun ici à Paris. Ca reste un monstre. On a vu cette année, le de début saison, et de nouveau sur terre battue… Il est pratiquement injouable sur cette surface. C'est clair que, on va dire, ça peut enlever un peu de pression, dans le sens où si on joue Rafa en finale de Roland, personne n'est favori ; et si on perd, c'est presque normal ! Mais personne n'a envie de perdre une finale de Grand Chelem.Il faudra trouver des solutions, il faudra être présent physiquement et mentalement, il faudra lui rentrer dedans. Et il va falloir essayer de décrocher un deuxième titre ici. Mais, voilà, je ne sais pas quoi dire ! Mais c'est une finale. Il joue pour son dixième Roland Garros. C'est tout de même exceptionnel ! Il va être très difficile à battre. Mais sur une finale, tout peut arriver.Ce serait une rencontre très difficile pour moi. C'est une finale. Le fait que ce soit une finale fait qu'il y a beaucoup de pression pour les deux joueurs. Il y en aura pour moi mais aussi pour lui. Il est favori grâce à son palmarès et sa saison. Je vais jouer mon meilleur tennis. Je l'ai déjà fait. On verra ce à quoi ressemblera dimanche. Lorsque vous jouez contre Rafa, le match est complètement différent. Il faut complètement adapter son jeu. Il faut trouver les bonnes solutions, et puis il y a des jours où Rafa joue très bien avec son revers, d'autres jours où il joue un peu moins bien. Si j'arrive à imprimer des frappes lourdes en revers, ce sera très bien, pour finir certains points, j'imagine. Mais c'est quelque chose que je vais commencer à vraiment méditer à partir de demain, voire demain soir ou le jour même. Aujourd'hui fut un jour difficile, une bataille cruciale, pour l'instant, j'aimerais en profiter, avant de penser à dimanche. Vous savez, une demi-finale au Grand Chelem, ce n'est pas tous les jours. J'en profite, je vais récupérer, me poser, et me préparer pour dimanche.
Stan, on sentait pas mal de tension dès le début du match, c'était l'enjeu de cette demi, le souvenir de l'année dernière, les conditions ?
Oui, beaucoup de tension des deux côtés je pense. Mais, je n'ai pas une fois pensé à l'année passée, pour moi, c'est plutôt l'enjeu de la demie, avoir peut-être une chance de faire de nouveau une finale à Roland-Garros.Jouer contre Andy, on sait que ce sera un match difficile, il faut jouer juste, il faut jouer rapide, il faut bien bouger, ne pas hésiter surtout. Et forcément, cela amène plus de tension.
Vous avez joué Andy l'année passée, et c'était ta stratégie de l'agresser plus que l'année passée, et de ne pas faire jouer comme l'année passée ?
Oui, je pense que l'année passée, lui avait été beaucoup plus agressif, c'est clair, quand je joue contre lui, c'est pour moi toujours important de dicter le jeu, faire le jeu, être agressif, entrer dans le terrain, monter.Mais l'année passée, il avait été tout simplement plus fort, il me rentrait dedans à chaque fois, ne me laissait jamais le temps d'installer mon jeu. C'était difficile et frustrant pour moi l'année passée. Tu dois accepter, quand un joueur joue mieux que toi tout simplement.Cette année il joue moins vite, il est moins en confiance, il hésite par moments aussi. Je sais que j'ai plus le temps de me mettre en place. Ça n'empêche pas qu'il y a de l'hésitation qui entre dans la tête. Et dès qu’il y a de l'hésitation, on fait forcément les mauvais choix, ou il va partir du bon côté, et ça rend un match très compliqué.
Physiquement, comment ça va ? Dans le précédent match,vous avez eu des problèmes ?
Physiquement aujourd'hui, cela a été très bien, j'étais surpris. Je me sentais bien. Mais quand j'avance dans le tournoi, avec la confiance, je me relâche un peu, je suis moins crispé qu'en début de tournoi ou milieu de tournoi.Et forcément, physiquement, ça devient plus facile aussi. Franchement, aujourd'hui, ça a été une très bonne surprise de voir à quel point je tenais, je bougeais bien. Au cinquième, je pouvais être encore plus vif.Maintenant, ça reste 4 heures et demie de match, ou je ne sais pas exactement, et les courbature, je vais les sentir bientôt ! Je sors de 20 minutes dans le bain froid, ça a gelé tout. On verra ce soir.
Stan, plus un adversaire vous fait souffrir pendant un match, meilleur vous êtes, plus vous touchez de lignes, plus vous faites de coups gagnants. Avez-vous l'impression d'être devenu mentalement un autre joueur depuis quelques années ?
Oui clairement, c'est pourquoi j'ai réussi les quatre dernières années à décrocher des titres de Grand Chelem, d'autres titres aussi, sortir de gros matchs dans des grands moments. C'est clair, mentalement, quand j'arrive dans cet environnement, dans cette confiance, dans ces gros matchs, je sais que je ne veux pas lâcher. C'est comme si je fermais tous les boulons, comme si je switchais « on » mon cerveau en mode automatique. Je sais que je vais y aller.Ça ne m'empêche pas de perdre de gros matchs, comme en Australie ou d'autres matches. J'ai confiance en ce que je fais, en moi, en le travail que j'ai fait ces dernières semaines, ces derniers mois, ces dernières années, savoir que quand mentalement je suis présent, ce sera dur à battre. Je suis toujours dans cet état d'esprit d'être surpris en bien. C'est une bonne chose. Quand je rentre sur un terrain, peu importe contre qui je joue, j'essaie de me mettre dans la peau de l’outsider, et ne pas me mettre cette pression, en disant : "C'est normal si je gagne. Il faut que j'avance. Si je fais une demie, parce que je suis troisième mondial, c'est normal." Non, il faut savourer, savoir profiter.Je sais la douleur que ça fait de perdre, et je sais les mois d'avants, qu'on ne gagne pas un match sur terre battue, que l'on est au fond du trou, qu'on s'entraîne encore plus dur, je sais à quel point ça peut faire mal. Ce sont ces moments qui me permettent d'autant savourer. Faire une finale en Grand Chelem, à Roland, ce n'est pas normal. Quand je dis que c'est ma quatrième finale en Grand Chelem, ce n'est pas normal : j'ai la banane, c'est super exceptionnel.Mais quand je rentre sur le terrain, c'est pour gagner, mais j'ai toujours cet état d'esprit qui me fait sourire et fait plaisir.