Tennis. ITW - Andy Murray : "Je ne m'attendais pas à ça"
Par Thibault KARMALY le 05/11/2016 à 19:33
Vidéo - Murray raconte comment Raonic lui a appris son forfait
Andy Murray deviendra le nouveau numéro un mondial lundi en lieu et place de Novak Djokovic, le 26e de l'histoire du jeu, grâce au forfait de Milos Raonic (n°5 mondial) en demi-finales du BNP Paribas Masters de Paris-Bercy. Après avoir tapé la balle avec quelques ramasseurs de balle sur le Central de l'AccorHotels Arena, le Britannique est passé par la salle de presse pour réagir à l'information de la journée. Et il a notamment déclenché les rires dans l'assitance lorsqu'il a raconté comment il a appris la nouvelle : "J'étais dans les vestiaires. Je regardais des vidéos du match de Milos hier et Milos est entré dans la salle où nous étions. Alors j'ai vite éteint mon iPad. Et là il nous a dit qu'il s'était fait mal au quadriceps et qu'il ne pourrait pas jouer."
Andy, j'imagine que vous n'aviez même pas rêvé de ce scénario ?
Évidemment, on ne s'attendait pas à ça aujourd'hui et quand j'ai entendu ce qui se passait, c'était un peu bizarre. On a tellement parlé de cette semaine : si je gagnais, si je faisais ci ou ça. J'ai toujours dit qu'être numéro un mondial ne dépendait pas que de cette semaine ni d'une journée ici ou là mais que cela correspondait à un lourd travail au long terme. C'est malheureux que cela se soit produit de cette manière. J'aurais préféré jouer sur le court. Il a fallu de nombreuses années de travail pour arriver là.
Où est-ce que vous étiez quand on vous a donné l'information ?
J'étais dans les vestiaires. Je regardais des vidéos du match de Milos hier et Milos est entré dans la salle où nous étions. Alors j'ai vite éteint mon iPad. Et là il nous a dit qu'il s'était fait mal au quadriceps et qu'il ne pourrait pas jouer.
Vous parlez de 12 mois de travail, on peut aussi parler de 15 ans de travail ?
Bien évidemment et je suis très satisfait. Bien sûr que c'est quelque chose que je n'avais jamais réalisé auparavant et je ne pensais même pas être sûr d'y arriver, parce qu'à Roland-Garros et au début de l'année, j'étais tellement loin en termes de points, j'étais loin derrière, et quand je voyais le nombre de matches qu'il fallait que je remporte pour y arriver, je n'aurais jamais cru y arriver après Roland-Garros. Et vous voyez qu'en sport, les choses peuvent se renverser rapidement. C'est un drôle de sport. Novak a perdu hier contre un joueur qu'il avait battu 14 fois d'affilée. John aussi. Les choses peuvent se renverser très facilement. Pour moi, ces derniers mois ont été très bons.
Vous avez fait beaucoup d'exploits dans votre carrière. Devenir numéro 1 est une émotion tout aussi grande que de gagner un Grand Chelem ou les Jeux Olympiques ?
Pour l'instant, c'est assez difficile à dire. On se prépare pour ces tournois du Grand Chelem. Et le résultat arrive en deux semaines, en fait, assez rapidement. Alors que pour être numéro 1, ça prend beaucoup, beaucoup de temps, même toute une carrière. D'une certaine manière, c'est plus satisfaisant par rapport à l'ensemble de ma carrière, peut-être, mais pour l'instant j'ai du mal à vous dire ce que cela représente vraiment. Cela s'est passé d'un coup. Je n'ai pas eu le temps vraiment d'y réfléchir pendant la dernière qui vient de s'écouler.
Quand vous l'avez entendu, qu'est-ce qui vous est passé par l'esprit en premier ? Le soulagement, que c'était un cadeau de Dieu ?
En fait, je me suis senti calme, peut-être même à cause de la nature de ce qui s'est passé. Si quelqu'un vous dit qu'il abandonne, à ce moment-là, vous pensez au jour suivant, à ce que vous allez faire. Je n'ai pas réagi, en fait. Par contre, les membres de mon équipe ont réagi différemment. Moi je n'ai pas réagi tout de suite. Les membres de mon équipe m'ont dit « bien joué » ; on s'est donné l'accolade, on savait tous combien c'était difficile d'arriver jusqu'à cette situation.
Alors, vous allez voir maintenant le numéro 1 porté à côté de votre nom. Est-ce que vous vous rendez compte de la beauté de ce qui se passe ?
Mais je le répète : c'est difficile de réaliser pour moi. Hier soir, avant de me coucher, je m'imaginais jouer ce match, et donc j'imaginais que j'arriverais à être numéro 1 après avoir joué un match. Tout ce que j'ai réalisé dans ma carrière, que ce soient les Jeux Olympiques, un Grand Chelem, cela s'est passé après un match. Donc, là, c'est vraiment drôle. C'est un peu dommage d'ailleurs. Je suis sûr que lundi je me sentirai très bien. Si jamais j'abandonne demain, mes points ne seront pas comptabilisés cette semaine, donc il va falloir que je fasse très attention à moi d'ici demain. Je vais tenir ma raquette très fort ! (Rires.).
Il n'y a que 25 joueurs qui ont été numéro 1 dans ce sport et 50 seulement ont gagné des Grands Chelems. Est-ce important d'inscrire cela sur votre CV et d'être en compagnie de ces grands joueurs ? Est-ce que c'est satisfaisant des d'être numéro un Seuls trois joueurs ont tenu cette position pendant les 13 dernières années.
C'est satisfaisant. Cela a été très difficile à réaliser parce qu'il y a de très bons joueurs sur le circuit en même temps difficiles à battre. Quand je vois l'année qu'il a fallu que je fasse pour arriver à être numéro 1, ne serait-ce que pour une semaine, il faut gagner tellement de matchs et arriver au dernier tour de pratiquement tous les tournois. Cela a été vraiment, vraiment très dur. Il n'y a que trois joueurs qui ont été les tout meilleurs de notre sport. Et il a fallu qu'ils gagnent un ou deux grands Chelems, des Masters series, des Masters 1000, il leur a fallu, à chaque fois, faire une très, très bonne année.
Novak nous a parlé de ce qu'il avait réalisé et que cela lui avait coûté beaucoup d'énergie. Il y a beaucoup d'attentes autour des meilleurs joueurs mondiaux. Comment vous gérez ces attentes ?
J'imagine très bien ce que Novak a pu ressentir ces deux dernières années. Ce qu'il a fait est absolument incroyable depuis deux ans et demi, trois ans. Donc je comprends très bien que ça a un prix, cela peut vous épuiser. Alors je voulais très, très bien terminer cette saison. Je ne pensais pas forcément à la position de numéro 1, mais je voulais vraiment bien faire et maintenant, il va falloir que je trouve un nouvel objectif, qui va continuer à me motiver et à progresser et c'est ce que je vais faire maintenant.
Parfois, les joueurs se souviennent dans leur enfance qu'ils ont, par exemple, donné un coup de pied dans un ballon et que c'est le déclic qui a tout déclenché ; et vous ?
Non, ce genre de choses ne m'est pas arrivé. Même quand j'ai débuté dans le circuit professionnel, je n'imaginais pas être numéro 1 un jour. Je n'y avais jamais pensé. C'était plus quand je jouais au foot ou quand je faisais de la lutte avec mon frère, on s'imaginait qu'on allait devenir champions du monde mais pas en tennis.
Vous avez fait beaucoup d'exploits dans ces quatre dernières années. Est-ce que vous pensez qu'engager Ivan a été la meilleure décision de votre carrière ? Est-ce que vous avez parlé avec lui récemment ?
Ivan m'a beaucoup aidé, c'est évident. Les deux fois où nous avons travaillé ensemble, il m'a aidé, mais Jamie Delgado mérite aussi d'être reconnu, parce qu'il travaille tout au long de l'année, il a été là à chaque tournoi, tous les jours. Il a travaillé avec moi depuis le début de cette année, et vraiment, il mérite d'être reconnu pour le magnifique travail qu'il a fait avec moi. Ivan, bien sûr, m'a beaucoup aidé dans les périodes que nous avons passées ensemble, et c'était au moment où j'ai eu la meilleure période de ma carrière. Pour la première fois, toute la série autour de Wimbledon a été une très bonne période. J'ai parlé avec lui aujourd'hui et ces deux dernières semaines, il va venir à Londres. Avec Jamie, ils se sont parlé aussi tous les deux et c'est une bonne équipe.
Est-ce que votre téléphone s'est mis à sonner ? Est-ce que Ivan vous a appelé depuis une heure ?
Non, depuis que j'ai appris, je ne lui ai pas encore parlé. Je viens de taper quelques balles sur le court et je suis venu directement ici. Ma mère et mon épouse sont là. Ce sont les seules personnes à qui j'ai pu parler jusqu'à présent.